Les Enfants du Paradis… Le ballet
Quel est le but de la Danse ? La perfection technique, la virtuosité… Mais avant tout, elle doit raconter une histoire.
Quel est le but d’un(e) chorégraphe ? Inventer un nouveau style, diriger des danseur(e)s… Mais avant tout, il(elle) doit raconter une histoire.
C’est exactement ce qui s’est passé hier au Palais Garnier, pour la Première du ballet Les Enfants du paradis, chorégraphié par l’Etoile José Martinez. Il n’y avait aucune nouveauté chorégraphique, plutôt un petit pot-pourri de plusieurs styles (classique, néo-classique…), il y avait très peu de passages techniques où les artistes laissent éclater leur virtuosité. José Martinez et ses danseurs nous ont juste raconté une histoire.
Une histoire pleine de poésie, de fantaisie, d’émotion, d’humour. Deux être amoureux que les chemins de la vie séparent.
Tout a commencé vers 19h15, une espèce de défilé a envahi les couloirs de Garnier. Enfin, à vrai dire, je n’en ai entendu que les roulements de tambours et quelques cris de comédiens. J’étais coincée au sous-sol à trépigner face aux caisses, en espérant qu’une place Pass’Opéra se libèrerait. Vu que j’étais 7ème dans la file, c’était mal barré. Mais miracle, à 19h32, j’ai ma place, je me rue dans les escaliers et je peux me glisser à ma place à peine 2 minutes après le lever de rideau. Mais bon, une place d’orchestre à 10 euros vaut bien ce retard et cette petite frayeur.
J’avoue toute mon inculture cinématographique, je n’ai jamais vu Les Enfants du paradis. Je ne connaissais même pas l’histoire, et j’avais oublié de réviser la trame avant de partir. D’habitude, je n’aime pas arriver sans avoir aucune idée de l’histoire que je vais voir. Mais là, pas le choix. Et ça ne m’a jamais gêné. Dès les premiers instants, j’ai été happée, j’étais dans l’histoire, dans ce Paris de 1830, j’ai ri, j’ai été émue…
Bon, je ne vais pas vous refaire toute l’histoire des Enfants du paradis. Trop compliquée et j’ai la flemme. Et je suis sûre en plus que vous la connaissez. Le ballet reprend à peu de chose près la même trame, en jouant sur l’aspect « Théâtre dans le théâtre ». Les moments de pantomimes (presque les même que dans le film) s’alternent de façon très naturel avec les scènes d’action. A la fin de la première partie, des prospectus tombent des tringles pour nous avertir de la première d’Othello par Frederick (l’un des personnages)… dans le « théâtre du Grand Escalier ». Le duo sur les marches du Grand Escalier de Garnier ne dure que 5 minutes, et n’est pas d’une grande originalité, mais quel plaisir de voir deux danseurs évoluer à à peine 2 m, et j’aime l’idée de laisser les spectateurs dans l’ambiance du spectacle pendant l’entracte. Au même moment sur scène, Martinez fait répéter son corps de ballet, pour rester dans le trip « Théâtre dans le théâtre » (même si là, j’en ai moins vu l’intéret).
Le premier acte ressemblait plus à du théâtre dansé qu’à un ballet comme on a l’habitude d’en voir. La pantomime est très importante, tout comme les scènes de foule. La foule justement, il y en avait parfois un peu trop sur scène. J’avais du mal à tout voir, à savourer chaque détail. Entre les badauds, les acrobates et les personnages principaux qui vivent l’action, je ne savais plus où poser les yeux. Et c’était parfois frustrant.
Le deuxième acte est beaucoup plus dansé. Il commence par un divertissement très Balanchinien, entre le personnage de Frederick Lemaître et un corps de ballet. Très agréable, j’ai beaucoup aimé le travail « en canon » des filles. Quand à Alessio Carbone, qui jouait Frederick, il était tout simplement brillantissime dans sa chorégraphie pour le coup très virtuose ! Le reste de l’acte se déroule principalement chez le compte, avant les retrouvailles, et l’ultime séparation de Baptiste et Garance, qui s’échappe dans le carnaval.
Parlons un peu des danseurs. Est-ce parce que le chorégraphe a particulièrement travaillé avec leur personnalité, mais ils étaient tous géniaux, corps de ballet inclus.
Je retiens cependant 5 noms.
Caroline Bance est une Madame Hermine à mourir de rire, truculente à souhait. Benjamin Pech campe un Lacenaire inquiétant et troublant. Alessio Carbone est génial en Frederick Lemaître, à la fois très expressif et particulièrement virtuose.
Et puis le couple. Isabelle Ciaravola est Garance du début à la fin. Pleine de vie, elle aime séduire, connaît son pouvoir, mais reste sincère dans chacun de ses amours. Puis froide, rongée de remords mais oubliant tout une fois que Baptiste est retrouvé.
Et celui que je mets devant tous les autres, c’est Mathieu Ganio dans le rôle de Baptiste. Un clown un peu triste, un peu dans la lune, tourmenté par la découverte de Garance, dans un costume qui a l’air un peu trop grand pour lui. La première scène dans la chambre avec Garance, où il s’en va au dernier moment, est pour moi le plus beau moment. Puis on le revoit en homme, sûr de lui… et qui redevient le clown un peu gauche dès qu’il revoit Garance.
Mis à part un solo empreint d’une immense douleur dans le second acte, Ganio a peu de passages dansés et ne montre pas toutes ces capacités de virtuoses. Mais quel artiste… Du début à la fin…
Son regard lors de la scène finale est encore dans ma tête.
Voila, mon récit ne peut pas rendre toute la poésie de ce ballet, loin de là. Alors un conseils, allez-y. Il y a des places tout à fait correctes pour 20 euros pour les non-habitués de Garnier.