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L’Histoire de Manon – Aurélie Dupont et Roberto Bolle

Le ballet est retransmis le 30 mai à 20h sur Culturebox et à minuit sur France 3. 

Lorsqu’une Étoile fait ses adieux, ce genre de réflexion vient souvent à l’esprit : « Mais comment peut-elle partir alors qu’elle est au sommet de son art ?« . Aurélie Dupont n’échappe pas à la règle. Pour la dernière fois, elle danse L’Histoire de Manon. Et dans les bras de Roberto Bolle, artiste invité pour l’occasion sur cette série, la danseuse a régné, encore une fois, sur la scène. Le duo – et même le quatuor en comptant Stéphane Bullion (Lescaut) et Alice Renavand (sa Maîtresse) – a offert une prestation de haute volée, faisant oublier le reste de la production un peu inégale.

Aurélie Dupont - L'Histoire de Manon

Aurélie Dupont – L’Histoire de Manon

La passion dans L’Histoire de Manon passe par ses portés. Vertigineux, alambiqués, tordus, mais qui dévoilent tout de l’élan amoureux lorsqu’ils sont d’une totale fluidité. Aurélie Dupont et Roberto Bolle n’ont que peu répété ensemble, mais c’est comme s’ils formaient un couple de longue date. Le danseur italien, excellent partenaire, fait s’envoler sa ballerine qui devient vibrante. Lors du pas de deux de la chambre, symbole de l’amour de jeunesse, ce n’est pas un couple d’Étoiles chevronnées qui est sur scène, mais deux jeunes premier-ère-s, tout fougueux, tout fou-fou, débordant de charisme sans même sans apercevoir, tous deux tellement beau et belle en scène. Un vrai couple de stars.

Aurélie Dupont propose une Manon cérébrale, comme elle en a l’habitude. Son personnage évolue au fil des actes, passant de la jeune fille naïve à la femme qui voit sa vie détruite. Au premier acte, sa Manon comprend qu’elle attire le regard des hommes. Mais c’est un jeu sans conséquence. Petit à petit, ce jeu devient volontaire, pour avoir de l’argent, pour assoir sa vie, avant de se transformer en calvaire au troisième acte.

Roberto Bolle lui oppose une interprétation totalement premier degré. Le danseur prend son personnage au pied de la lettre et n’hésite pas à en faire des caisses. Mais n’est-ce pas après tout ce qui définit son personnage, un grand romantique aux émotions exacerbées ? Roberto Bolle a quelque chose de solaire en lui, qui donne une certaine pureté au personnage. Une pureté que la Manon d’Aurélie Dupont n’a jamais. Et c’est cette confrontation qui fait que le partenariat fonctionne. Aurélie Dupont est dans la retenue, spectatrice tout d’abord, comme un mur de protection ensuite, lorsqu’elle passe de bras en bras. C’est uniquement dans ceux de Des Grieux qu’elle se lâche et qu’elle s’envole. À se demander si cette femme n’est pas amoureuse de cette pureté, de cet élan que Des Grieux lui offre plutôt que du personnage en lui-même.

Stéphane Bullion (Lescaut) et Alice Renavand (sa Maîtresse) proposent un très beau couple, en opposition aux deux personnages principaux. Si Des Grieux respire l’allégresse et la jeunesse, le Lescaut de Stéphane Bullion a une noirceur et sous-entend un certain dégoût de la vie. Il a ainsi l’alcool triste au deuxième acte. sa variation est faite pour faire rire, mais dépeint surtout un grand mal-être, une lassitude. Alice Renavand donne aussi un ton très juste à la Maîtresse de Lescaut. Elle a beau porter des robes de courtisane et copier les codes de l’aristocratie, chacune de ses révérences est empreint d’une pointe de vulgarité qui révèle la fille des bas-fonds. Si au premier acte elle pouvait se poser comme un modèle pour Manon, elle a été dépassée par son élève au deuxième acte. Car la Manon d’Aurélie Dupont a une dignité de reine dans le salon de Madame, quelque chose d’intouchable malgré sa vie de prostituée de luxe.

L'Histoire de Manon - Alice Renavand

L’Histoire de Manon – Alice Renavand

Dommage que le reste de la production reste aussi sage. Si quelques personnalités se font remarquer ici et là, le ballet reste dans une tonalité sucrée, où les mendiants sont joyeux et les prostituées de jolies filles souriantes. La cradeur des lieux ne transparaît que dans la saleté des décors et des maquillages, pas forcément dans la danse (ou il n’y a qu’en France que la prostitution est perçue comme quelque chose de bon enfant).

La dualité du couple continue au troisième acte. Le Des Grieux de Roberto Bolle semble prêt à reconstruire une vie, trouver ses solutions, mais la Manon d‘Aurélie Dupont est désespérée. Plus que sa fuite dans les marais, sa mise est mort est le viol du Geôlier (très juste Karl Paquette, froid et cruel). Après ça, tout est joué. Le pas de deux final a toutefois du mal à totalement emporter. Il est parfaitement dansé, mais Manon semble plutôt renoncer à la vie qu’à son grand amour (ce qui nous ramène au début, où le personnage semblait plus amoureux d’une attitude que d’un homme). Le désespoir de Des Grieux est, lui, total. Peut-être est-il le seul dans l’histoire à avoir vraiment aimé.

Aurélie Dupont ne fait ses adieux que le 18 mai, mais chacune de ses représentations d’ici là sera comme un petit aperçu. Ainsi, galant, Roberto Bolle pousse en avant l’Étoile, qu’elle puisse saluer seule en scène. Ce qu’elle fait en larmes, devant un public debout (et salle rallumée) pour une standing-ovation chaleureuse et vibrante.

Aurélie Dupont - Saluts de L'Histoire de Manon

Aurélie Dupont – Saluts de L’Histoire de Manon

 

L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan par le Ballet de l’Opéra national de Paris au Palais Garnier. Avec Aurélie Dupont (Manon), Roberto Bolle (Des Grieux), Stéphane Bullion (Lescaut), Alice Renavand (la maîtresse de Lescaut), Benjamin Pech (Monsieur de G.M.), Viviane Descoutures (Madame) et Karl Paquette (le Geôlier). Mercredi 6 mai 2015.

 

Commentaires (8)

  • Ellen Cartsonis

    Merci infiniment, Amélie, de me permettre de vivre ces présentations de loin. J’aurais tant aimée les voir sur place! Vos déscriptions sont superbes.

    Ellen

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  • alena

    bon, eh bien, rien que la dernière image d’une Aurélie en larmes et je suis prête moi-même à y fondre (en larmes) alors vivement, et vivement pas à la fois, le 18 mai. Bouhou.

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  • A.D.*

    Pleurer rien qu’en lisant l’article… Qu’est-ce que ça sera le 18 mai ! Merci en tout cas pour cette avant goût qui donne envie d’y être malgré tout !!

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  • Marie-Charlotte

    Magnifique Aurelie… Quant à Bolle…Mam ma mia!!!!!!

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  • Frederique

    Je suis en général totalement d’accord avec vos compte rendus Amélie mais pour la première fois je mon avis diffère donc je trouve de quoi écrire 😉
    Si j’ai aimé Roberto Bolle, que le côté très premier degré m’a semblé être un engagement total pour le ballet et sa partenaire (comme j’aimerai que les danseurs de l’Opéra soient plus acteurs !), je fus très déçue d’Aurélie Dupont. J’ai pourtant aimé le premier acte, me disant « ah elle fait si jeune et elle part à la retraite! » mais ensuite….j’ai eu l’impression qu’elle se regardait danser pendant tout le ballet, qu’elle contrôlait tout, que tout était fait pour qu’on « l’admire » , sans rien nous donner en retour. Peut être aussi mon avis est biaisé par le nombres d’interviews que je lis où elle me semble se construire sa propre légende, s’inventant être une grande actrice qu’elle n’a pourtant jamais été (elle avait d’autres qualités extraordinaires par ailleurs!), toujours en jouant la carte du faussement naturel et décontracte… le dernier pas de deux final a pour moi été le pire: tant de décalage entre la fougue démonstrative de Bolle et elle qui semblait …ne rien faire que d’être jolie dans son malheur. Bref, je suis peut être passée complètement à côté de ce qu’elle proposait, mais je suis ressortie bien dépitée ( j’avais ,il faut l’avouer, en comparaison la Manon d’isabelle Ciaravola, Ciaravola qui semblait se f…. de ce qu’on pensait d’elle , qui était là pour emporter tout un public dans un histoire et pas seulement sur « elle même »)

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  • Je ne suis pas du tout d’accord Frédérique. Ok Aurélie Dupont ne joue pas pour le poulailler, il faut des jumelles pour observer son jeu et toutes ses finesses. Elle a été sublime, et effectivement, elle a toujours été une superbe actrice. Alors oui, elle n’en fait pas des caisses. J’adorais Isabelle Ciaravola, mais elle avait tendance à en faire des tonnes. Aurélie c’est autre chose, c’est aussi de sa manière de bouger que nait l’émotion. Au dernier acte, Bolle en fait des tonnes alors qu’elle est juste dans sa mort. Elle est épuisée, et le traduit par sa danse, ses mouvements. Lui ouvre la bouche, pleure, crie. Le contraste entre les deux jeux est frappant. Dommage qu’elle n’ait pas dansé avec un partenaire comme Josua Hoffalt à défaut d’Hervé Moreau, son jeu aurait été en harmonie. Bref Aurélie était au sommet de son art et oui elle était une actrice très fine, qui n’est pas dans la démonstration.

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  • Audrey

    Pour ma part j’ai trouvé le partenariat globalement réussi et la danse magnifique, même si manquant par moment un peu d’émotion.
    Même si Roberto Bolle est dans le surjeu, on le sens « généreux » dans sa danse, dans une envie de faire partager les émotions du ballet au plus grand nombre.
    Aurélie Dupont était magnifique la plupart du temps et je suis ravie d’avoir pu voir cette grande danseuse sur la scène de Garnier avant son départ de la scène de l’opera. Je suis un tout petit peu plus réservée sur son jeu cependant. Je l’ai trouvé juste au début du premier acte mais je n’ai absolument pas vu la logique de l’évolution entre la scène de la chambre avec Des Grieux et celle avec Lescaut et Monsieur de GM. Pourtant il me semble qu’il s’agit psychologiquement d’un moment crucial. De même si j’ai apprécié le début du 3ème acte, et notamment la force de K Paquette en geôlier, j’ai trouvé Aurélie Dupont un peu détachée de son PDD final et je n’ai pas vraiment senti l’émotion durant celui-ci.
    Une belle soirée cependant.

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