TOP

Light par le Béjart Ballet Lausanne

Light de Maurice Béjart, par le Béjart Ballet Lausanne, au Théâtre de Chaillot. Avec Kateryna Shalkina (Light), Elisabeth Ros (la Femme) et Julien Favreau (St Francois). Jeudi 6 juin 2013.

Light_2

Cinq ans après la mort de Maurice Béjart, son Béjart Ballet Lausanne continue de bien se porter. Et c’est finalement plutôt rare. La troupe de Merce Cunningham a fermé ses portes, le Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch est dans une mauvaise passe. Le BBL, comme on l’appelle, enchaîne les tournées, donne les tubes de son chorégraphe (Le Boléro ou Le Sacre), teste quelques créations et garde à coeur sa mission : celle de faire perdurer le répertoire du Maître, de faire renaître des oeuvres oubliées pour les faire connaître au public d’aujourd’hui. La dernière en date ? Light, créée en en 1981, revenue sur scène en 2013.

En allant voir un ballet de Maurice Béjart, il y a toujours cette petite crainte : la pièce a-t-elle bien vieilli ? L’esthétique de Béjart est en général marqué par son époque, qui passe parfois assez mal 30 ou 40 ans plus tard. Light est marquée par son année de création, indubitablement, mais aussi parce que Maurice Béjart l’était. Light porte la marque des années 1980 comme elle porte la marque de son chorégraphe, quelque chose d’incopiable, de tout de suite identifiable, et qui curieusement apporte quelque chose de rafraichissant à une époque où beaucoup de créations contemporaino-néo-classiques se ressemblent.

Light_3

Maurice Béjart aimait bien les ballets oniriques, portés par une symbolique forte et parfois tarabiscotée (avez-vous déjà essayé de comprendre sa relecture de L’Oiseau de Feu ?). Light est dans cette veine. Une femme enceinte, installée à San Francisco, voit apparaitre Saint François. Celui l’emmène à Venise, celle de Vivaldi, sept siècles plus tôt. La femme y accouche de sa fille, Light, qui sera le rayon de lumière entre ces deux villes et ces deux époques. Le ballet est un voyage entre ces mondes. Mais qu’importe la trame et la symbolique, il s’agit surtout d’un hymne à la danse, en tout cas en 2013.

La première partie est à vrai dire assez brumeuse. Le San Francisco des années 1980 est illustré d’une musique de l’époque, qui n’a pas passé les années et avec raison. L’imagerie de Venise, avec ses personnages délirants, son prêtre-roux, ses masques et sa folie, séduit bien plus, accompagnée par la musique de Vivaldi qui sied parfaitement à la danse de Béjart. Tant pis pour la symbolique un peu compliquée, seul compte alors le plaisir de la danse, celle d’un Béjart inspiré, exigeante et fluide, libre. Kateryna Shalkina est un  rayon de lumière magique, d’une rare présence et illuminant la scène. Light, elle ne pourrait mieux porter son personnage. Son duo avec l’énigmatique Elisabeth Ros est envoûtant, succédant des passages d’ensemble masculins puissants.

Light_1

Light a un peu vieilli, sa symbolique de départ ne parle plus vraiment. Mais le Béjart Ballet Lausanne est plus vivant que jamais. La troupe est magistrale d’envie, de technique et de présence. Chacun semble porter en soi non seulement l’amour de la danse, mais aussi l’amour de Béjart, et l’envie plus que tout de défendre son oeuvre. Pourtant, sur scène, la plupart des interprètes n’ont jamais travaillé avec lui. C’est là la grande réussite de Gil Roman, le nouveau directeur de la troupe. L’ancienne génération (Elisabeth Ros, Julien Favreau…) se mêle à la nouvelle (Kateryna Shalkina…), la transmission est en place. Un beau pari réussi.

Light de Maurice Béjart par le Béjart Ballet Lausanne, jusqu’au 15 juin au Théâtre de Chaillot.

Commentaires (2)

  • Joelle

    On en revient… C’était beau, c’était différent de tout ce que j’ai pu voir jusqu’à présent, le ballet donnait parfois une impression « bordélique », bien que parfaitement règlé, mais il était merveilleusement interprété par de super danseurs et danseuses.
    Sans doute daté années 80 (les riffs de guitare du début, bien saturés, m’ont rappelé des sonorités que j’aime toujours trente ans après…), mais nous sommes partants pour aller voir le Boléro à l’Opéra de Versailles en octobre prochain !!!

    Répondre
  • Trixi

    Eblouissant!! Vraiment un magnifique spectacle. Chaillot nous a habitué à une belle programmation, de belles surprises, mais là c’était d’un niveau tel que nous en sommes sortis ébahis. Le maître est toujours présent et j’ai vu l’incarnation de Jorge Donn aussi!!
    bref, ce n’est pas mon genre de faire ça, mais là j’étais limite aux larmes de tant d’émotions.

    Répondre

Poster un commentaire