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Magifique, ou les souvenirs dansés de Thierry Malandain

La vie est un peu terne du côté de Garnier en ce moment. Et un peu de changement d’air ne fait pas de mal. Direction donc le Théâtre de Chaillot le 9 février dernier, pour partir à la découverte de Magifique, le dernier ballet de Thierry Malandain, interprété par sa compagnie le Malandain Ballet Biarritz.

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Magifique… Quel titre étrange d’abord. Un délicieux mélange comme seuls savent le faire les enfants, qui s’inventent leur propre vocabulaire (et j’étais très forte à ce jeux là à
trois ans). ça tombe bien, Thierry Malandain évoque justement l’enfance dans ce ballet. Il y a la musique, les trois suites de Tchaïkovski (La Belle au Bois Dormant, Le Lac des Cygnes et Casse-Noisette), sa compagnie, et ses souvenirs de petit garçon qui découvre la danse. Le tout mélangé à une certaine relecture de la chorégraphie originale.

Le noir. Une boîte au milieu faite de miroirs, et des personnages qui en sortent, comme venus d’un rêve. L’introduction de La Belle au Bois Dormant résonne. Quel est le premier souvenir d’un danseur ? La découverte d’un cours de danse, avec ses barres. Qui deviennent très vite un terrain de jeu plutôt qu’un lieu de travail. Les danseur-se-s s’amusent, courent, sautent… mais j’ai du mal à les suivre. Je n’aime pas trop le style chorégraphique, très – trop – athlétique. Cela atteint le summum lors de l’adage à la rose, qui devient un vrai numéro de cirque. Certes, c’est déjà un peu le cas dans la chorégraphie originelle, mais ça ne marche pas vraiment. Je commence à avoir un peu peur : un propos auquel je n’adhère pas + une chorégraphie qui ne me plait pas, c’est mal barré.

Sauf que tout s’arrange avec les premières notes de la valse. La valse de La Belle, la célèbre, celle que l’on a tou-te-s entendue petit-e-s, dans un spectacle de danse ou dans le dessin animé de Disney (on a les références qu’on peut). Le goût d’enfance arrive instantanément dans ma bouche. Je me revois à écouter le disque, à imaginer des gens qui dansent. Thierry Malandain fait la même chose avec ses danseur-se-s, qui s’amusent comme des fous/folles sur scène. J’adhère enfin à Magifique, tout va mieux. 

Le noir. Des formes sombres viennent sur le plateau, enlèvent les barres, libèrent l’espace. Place au Lac des Cygnes, la partie la plus brillante du ballet. Plus que de raconter des souvenirs d’enfance, Thierry Malandain propose une véritable, et enthousiasmante, relecture de la chorégraphie de Petipa. Il ne refait pas l’histoire, l’utilisation d’une suite ne permet pas d’un suivi dramatique, mais remonte les parties les plus célèbres. Il respecte assez bien la configuration d’origine, avec toutes le troupe pour la valse du premier acte, trois couples pour l’adage du deuxième, ou plusieurs groupes pour les danses de caractère du troisième.

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La base est là, le regard exercé le remarquera, mais tout est réinventé. Thierry Malandain revoit tout, s’inspirant de la force de la musique de Tchaïkovski pour imposer son propre style aux airs si connus. ça fonctionne du tonnerre, c’est brillant, ça m’emporte. Les quatre petits cygnes m’ont bien fait rire sur le coup, mais à y réfléchir, c’était un peu trop caricatural. La valse est somptueuse, le final aussi. Je ne sais pas si Thierry Malandin refera un Lac des Cygnes en entier un jour, mais s’il le fait, je sais d’avance que ce sera formidable.

Le noir. Les formes sombres réapparaissent. Place à Casse-Noisette. Pour cette suite, c’est un peu le mélange des deux précédents : des souvenirs d’enfance et une relecture de la chorégraphie, avec une pointe d’humour pas désagréable, même si par moment elle vire un peu trop dans la caricature. La marche des enfants se transforme ainsi en un joyeux et solennel grand Défilé, qui se dévoile et se rembobine, suivi du plus beau moments de Magifique : la variation de la Fée Dragée. Le genre de moment que l’on attend tout un spectacle, ce moment où chacun retient son souffle et où la danse nous emmène dans une autre dimension. Elle est ici dansée par un homme, dans une chorégraphie à la fois très masculine et formidable de légèreté. Deux minutes de pure beauté sur cette musique si mystérieuse.

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Tout le monde revient pour une joyeuse valse des fleurs. Mais même le temps du rêve a une fin. Les miroirs se reforment en la boîte du début, chaque danseur-se y disparait, les souvenirs sont avalés en une aspiration magique. Noir. Applaudissements.

En résumé, beaucoup de belles choses dans ce Magifique. De l’originalité, de l’humour, une belle et originale chorégraphie, et une musique dont je ne me lasse toujours pas. A découvrir encore ce soir pour la dernière date parisienne.

@ Photos : Olivier Houeix

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