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Onéguine – Ludmila Pagliero, Karl Paquette, Eve Grinsztajn et Florian Magnenet

Les distributions d’Onéguine se suivent mais ne se ressemblent pas au Palais Garnier. Après le couple tout feu tout flamme Isabelle Ciaravola/Evan McKie, place à une représentation où le personnage d’Olga fut le centre, interprété par Eve Grinsztajn.

Eve Grinsztajn (Olga) - Saluts d'Onéguine

Eve Grinsztajn (Olga) – Saluts d’Onéguine

En général (en tout cas à l’Opéra de Paris), les personnages féminins se présentent comme ceci : Tatiana héroïne rêveuse, romantique et passionnée, Olga jeune fille rieuse et sage. Pour cette soirée, les personnes ont été comme inversés (et peut-être plus semblables ainsi au roman de Pouchkine) : Olga est une passionnée, vive, séductrice par moments, Tatiana est sage et sérieuse.

Eve Grinsztajn impose d’emblée un personnage d’une grande force. Son Olga s’ennuie dans sa province. Elle s’est fiancée à un beau jeune homme bien sous tous rapports mais attend autre chose de l’amour. Elle rêve de voyage, de grandes choses. Olga se détache ainsi nettement des autres jeunes filles en fleur. Elle peut faire semblant, mais elle n’est pas comme les autres, elle est trop à l’étroit. En face, Florian Magnenet n’est ni virtuose ni un acteur-né. Mais sa prestation n’en a pas moins beaucoup mûri depuis 2011. Il présente sur scène un personnage construit, investit, cohérent, avec une certaine prestance. Leur pas de deux du premier acte est ainsi tout en ambivalence, le couple ne cesse de se chercher. Lui est heureux de sa vie, est amoureux sans se poser de questions, alors qu’Olga est frustrée sans vraiment savoir de quoi. C’est ce déséquilibre qui va finalement créer le drame, Eve Grinsztajn se révélant séductrice et charmeuse au bras d’Onéguine.

Karl Paquette (Onéguine) et Ludmila Paglieor (Tatiana) - Onéguine

Karl Paquette (Onéguine) et Ludmila Paglieor (Tatiana) – Onéguine

En face, Ludmila Pagliero se glisse donc dans la peau d’une Tatiana sérieuse et réservée. Un peu trop sérieuse et réservée ? La danseuse a du mal à s’imposer face à Eve Grinsztajn, qui domine la scène pendant les deuxièmes premiers actes, aussi bien par son personnage que par son couple avec Florian Magnenet. La danse de Ludmila Pagliero est pourtant d’une magnifique précision. C’est un travail de jambe ciselé, un haut du corps lyrique et poétique, une grande sincérité dans le jeu, un vrai sens de la musique, de très beaux abandons dans les portés acrobatiques… Mais il manque comme un soupçon de personnalité, quelque chose qui accroche le regard, qui marque la scène. Quelque chose qui soit différent des autres.

Le partenariat que Ludmila Pagliero formait avec Karl Paquette ne fonctionnait pas non plus toujours au mieux. Non pas techniquement, où tout semblait admirablement en place, mais dans ce qu’ils voulaient raconter. Ils ne semblaient pas toujours d’accord sur l’histoire à dérouler. Karl Paquette notamment interprétait un Onéguine qui manquait parfois d’une certaine logique. Très émouvant dans certains passages (notamment le duel et le bal du troisième acte), certaines de ses réactions laissaient perplexe tant le personnage qu’il dessinait tout d’abord ne semblait pas fait pour ce genre de chose. La lettre déchirée ainsi, au deuxième acte, surprend plus qu’elle ne fait frémir, tant rien dans son Onéguine du premier acte ne laissait envisager de telles réactions.

Ludmila Pagliero (Tatiana) et Christophe Duquenne (Prince Grémine) - Onéguine

Ludmila Pagliero (Tatiana) et Christophe Duquenne (Prince Grémine) – Onéguine

La passion arrive aussi un peu tard dans le couple pour vraiment émouvoir. Au premier acte, Karl Paquette jour un Onéguine aux prises d’une grande tristesse, et c’est plus de la compassion que de l’amour qui semble animer Ludmila Pagliero. Au deuxième acte, ses pleurs ressemblent à celle d’une jeune fille refoulée par le beau gosse du lycée, pas vraiment à un chagrin d’amour dévastateur. Comment, ainsi, croire au pas de deux final, pourtant magnifique ? Rien dans l’histoire qu’ils avaient racontée ne semblait amener à cette grande passion, qui tombe ainsi presque comme un cheveu sur la soupe.

Karl Paquette (Onéguine) et Ludmila Paglieor (Tatiana) - Onéguine

Karl Paquette (Onéguine) et Ludmila Paglieor (Tatiana) – Onéguine

 

Onéguine de John Cranko par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Ludmila Pagliero (Tatiana), Karl Paquette (Onéguine), Florian Magnenet (Smolensk), Eve Grinsztajn (Olga),Christophe Duquenne (le Prince Grémine), Christine Peltzer (Madame Larina) et Ghyslaine Reichert (la Nourrice). Lundi 10 février 2014.

 

Commentaires (4)

  • lou_des_bois

    petite question: est il question d’un dress code pour les adieux d’Isabelle Ciaravola ?
    merci d’avance

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  • annette

    Délicat de comparer la prestation enflammée et bouleversante de Ciaravola / Mc Kie avec la morne fusion du couple Pagliero / Paquette .Rien à voir. D’un côté, une démonstration de style au firmament, de l’autre un travail de besogne qui sonne faux, au point que Grinzstein et Magnenet les éclipsent de leur présence, c’est un comble !
    A sa décharge, Mademoiselle Pagliero, pour laquelle chaque prise de rôle ressemble à un combat , ne peut pas non plus être mise à toutes les sauces faute d’effectif ou de charisme.
    Seules des étoiles de l’envergure de Aurélie Dupont ou de Agnès Letestu ont pu se risquer en leur temps à être crédibles à la fois en Aurore , en Carmen et dans Tatiana, sans que le spectateur ait à souffrir pour elles !
    C’est terrible aussi ces changements permanents de distributions qui plombent systématiquement tous les spectacles et fatiguent les danseurs qui remplacent les blessés ou les disparus dans d’autres compagnies ? au pied levé.
    Je vois pour la Tournée au Japon avec Don Quichotte, que pratiquement tous les danseurs qui étaient prévus sont remplacés, ce qui permet certes à des jeunes comme Colassante , Albisson ou Bourdon de briller à leur tour, mais dans quelles conditions de préparation ? Curieuse politique.

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  • Cabrioles

    Je ne peux que rejoindre annette sur ces prestations. Même si Ludmila Pagliero a une technique magnifique, on ne peut dire qu’elle donne des frissons: pourquoi la mettre sur ce rôle, alors qu’il n’est vraiment pas fait pour elle et qu’il y a des vrais artistes « charismatique » à qui ce rôle de tatianna irait parfaitement ( comment ne pas imaginer Eve Grinzjtajn dedans?)
    De plus, il parait que l’état de la troupe pour cet Oneguine est affolant. Au spectacle de cette après midi ils ont du faire une version réduite du 3ème acte car malgré tout les remplaçants en scène il n’y avait plus assez de monde. C’est vrai que le tout était brouillon et il y avait plusieurs têtes que je n’avais pas vu aux autres specatcles (même si je ne connais pas tout le corps de ballet je commence à reconnaitre un peu les danseurs !)Comment cela se fait-il? une si grosse compagnie ne peut elle assurer une série sans perdre en route la moitié des danseurs? trop de blessures, mauvaise gestion? Apparemment ils répétent Don Quichotte et La dame au camélias toute la journée. C’est peut être trop dur? Mais en revanche, le couple Ciaravola-Moreau était sublime, j’ai encore des étoiles plein les yeux. Et j’adore votre blog, bonne continuation!

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