Pixel – Mourad Merzouki
Après Fluxus Game de Farid Berki, Petits Morceaux du réel de Sébastien Lefrançois ou encore Cités danse connexions #2, arrive l’heure du dernier spectacle de ce 23ème opus de Suresnes cités danse : l’attendu Pixel de Mourad Merzouki.
Une fois de plus, ce chorégraphe hip-hop reconnu se confronte à une discipline qui lui était jusqu’alors étrangère : la création numérique. Le projet qu’il développe au Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne, qu’il dirige depuis 2009, n’est-il pas « La danse, une fenêtre sur le monde » ? Et la vidéo, comme les images virtuelles, font aujourd’hui partie inhérente de ce monde.
Lorsque Mourad Merzouki rencontre les deux artistes de la compagnie Adrien M / Claire B, alias Adrien Mondot et Claire Bardaine, il est tout de suite captivé par leur univers et les multiples possibilités créatives qu’offre un dialogue entre danse et numérique. Ceux-ci réalisent en effet depuis 2011 des expositions, spectacles ou pièces chorégraphiques, où l’art digital se mêle à l’humain. C’est ainsi que nait Pixel, spectacle hybride et féérique, où réel et virtuel s’épousent pour le meilleur.
Tout au long de la pièce, l’interaction entre les danseur-se-s et la multitude de points lumineux projetés en fond de scène, sur un écran de voile, ou au sol fascine. Dans ce monde, bien plus poétique que technologique, les pixels se font tour à tour feux de bengale ou pluie d’étoiles, flocons de neige ou verre brisé. De leurs mouvements, les interprètes dévient leurs trajectoires, les repoussent ou les entrainent dans de folles spirales. Parfois, la danse est au contraire entravée par les crevasses ou monticules modélisés sur le plateau. Et la magie opère avec une force singulière, lorsque le plan, la perspective, changent, quand un mur d’étoiles semble s’écraser sur le sol en entrainant les interprètes.
Dans cette scénographie particulièrement réussie, Mourad Merzouki déploie un vocabulaire hip-hop toujours virtuose et énergique, parfois spectaculaire. Brouillant encore un peu plus les frontières entre réel et virtuel, un danseur hache tant ses gestes qu’il semble se mouvoir sous une lumière stroboscopique. Plus tard, on dirait qu’un second fait rouler sa tête d’une épaule à l’autre. Les corps semblent alors plus chimériques que ne le sont les décors digitaux.
Adepte du mélange des genres, le chorégraphe associe à ses danseurs(ses) un patineur, un circassien au cerceau et une contorsionniste. Malgré l’étonnante beauté d’un amoureux duo entre cette dernière et un artiste hip-hop, c’est ce qui, dans Pixel, séduit le moins. Comme si ces différents numéros, malgré l’habileté et le talent des interprètes, venaient perturber l’alchimie réussie de la danse et du numérique.
Ce mince reproche ne bride toutefois pas le plaisir de cet éblouissant spectacle. Il séduit tant, d’ailleurs, que les prochaines représentations dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne sont déjà presque complètes. Public francilien, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Pixel au Théâtre de Suresnes dans le cadre de Suresnes cités danse.
Direction artistique et Chorégraphie de Mourad Merzouki. Création numérique d’Adrien Mondot et Claire Bardainne. Concept de Mourad Merzouki et Adrien M / Claire B. Création musicale d’Armand Amar. Lumières de Yoann Tivoli. Scénographie de Benjamin Lebreton. Costumes de Pascale Robin. Avec Rémi Autechaud dit RMS, Kader Belmoktar, Marc Brillant, Elodie Chan, Aurélien Chareyron, Yvener Guillaume, Amélie Jousseaume, Ludovic Lacroix, Xuan Le, Steven Valade, Médésséganvi Yetongnon dit Swing. Samedi 7 février 2015.
Pixel est en tournée en France et en Italie jusqu’en mai prochain.
Borsberg Stéphane
Merzouki est vraiment un géant, il donne ses lettres de noblesse au hip-hop. Je me souviens de Yo-gee-ti, un fabuleux spectacle déjà. Fabuleux. Il vient à Compiègne en mars. On va se régaler!
Amélie Bertrand
@ Stéphane : Il a réussi à « institutionnaliser » le hip hop sans lui faire perdre son énergie et ses spécificités. C’est un vrai créateur !
Delphine Baffour
Mourad Merzouki comme Kader Attou renvoient à un passé très lointain le temps où le hip-hop avait du mal à apprivoiser la scène. Mars approche, bon spectacle Stéphane !