Sans Francisco Ballet – Gala d’ouverture des Étés de la Danse 2014
Le San Francisco Ballet a débarqué à Paris pour les Étés de la Danse et compte bien le faire savoir ! Joie de danser, énergie, savoir-faire de l’entertainment à l’américaine et solistes tous plus glamour les uns que les autres : le gala d’ouverture a donné le ton pour trois semaines de spectacles prometteurs.
Un gala d’ouverture n’est pas facile à agencer, le Ballet de l’Opéra de Vienne s’y était un peu cassé les dents l’année dernière. Pas de faute de goût pour le San Francisco Ballet, qui a su montrer en une soirée la diversité de son répertoire et la personnalité de ses Étoiles. De courts extraits alternaient avec des pièces plus conséquentes, dont beaucoup n’avaient encore jamais été dansées en France. Entre la vivacité technique des danseurs et danseuses et les pas de deux romantiques, le public n’a pas eu le temps de s’ennuyer. La danse au San Francisco Ballet, c’est avant tout de l’efficacité, quitte à laisser de côté la pure innovation chorégraphique. Cinq chorégraphes différents en première partie, et comme l’impression de voir un peu la même oeuvre à chaque fois. Il faut danser pour le plus grand nombre, plaire au plus large public, quitte à gommer quelques aspérités. Mais l’énergie, la musicalité et le bonheur contaminant d’être sur scène qui ont enrobé le tout n’ont laissé que le plaisir de voir de la belle danse, et l’envie d’en voir plus.
La deuxième partie, plus diversifiée, rassemblait les meilleurs moments de ce gala. À commencer par le pas de deux d’Agon de George Balanchine, véritable leçon de style magistralement donnée par la frenchy Sofiane Sylve et Luke Ingham. Malgré sa date de création (1957 – alors que presque toutes les autres pièces du gala ont moins de 20 ans), c’est bien cet extrait qui est apparu comme le plus moderne et universel. Le plus original aussi, avec ces accents surprenants, ce mélange de danses de cour et de bras cassés contemporains.
Maria Kochetkova, star des réseaux sociaux, n’a pas déçu non plus. Elle est décidément aussi fabuleuse en scène que l’image qu’elle renvoie sur Internet. Petite bombe qui envahit la scène de son ballon à la russe et de son charisme débordant de cette si frêle silhouette, Maria Kochetkova est aussi une ballerine tout ce qu’il y a de plus romantique. Son duo avec Davit Karapetyan sur Voices of Spring de Frederick Ashton était tout simplement irrésistible. Et pourtant, ce pas de deux a tout pour atteindre les sommets du gnan-gnan-tisme, lancer de pétales de rose inclus. Mais le couple a su y mettre cette délicieuse distante, cette pointe d’humour et ce magnifique envol pour en faire un grand moment.
Ces deux Étoiles s’étaient aussi illustrées au début du gala dans des pièces très différentes. Davit Karapetyan avait apporté une saveur particulière à la Chaconne pour piano et deux danseurs de Helgi Tomasson. Sur une chorégraphie plutôt académique, il y apportait des accents différents, une façon plus contemporaine de bouger le haut du corps et une grande musicalité qui donnait tout le relief de la pièce. Maria Kochetkova a pour sa part illuminé la scène de sa technique ébouriffante dans Classical Symphony de Yuri Possokhov. Ancien danseur de la compagnie, ce chorégraphe s’inspire de Balanchine pour cette pièce chorale jouant de la musique. Ses pas de deux sont plus attendus que ceux du maître américain. Mais sa façon de se servir de l’espace et d’y faire évoluer ses danseur-se-s reste d’une efficacité redoutable, se terminant en feu d’artifice de virtuosité qu’il serait difficile de bouder.
Autre moment joyeux, l’irrésistible pièce de Johan Kobborg Les Lutins, petit cadeau du Gala. Très efficace dans ce genre de spectacle, ce trio s’amuse de la danse et de la musique pour un joli combat amoureux. Mais entre Esteban Hernandez et Gennadi Nedvigin, c’est bien la demoiselle Dores André qui décidé (et qui finit avec le violoniste, rien de mieux qu’une sérénade). Trois solistes à suivre de très près pendant ces trois semaines. À retenir aussi, le réjouissant duo d’entrée, Pascal Molat et Taras Domitro, déchaînés et sachant faire le show sur Alles Walzer de Renato Zanella.
Les autres pièces marquèrent moins chorégraphiquement, mais permirent à de nombreux solistes de s’exprimer et de montrer leur personnalité très différente. Mathilde Froustey, tout sourire et plus craquante que jamais, montra qu’elle n’avait rien perdu de sa danse dans Brahms-Schoenberg Quartet. Sarah Van Patten fut romantique et lyrique dans le pas de deux de Concerto. Même l’After the Rain de Christopher Wheeldon, vu et revu jusqu’à l’écoeurement (stade atteint au bout d’un visionnage ½), prit une autre tournure avec Yuan Yuan Tan, physique extrême entre jambes interminables et souplesse de chat.
Le tout se termina par du Balanchine, maître de la danse américaine, le dernier mouvement de Symphony in C. Attention au choc des cultures avec ce qu’a montré l’Opéra de Paris il y a quelques semaines. Tutus blancs à la place des couleurs, diversités des corps remplaçant l’harmonie physique. Même bazar dans les rangs par contre, mais une énergie et une musicalité qu’il n’y avait pas à Bastille. Vivement la suite.
Gala du San Francisco Ballet aux Étés de la Danse, au Théâtre du Châtelet. Alles Walzer (extrait) de Renato Zanella, avec Pascal Molat et Taras Domitro ; No Other de Val Caniparoli, avec Lorena Feijoo et Vitor Luiz ; Concerto (pas de deux) de Kenneth MacMillan, avec Sarah Van Patten et Tiit Helimets ; Chaconne pour piano et deux danseurs de Helgi Tomasson, avec Frances Chung et Davit Karapetyan ; Classical Symphony de Yuri Possokhov, avec Maria Kochetkova, Hansuke Yamamoto, Sasha De Sola, Carlos Quenedit, Dores Andre et Jaime Garcia Castilla ; Agon (pas de deux) de George Balanchine, avec Sofiane Sylve et Luke Ingham ; Les Lutins de Johan Kobborg, avec Dores Andre, Gennadi Nedvigin et Esteban Hernandez ; Brahms Schoenberg Quartet (pas de deux du deuxième mouvement) de George Balanchine, avec Mathilde Froustey et Carlos Quenedit ; Voices of Spring de Frederick Ashton, avec Maria Kochetkova et Davit Karapetyan ; After the Rain de Christopher Wheeldon, avec Yuan Yuan Tan et Damian Smith ; Symphony in C (quatrième mouvement) de George Balanchine, avec Simone Messmer, Vitor Luiz, Sofiane Sylve, Tiit Helimets, Frances Chung, Joseph Walsh, Sasha De Sola et Jaime Garcia Castilla. Jeudi 10 juillet 2014.
la souris
« La danse au San Francisco Ballet, c’est avant tout de l’efficacité, quitte à laisser de côté la pure innovation chorégraphique » dixit une spectatrice de l’Opéra, où Petit, Petipa et surtout Noureev règnent en roi. ^^
Sinon blague à part, I see your point. Les chorégraphies que l’on a vues sont un peu à la danse ce qu’Hollywood est au cinéma. Mais un bon blockbuster vaut parfois mieux que du cinéma d’auteur à la mord-moi le nœud.
petit voile
Nous voulons un entretien avec Sofiane Sylve!