Sara Baras – Voces
C’est presque comme un rituel. Tous les deux ans, Sara Baras fait résonner la scène du Théâtre des Champs-Élysées de son flamenco. Toujours indomptable, furieusement marquante, incroyablement moderne, toute entière à son art et son public (qui le lui rend bien, le TCE n’est pas forcément habitué à ces cris de joie lancés à pleins poumons).
Pour Voces, sa nouvelle création, Sara Baras a fait appel à ses grands Maîtres du flamenco. Santana de Yepes, Paco de Lucia, Camarón de la Isla, Antonio Gades, Enrique Morente et Moraíto. Pendant plus d’une heure, elle refait ainsi vivre l’histoire moderne du flamenco à travers leurs voix, leurs images et ce qu’ils ont inspiré à la danseuse qu’elle est d’aujourd’hui.
Une belle idée en soi. Interpeller ses maîtres, c’est se questionner, faire le bilan de sa propre carrière. Mais Sara Baras a du mal à sortir de la pure référence, oubliant la contemporanéité qu’elle sait si bien donner à sa danse. La forme reste ainsi souvent au stade de la citation, quand ça ne tombe pas assez maladroitement, comme lors du prologue, dans une espèce de folklore de presque mauvais goût (la musique synthétique, mais quelle faute dans ce genre de spectacle).
Mais Sara Baras reste une interprète exceptionnelle. Passés les moments du corps de ballet oubliables, elle allume la scène de ses frappes et fait réellement résonner le flamenco et toutes ses inspirations. Elle est là en tant que danseuse, en tant que femme avec son vécu, en tant que personne humaine. Elle vide ses tripes à chaque frappe, donne sa vie à chaque mouvement, harangue le public d’un coup de menton. Elle lui impose le silence et lui fait retenir son souffle par ses frappes aux multiples sonorités.
Et c’est finalement dans la plus grande simplicité que naît la plus forte émotion. Dans Voces, Sara Baras sort ses superbes robes de flamenco. Du vert, du rouge, des volants. Mais c’est pourtant en simple pantalon et veste noire, avec pour seul décor une poursuite blanche, que la danseuse crée le plus fascinant des solos. Auréolée de cette lumière crue, bouche serrée, mains acérées, elle se lance dans une danse de vie et de mort, faisant s’entrechoquer le flamenco d’hier et d’aujourd’hui. D’une beauté à couper le souffle.
Voces de Sara Baras, par le Sara Baras Ballet Flamenco, au Théâtre des Champs-Élysées (jusqu’au 11 janvier 2015). Avec Sara Baras et José Serrano. Lundi 22 décembre 2014.