Soirée Balanchine / Millepied – Laura Hecquet en son Palais
Mais oui, encore un troisième épisode de la soirée Balanchine/Millepied. Si les deux ballets ne réservent plus vraiment de surprises en soi, de nouveaux interprètes surent donner un charme nouveau à certains passages.
À commencer par Laura Hecquet, admirablement bien secondée par Audric Bezard, dans le second mouvement du Palais de Cristal de George Balanchine. Un pas de deux on ne peut plus casse-gueule : long, bourré de références, à la fois très académique et néo-classique, et où, bien sûr, la musicalité ne doit jamais être oubliée. Laura Hecquet y déploya une véritable poésie, un charmant mélange entre une élégance naturelle, de beaux bras expressifs, et comme une histoire murmurée entre les pas. La danseuse ne s’est pas contentée de faire, elle a créé comme un petit univers, quelque chose de particulier et qui donna une saveur nouvelle à ce passage. Romantique au début, incisive lorsque la danse se faisait plus moderne, la danseuse montra de plus une belle maturité et une grande compréhension de la chorégraphie.
Le reste du Palais de Cristal semblait être au bout de l’usure. Ludmila Pagliero survola techniquement le premier mouvement. Mais il manquait comme un peu de panache, ou était-ce un trop-plein de sourire forcé, pour se laisser séduire. Le troisième mouvement fut une véritable course contre la montre, avec comme sous-titre « Rendez-vous au point d’orgue« . Le corps de ballet a toujours semblé courir après la musique depuis la première sur ce passage, il ne fut pas aidé ce soir-là par le chef Philippe Jordan, qui prit un tempo sixième vitesse. Petit moment de panique sur scène où les danseurs et danseuses semblaient se demander comment caser tous ces petits pas sur des si petites noires et croches. Seul François Alu réussit le pari. Mais sa comparse étant presque un demi-temps en retard, leur duo était surtout totalement décalé, comme si le sapin de Noël des tutus verts semblait sur le point de vaciller. Quatrième mouvement usé malgré le charme et le piquant indéniable de Nolwenn Daniel, il était temps de s’arrêter.
Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied ne surprend plus vraiment à son troisième visionnage, ce qui n’empêche pas les cinq protagonistes de donner des visions intéressantes de leur personnage.
Amandine Albisson, qui dansait Chloé, semblait ainsi extrêmement à l’aise dans cette danse néo-classique très fluide et aérienne. La nouvelle Étoile brillait en scène, attentive à la musique et le haut du corps particulièrement vivant. Dommage que personne ne lui ait dit qu’il s’agissait d’une histoire d’amour, et qu’il serait bien qu’elle s’intéresse un minimum à son partenaire. Comme La Belle au bois dormant ou Onéguine, Amandine Albisson a dansé seule, superbement mais seule. Difficile ainsi de faire croire à l’histoire de Daphnis et Chloé quand visiblement Daphnis et Chloé n’ont rien à se dire (ou plutôt que Chloé n’a pas capté l’existence de Daphnis). Marc Moreau fit exister son personnage comme il pût, sa variation fut un joli moment, mais sans répondant, ce ne fut forcément pas évident.
Le couple Léonore Baulac (Lycénion) et Allister Madin (Dorcon) rencontra un peu le même problème : moins de complicité que les deux autres distributions, mais un travail personnel plutôt intéressant. Sans jouer à la vamp, Léonore Baulac auréola sa Lycénion d’un certain mystère, la rendant plus charmeuse et un peu magicienne que pure tentatrice. Un point de vue différent des deux autres interprètes et qui fonctionna très bien. Allister Madin dansa aussi un Dorcon incisif. Dommage qu’il tombe souvent dans le sur-jeu. Sa danse vive, tranchante et expressive n’en a pas besoin pour se faire comprendre. Fabien Révillion fut enfin brillant dans le rôle virtuose de Bryaxis, sans complexe face à François Alu et Pierre-Arthur Raveau (les autres interprètes du rôle). Voilà un danseur qui s’envole depuis une ou deux saisons.
Si chacun construit donc son personnage avec intérêt, les interactions entre eux n’étaient pourtant pas vraiment aboutis. Alors au lieu des longs pas de deux fluides, ce sont les passages d’ensemble qui marquèrent les esprits. Contrairement au Palais de Cristal, pas une once de fatigue ne se faisait sentir chez les interprètes, aussi engagés qu’à la première. Avec au milieu la rayonnante Amélie Joannidès, qui a pris sans rougir la place de Léonore Baulac dans le corps de ballet.
Soirée Balanchine/Millepied par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Le Palais de Cristal de George Balanchine, avec Ludmila Pagliero, Karl Paquette, Laura Hecquet, Audric Bezard, Valentine Colasante, François Alu, Nolwenn Daniel et Emmanuel Thibault ; Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied, avec Amandine Albisson (Chloé), Marc Moreau (Daphnis), Léonore Baulac (Lycénion), Allister Madin (Dorcon) et Fabien Révillion (Bryaxis). Vendredi 6 juin 2014.
Jiyeon
Ah ben voila! Je cherchais ce qui me déplaisait chez Amandine Albisson, et c’est précisement cela: elle semble danser toute seule. C’est très dommage étant donné sa technique parfaite.
Au contraire, Laura Hecquet a toujours quelque chose à dire avec sa danse, un message a faire passer. Héloïse Bourdon me rappelle Laura Hecquet parfois, dans les expressions et le romantisme.
Dommage que je n’ai pu voir Léonore Baulac et Allister Madin…
anne-claire
Il faut peut-être tout simplement qu’Amandine Albisson trouve le partenaire qui lui convienne. Lors de la matinée du 25 mai, j’ai trouvé que le duo avec Bryaxis – Fabien Révillion fonctionnait bien.
a.
Déjà, dans le 2ème couple du 1er mouvement, Laura Hecquet brillait de classe poétique : on ne pouvait détacher son regard de sa silhouette ; alors je l’imagine bien dans ce mvt lyrique…
pirouette24
J’ai été tout comme vous complètement sous le charme de Laura Hecquet . Pourquoi n’est-elle pas première danseuse? Elle a une aura et une présence bien plus importante que Amandine Albisson non? (enfin Amandine Albisson danse très bien et est très belle mais je préfère tellement Hecquet, qui est pour moi de la trempe des plus grandes…)
Et je suis contente de connaitre le nom de cette danseuse en verte, Amélie Joannides, que mon ami et moi n’avons pas quitté des yeux du spectacle, mais impossible de savoir quel était son nom. Et en le lisant je me rend compte que je l’avais déjà repéré au concours de promotion. Elle crève l’écran et danse très fluidement. J’ai aussi beaucoup apprécié Marc Moreau que je découvrais pour la première fois dans un grand rôle.
J’espère que la nouvelle direction saura pousser ses jeunes très prometteurs que la direction actuelle semble…oublier ( mais que le public remarque à coup sur..allez on y croit, Hecquet étoile un jour!!)
Amélie
@ Jiyeon : Laura Hecquet a aussi plus d’expérience, elle a dansé de nombreux petits rôles.
@ Anne-Claire : Et vrai, comme un partenariat se travaille aussi, et Amandine Albisson n’a pas eu encore de partenaire plus ou moins fixe. C’est toutefois quelque chose qui me dérange souvent chez elle.
@ A. : Elle est vraiment à l’aise dans ce genre de répertoire :).
@ Laura Hecquet et Amandine Albisson sont des danseuses très différentes, on ne va pas se positionner sur qui a le plus de présence :). Au dernier concours, Amandine Albisson est arrivée première, Laura Hecquet deuxième, les carrières peuvent se jouer à peu de choses.
tartarin
Au dernier concours de promotion, chez les sujets fille, la seule qui m’avait marquée était Laura Hecquet…