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Soirée Danseurs chorégraphes, le cru 2013

Comme attendu, cette soirée Danseurs chorégraphes de l’Opéra de Paris s’est révélée être un très agréable moment.

Tous les deux ou trois ans, quelques artistes du corps de ballet s’essayent à la chorégraphie dans l’enceinte intimiste de l’Amphithéâtre Bastille. Il n’y a pas que des chef d’oeuvres et des pièces inoubliables. Mais il y a à chaque fois des propositions fortes, une cohérence artistique, des projets mûrement réfléchis dansés par des interprètes très engagées. Un mélange qui donne toujours une soirée pleine de charme et de surprises, doublée du plaisir de voir évoluer les danseurs et danseuses de très près.

La soirée Danseurs chorégraphes 2013 - Les saluts

La soirée Danseurs chorégraphes 2013 – Les saluts

La dernière soirée de ce genre, il y a deux ans, était clairement placée sous un signe WayneMcGregor-ien. L’édition 2013 a été bien plus éclectique dans les inspirations. On reconnaissait ça et là Mats Ek, Pina Bausch ou Trisha Brown, sans tomber non plus dans l’effet copier-coller. Le programme était ainsi composé de pièces très différentes, qui ont d’ailleurs provoqué des effets des plus contrastés sur les spectateurs et spectatrices, pas d’accord entre eux pour décerner leurs coups de coeur et coups d’ennui. Signe d’une soirée réussie.

Tout le monde s’est néanmoins retrouvé pour saluer (et plus que ça) Premier cauchemar de Samuel Murez, pièce sans conteste la plus aboutie de  ce spectacle. Mais ce n’est pas un hasard. Le chorégraphe n’en est pas à son coup d’essai, cela fait huit ans qu’il crée. Et au-delà de son talent et de son imagination indéniable, il y a aussi le métier qui est là, une façon de penser globalement avec la chorégraphie, les interprètes et la scénographie.

Le Rêveur (formidable Hugo Vigliotti) est en plein cauchemar. Une bande de working-men et girls, mallettes à la main, essayent de l’enrôler de force dans leur ronde absurde. L’ambiance est fantasmagorique et drôle, sorte de train fantôme où le quotidien prend des allures des plus inquiétantes. Même le piano joue le jeu, judicieusement tourné vers le public alors que la musique est enregistrée. Le soliste est plus acteur que danseur, mais le groupe qui l’entoure s’envole formidablement bien, dans des pas néo-classique jazzy qui ne sont pas sans rappeler les musicals de Broadway. L’imagerie est d’ailleurs assez cinématographique, entre des effets de fumée et de lumière bien trouvés.

Premier cauchemar de Samuel Murez

Premier cauchemar de Samuel Murez

Premier cauchemar est moins drôlement percutant que Me2, présenté il y a deux ans, mais n’en est pas moins une pièce brillante. Et ce n’est que le prélude d’une chorégraphie encore en chantier. Vivement le tout. Et vivement une salle plus grande pour Samuel Murez.

Trois coups de coeur personnels émaillent le reste du programme. Avec Stratégie de l’Hippocampe, Simon Valastro a frappé fort pour une première chorégraphie. Le père, la mère, le frère, la soeur et le chien. La photo de la famille modèle (mais qui fait un peu peur tout de même) ouvre la pièce. Voilà une chronique familiale autour des gestes du quotidien, quand l’absurde fait passer beaucoup d’idées et de vérités. Le chorégraphe s’est bien entouré, notamment par une formidable Ève Grinsztajn en maman bourgeoise corsetée, et a visiblement su les diriger. La pièce n’échappe cependant pas à quelques maladresses, caricatures ou temps morts. Mais elle a indéniablement une personnalité bien à elle, un état d’esprit particulier, on ne l’oublie pas.

Jean-Baptiste Chavignier, Eve Grinsztajn, Hugo, Vigliotti Alexis Renaud, et Éléonore Guérineau - Stratégie de l’Hippocampe de Simon Valastro

Jean-Baptiste Chavignier, Eve Grinsztajn, Hugo, Vigliotti Alexis Renaud, et Éléonore Guérineau – Stratégie de l’Hippocampe de Simon Valastro

Alexandre Carniato est allé cherché du côté du théâtre dansé pour sa pièce Songes du Douanier. La pièce était un peu difficile d’accès, le propos un peu opaque, mais n’en restait pas moins une proposition très personnelle portée par de formidables interprètes (Charlotte Ranson, Letizia Galloni, Aurélien Houette et le chorégraphe). La pièce s’est surtout révélée lors de sa deuxième partie, dans une nature empreinte d’une certaine absurdité et d’une infinie poésie.    On était là encore dans une proposition très personnelle, forte, et sans effet inutile.

Songe du Douanier d'Alexandre Carniato

Songe du Douanier d’Alexandre Carniato

Lorsque En attendant l’année dernière de Grégory Gaillard a démarré, j’avoue avoir été septique. Musique planante et clair-obscur, ce genre de pièce pseudo-intellectuelle m’ennuie toujours. Sauf que non. Lucie Fenwick a mis son corps longiligne en action, dévoilant une chorégraphie recherchée, intelligente et sans fioriture. Malgré la musique choisie qui n’est visiblement pas mon truc, je me suis surprise à être vraiment happée par l’ambiance particulière de la pièce, et même assez fascinée lors du final, savamment monté en puissance. Un travail moins surprenant que les deux chorégraphies citées ci-dessus, mais réussi.

Les autres pièces présentées étaient un peu plus anecdotiques, sans que cela ne remettent bien sûr en cause le travail et l’investissement des chorégraphes, dont c’était pour la plupart une première.

Julien Meyzindi démarre d’une façon très percutante sa pièce Smoke Alarm, avec un beau solo d’Alexandre Gasse. Mais il semble moins à l’aise pour chorégraphier le pas de deux qui suit, plus conformiste malgré la présence d’Alice Renavand (qui rend beau tout ce qu’elle danse, mais comment fait-elle ?).

Smoke Alarm de Julien Meyzindi

Smoke Alarm de Julien Meyzindi

Bach, un homme, une femme, l’exercice a été mille fois relevé, mais Maxime Thomas s’en est plutôt bien sorti avec sa pièce Deux à deux. Letizia Galloni y a été lumineuse, et le pas de deux était empreint d’une belle complicité.

Deux à deux de Maxime Thomas

Deux à deux de Maxime Thomas

Allister Madin s’est pour sa part malheureusement perdu dans son Kaléidoscope. Le danseur semblait porter plus d’attention à l’image, aux photos que cela pourrait donner après, qu’à la chorégraphie en elle-même. Cela a donné une série d’effets théâtraux dont on ne comprenait ni la présence si le sens, et beaucoup de choses jetées en vrac sans lien entre elles. Le choix des musiques n’a pas vraiment aidé. Requiem for a Dream, c’est très beau, mais c’est surtout archi entendu et ré-entendu, et collant sur n’importe quoi une indécrottable étiquette « Je suis dans les années 1990 »  (que le choix des costumes n’a pas aidé à la décoller) (Je compter lancer une pétition pour interdire l’utilisation de cette musique pour les 50 prochaines années). Tant pis. On oublie et on attendra sa prochaine pièce.

Soirée Danseurs chorégraphes, jusqu’au 28 février à l’Amphithéâtre Bastille

© Photo 1 : Ploutim. Photos 3 : Julien Benhamou. Photos 4 : Elendae

Comments (7)

  • « Premier cauchemar » = le bal des vampires en entreprise = +++ (et heureusement que ce n’est pas la réalité 😉
    « Deux à deux » = gentillet = +
    « En attendant l’année dernière » = heu… pas du tout emballée par Lucie Fenwick, solo trop long, lumière trop agressive au début = –
    « Kaléidoscope » = la plus grosse déception, j’avais aimé son duo de tango il y a deux ans. Là je n’ai pas vu un « kaléidoscope » (où les tableaux de couleurs se succèdent et s’enchaînent avec logique et fluidité), mais un patchwork sans cohérence et une chorégraphie très scolaire = — (en espérant +++ dans deux ans !)
    « Smoke Alarm » = comme vous dites, Alice « rend beau tout ce qu’elle danse », j’approuve !! et en plus la chorégraphie elle-même est belle = ++
    « Songes du Douanier » = propos pas toujours limpide mais c’est tout de même une idée très originale, avec de bons interprètes (et Aurélien Houette ayant un sourire à faire accélérer vitesse grand V la fonte des glaciers…) = ++
    « Stratégie de l’Hippocampe » = waouh ! une vraie pièce de théâtre dansée, à lire comme un livre, avec une Eve Grinsztajn juste sublime = +++
    Conclusion : on pourrait pas programmer ce genre de soirée deux fois par an ? 😉

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  • suzy

    je reviens de la soirée , j ai été enthousiasmé par la pièce sur Bach de Maxime Thomas, un vrai bonheur de voir un jeune artiste proposer une pièce avec un réel langage chorégraphique et une belle musicalité.Il y a une vraie sensibilité et vraisemblablement un gros travail de fond pour avoir pu caser les portées périlleux tout en finesse.
    j’ai regretté justement de ne pas voir dans le reste de la soirée de vraies pièces chorégraphique, la plupart des pièces étant à mon gout trop portés sur le théâtre et la mise en scène , ce qui est dommage quand on a à sa disposition de tels danseurs .

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  • Joelle

    Les néophytes ont adoré du début jusqu’à la fin !!!
    Je rejoins Amélie sur « En attendant l’année dernière », la musique n’était vraiment pas terrible… mais la chorégraphie et la charmante interprète étaient Top !

    Et nous avons encore craqué sur Alice Renavand (cela doit être l’effet Kaguyahime de début février), mais elle était super et son alter ego aussi.

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  • Sissi

    J’ai également passé une très bonne soirée. C’est agréable de faire des découvertes et j’ai particulièrement aimé la première et la dernière pièce. Alice Renavand était sublime, c’est fou dès qu’elle entre sur scène on ne voit qu’elle et on est captivé. Il y avait dans la salle Elisabeth Platel, on ne sait jamais pour un prochain spectacle de l’école de danse…

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  • Jean-Marc CRANTOR

    Votre jugement m’intéresse toujours car vos propositions sont souvent pertinentes. Mais aujourd’hui, je ne vous suis pas. Je suis, en effet, d’accord pour admettre que « Premier chauchemar » de Samuel Murez est un vrai bijou. Il est certain que ce chorégraphe est bourré de talent. Cependant, je ne comprends pas les raisons qui vous conduisent à comparer cette pièce à Me2. Elles existent indépendamment l’une de l’autre. Nul besoin de les comparer. C’est un réflexe injustifié. Pour moi, ces pièces présentent deux visions de la société avec un langage chorégraphique différent. Quels rapports existent-ils entre « La dame aux camélias », « Sylvia », « La 3ème symphonie de Mahler » de John Neumeier ? Tout simplement, le talent du chorégraphe. Il en est de même pour Samuel Murez qui arrive à renouveler la danse tout en m’émouvant, tout en m’amusant, tout en me questionnant sur notre société. En revanche, je n’ai pas été touché par le ballet de Simon Valastro. Le premier tableau est parfait. Puis, on décroche très vite. Des longueurs, une histoire ennuyeuse qui n’avance pas. Heureusement, qu’Eve Grinsztajn était merveilleuse. C’est grâce à elle que je ne me suis pas endormi. Je réfute le qualiticatif « anecdotique » que vous employez pour parler des autres pièces. Est-ce bien raisonnable ? Le travail de l’ensemble des chorégraphes doit être salué. Celui des danseuses et des danseurs aussi. De vraies intentions chorégraphiques. Des danseuses et des danseurs totalement investis. Des pas de deux envoûtants (aussi chez Maxime Thomas que chez Julien Meyzindi) des ensembles coordonnés, des propos engageants, … Ils avaient tous une histoire touchante qu’ils ont su raconter de manière personnelle et intelligente avec d’excellents interprètes. Cette soirée est un très bel espace de liberté d’expression pour les danseurs de l’Opéra. Liberté d’expression pour ceux qui signent les chorégraphies ; liberté d’expression pour ceux qui dansent en soliste. Un vrai régal !

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