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Soirée Roland Petit épisode 2 : une révélation, Carmen

Soirée Roland Petit par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Lundi 18 mars 2013.

Trois ballets : Le Rendez-vous, avec Jérémie Bélingard (je Jeune homme), Alice Renavand (La Plus belle fille du monde), Michaël Denard (le Destin) et Hugo Vigliotti (le Bossu) ; Le Loup,avec Émilie Cozette (la Jeune fille), Stéphane Bullion (le Loup), Sabrina Mallem (la Bohémienne) et Christophe Duquenne (le Jeune homme) ; Carmen, avec Nicolas Le Riche (Don José), Éléonora Abbagnato (Carmen), Audric Bezard (Escamillo), Valentine Colasante, François Alu et Mathieu Botto (les Chef-fe-s des brigands). 

Toutes les photos de cette soirée sont à retrouver sur le site de Julien Benhamou

Carmen - Nicolas Le Riche et Éléonora Abbagnato

Carmen – Éléonora Abbagnato et Nicolas Le Riche

Une critique anglais racontait il y a quelques temps, à l’occasion de la reprise d’Onéguine par le Royal Ballet, combien elle aimait voir plusieurs distributions d’un même ballet. Je ne peux que la rejoindre, et cette soirée Roland Petit en est un excellent exemple. Les trois ballets ont pris pour ma deuxième soirée un tout autre sens. Ce ne fut pas, selon les ballets, forcément mieux, mais vraiment différent. Comment raconter une autre histoire avec exactement le même ballet, je trouve ça fantastique. C’est aussi avec différents interprètes que l’on peu se rendre compte de la force – ou non- d’une oeuvre, ou de la force des interprètes, capables de faire aimer n’importe quoi.

Je ne sais pas bien où se situe Carmen entre ses deux propositions. Le fait est que, lors de la première, le ballet m’a semblé sympa. Un bon moment, sans pour autant vibrer d’émotion, mais sans ennuie non plus. Un moment sympa. Lundi, ce fut un ballet fantastique, rempli de passion et de fureur. Je ne sais pas trop si la chorégraphie en elle-même est apparue plus riche. Sa construction a en tout cas été révélée par un duo d’interprètes formidables, Nicolas Le Riche et Éléonora Abbagnato.

Dans Le Rendez-vousNicolas Le Riche joue un jeune homme de 20 ans on ne peut plus crédible. Dans Carmen, il ne triche pas sur son âge. Son Don José a du vécu, il en impose. Ce n’est pas un être timide un peu à côté de la plaque, c’est un homme qui commande, et qui séduit. Qu’est-il allé faire dans cette taverne ? Une nouvelle conquête, une recherche d’aventure ou le frisson du danger…  Il semble en tout cas avoir franchi une drôle de porte. Éléonora Abbagnato n’est pas une Carmen des rues, mais une apparition énigmatique, surprenante. Et si cette taverne était un peu magique ? Un parfum de mystère flotte en tout cas dans cette gargotte, quelque chose d’un peu hors du temps… Comme cette variation de Don José, formidablement percutante, prenante, magistrale. Nicolas Le Riche  surprend toujours, émeut encore, quel danseur…

Carmen - Nicolas Le Riche

Carmen – Nicolas Le Riche

Éléonora Abbagnato n’a pas la diabolique technique de Ludmila Pagliero. Mais elle a le charisme et la passion en elle. Une fois la nuit passée, le mystère est retombée, mais pas l’attirance. Carmen est une femme forte, peut-être la première que Don José a croisé. Et plus que le coup monté contre le marchant, c’est le rejet de Carmen qui provoque sa folie. Ils sont là, tête contre tête, prêts pour le combat final aux sons des percussions. Chacun prend l’ascendance avant de la laisser à l’autre, chacun veut prendre le dessus. C’est finalement Don José qui l’aura, dans un dernier sursaut de passion (pour elle) et de folie (pour lui).

Carmen est-il un grand ballet ? Les deux danseurs et danseuses du soir sont à coup sûr de grands interprètes. Et la première a pris tout à coup un goût un peu tiedasse. Si les grandes soirées à l’Opéra de Paris ne peuvent décidément que se passer avec Nicolas Le Riche sur scène, les prochaines années vont être difficiles pour le public.

Le Rendez-vous n’a pas eu de plus grande révélation, mais tout de même le goût de la re-découverte, grâce à une interprétation très différente du couple Nicolas Le Riche/Isabelle Ciaravola, mais tout aussi séduisante.

Jérémie Bélingard est le matou du quartier, beau gosse qui s’assume, la tête légère toujours en quête d’aventures et de filles, oubliant les erreurs de la veille pour profiter des bonheurs du moment présent. Le Destin sonne comme la réalité de la vie à sa porte, hey mon garçon, il serait temps d’arrêter de rire. Mais comment l’écouter quand tout vous réussit et vous tombe dans les bras ? Le Jeune homme du soir a ainsi une joie de vivre un peu naïve très attachante (à vrai dire, qui n’aimerait pas vivre d’une façon aussi détachée), une fougue qui ne laisse pas indifférent-e. Quant à  Alice Renavand, c’est une fille des bas-fonds de Paris, et non pas une apparition mystérieuse comme Isabelle Ciaravola. Elle vient là en mission, attaquant le Jeune homme par sa grande faiblesse : celle de croire qu’aucune femme ne lui résiste. Est-elle là pour venger une amante déçue, un mari jaloux ? Son plan est en tout cas bien défini, et une fois la mission accomplie, son visage redevient de marbre, prête à repartir en mission dans les ruelles sombres de la capitale.

Le Rendez-vous - Alice Renavand et Jérémie Bélingard

Le Rendez-vous – Alice Renavand et Jérémie Bélingard

Le Rendez-vous de ce soir avait bien plus les pieds sur terre, mais le charme a opéré aussi. Il avait le goût, non pas de la magie comme lors de la première, mais du roman policier un peu noir et addictif. Je prend aussi.

Le Loup laisse toujours sur sa fin. Pourtant, le spectacle avait plutôt bien commencé, avec un casting sympathique et investi. Sabrina Mallem campe une Bohémienne sensuelle et piquante, sans une once de morale. Christophe Duquenne est drôle dans le rôle du mari volage, et Stéphane Bullion apporte toute la sauvagerie introvertie que demande le personnage. Le long pas de deux prend ainsi une autre dimension. Plus qu’un pas d’amour, c’est un moment d’apprivoisement. D’abord brutal et apeuré, le Loup s’adoucit petit à petit dans les bras de la Jeune fille, jusqu’à révéler un caractère humain. On est dans une énième relecture de La Belle et la Bête, mais le monstre du jour sait se montrer touchant. Dommage que la mariée, une fois passée la découverte, manque de passion dans ses gestes. Le couple a du mal à exister, et forcément, le ballet perd de sa force. Une fois de plus, donc. J’ai pourtant l’impression frustrante que ce Loup a plus à offrir qu’un vague moment d’ennui.

Le Loup - Stéphane Bullion et Émilie Cozette

Le Loup – Stéphane Bullion et Émilie Cozette

Soirée Roland Petit, jusqu’au 29 mars au Palais Garnier.

Comments (8)

  • Très belle soirée passée devant ces 3 histoires!
    Je regrette de ne pas être entrée totalement dans Carmen. En fait je crois avoir eu du mal à accrocher à celle jouée par Eleonora Abbagnato. Ca peut paraître futile, mais son absence de maquillage m’a perturbée : j’avais plus l’impression de voir une femme androgyne qu’une héroïne séductrice et forte. Nicolas Le Riche éblouit comme toujours ; on aurait dit que le public voulait vraiment lui rendre hommage à la fin de la représentation. François Alu m’a bien fait rire en chef des brigands.
    La bonne surprise de la soirée aura été pour moi Le Loup, alors que je m’attendais à ne pas du tout aimer cette représentation. La musique, l’histoire, les décors et le jeu des danseurs m’ont beaucoup touchée.

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  • Valérian

    J’ai trouvé Jérémie Bélingard plutôt éteint dans le Jeune homme de Rendez vous et Alice Renavand pas très à l’aise peut-être parce que le partenariat était laborieux…
    Le Loup de Stéphane Bullion est fantastique (dans tous les sens du terme) et la douceur d’Emilie Cozette touchante. C’était moi aussi mon moment favori de la soirée… Je suis parti ailleurs dans la forêt avec eux!!!
    Je n’ai pas accroché à Carmen avec une Carmen qui finalement n’apporte pas de nuance au rôle (et fatigue au fur et à mesure du ballet) et un Don José qui en apporte trop sans que du coup, on comprenne pourquoi. La scénographie grotesque lasse passé le premier rire…

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  • Joelle

    Le lundi 18 mars fut effectivement une soirée superbe et très prenante !
    Nous y sommes retournés samedi 23 mars au soir et ce fut encore une superbe histoire avec des interprètes différents suivant les ballets :
    N. Le Riche fut sublime dans le Rendez-vous, surtout dans la première partie du ballet, et I. Ciaravola était remarquable dans son rôle de la « vilaine » jeune fille, tout comme l’a été A. Renavand. Je trouve le rôle malheureusement trop court…

    Les « petits jeunes » (Albisson/Bezard) ont très bien assuré pour le Loup, ce fut une bonne surprise, mais la sulfureuse S. Mallem nous a manqué dans le rôle de la gitane.

    Et Carmen… et bien Carmen… ce fut absolument génial avec deux interprètes totalement différents cette fois, à savoir A. Dupont et K. Paquette, tous les deux avec de beaux cheveux noirs 🙂
    Ils ont été superbes, géniaux et ont bien fait ressortir l’âme de ce ballet, arrivant presque (quelle honte ! Amélie va m’en vouloir….) à me faire oublier l’interprétation Le Riche/Abbagnato que j’avais adorée cinq jours auparavant.
    J’ai trouvé A. Dupont beaucoup plus à l’aise dans le rôle de Carmen qu’E.A., et K. Paquette a très bien joué l’hidalgo !!!

    Nous avons eu droit au même trio « Brigands » : F. Alu, M. Botto et V. Colasante et ils ont été super sur les deux soirées, donnant même l’impression de se marrer sur scène, de s’amuser, tout en restant très professionnels ! Ils iront loin ces « petits » ! 🙂

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  • francoise

    J’ai assisté à la soirée d’hier samedi 23 mars et je partage totalement l’ avis de Joelle . La surprise de la soirée fut  » le loup » que je m’ attendais à trouver très daté . L’interprétation des deux  » petits jeunes  » , A. Bezard et A. Albisson , aussi beaux et émouvants l’un que l’ autre l’ a rendu touchant et prenant , l’ ovation de la salle l’ a montré . Comme le dit Joelle , ils y iront surement loin , c’est à souhaiter pour la relève !
    Nicolas le Riche une merveille permanente ; il est tellement beau qu’un frisson saisit la salle ( en tous cas les spectatrices !) dès qu’il entre en scène . Les mouchoirs vont être nombreux à sortir l’ année prochaine …Mais je dois dire que K. Paquette en don José brun fut excellent aussi . Beaucoup d’ allure et son partenariat avec Aurélie Dupont , splendide , fonctionne très bien , on est bouleversés

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  • Tiphaine

    Je reviens de la séance de cet après-midi. Beaucoup de surprises, et de beaux moments.
    Tout d’abord Le Rendez-vous. Avec A. Renavand qui devait danser avec J. Bélingard mais on a eu le droit à la place à un petit jeune: Alexandre Gasse. Et je dois dire que je l’ai trouvé vraiment bon. Sa danse est fluide et dynamique et tout en espièglerie. Le pas de deux est magnétique, le regard d’Alice est incroyable, ça marche très bien et ça fait plaisir de voir des petits jeunes. J’ai aussi adoré les moments chantés.
    Pour Le Loup, on a eu le droit à Pujol-Bézard. Je suis un peu moins séduite que pour Renavand-Gasse. L. Pujol est magnifique, tellement expressive et cela avec tout son corps, ses bras sont tellement fluides. Je suis un peu plus sceptique pour Bézard, qui m’avait pourtant tant plu dans Forsythe. Il rentre vraiment dans son rôle qu’au dernier tableau. Mais L. Pujol est tellement présente que les pas de deux sont quand même assez prenant. Pour la bohémienne, on a eu V. Colasante, je ne suis pas vraiment séduite par sa danse, j’ai du mal avec ses bras et son port de tête. Quand on pense qu’elle est du même grade qu’E. Abbagnato, on marche un peu sur la tête, enfin cela n’engage que moi!
    Enfin Carmen, c’est un régal, N. Leriche est magique et E. Abbagnato captivante. Leur duo marche tellement bien!! Les Chefs des brigands (C. Robert, A. Madin, M. Thomas) sont très investis, je suis toujours autant séduite par Allister Madin qui capte mon regard!! E. Abbagnato est vraiment parfaite en Carmen, les pas de deux sont tellement vibrant!! Encore une fois cela n’engage que moi, mais pourquoi n’est-elle pas étoile!!! Seule bémol, Carmen n’étant pas très souriante pour les saluts mais bon on lui pardonne!

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  • Michael

    J’ai assisté à la représentation du 29 mars. J’en suis ressorti ravi. Les distributions n’étaient pas celles annoncées et je l’avoue, tant mieux!…
    Dans le Rendez-vous, j’ai beaucoup aimé Le Riche d’un charisme et d’une précision millimétrée. En comparaison, Albisson semblait un peu pâle, même si elle était très bien. Le ballet, lui, ne m’a pas emballé plus que ça et vaut surtout par la prestation des danseurs et les décors. La musique, l’intrigue… sans plus.
    J’ai été très agréablement surpris par le Loup. La musique de Dutilleux fonctionne à merveille, tout comme la chorégraphie de Roland Petit. Les costumes et les décors sont peut être un peu datés mais quelle profusion de couleurs et le contraste avec le Rendez-vous fonctionne très bien. Cozette et Duquenne ne m’ont pas particulièrement ému. La faute peut-être à leur rôle. Par contre, Bézard et Mallem m’ont impressionné : l’une par son adéquation au rôle, le premier par son engagement physique, son investissement.
    Reste Carmen. Vraiment je n’ai pas été déçu : Pagliero est magnifique et si Bullion n’est pas acéré lors la habanera, le reste du ballet lui convient très bien et le couple fonctionne très bien. Les rôles secondaires m’a tous plu et semblent jouer de leurs personnages ce qui prouve qu’ils les maîtrisent bien. Je trouve contrairement à certains que le ballet vieillit bien. Tout y est plaisant : décor, arrangement musical (quelle bonne idée que d’utiliser les percussions seules pour le duo final!…)… Vraiment une très bonne soirée et pourtant la salle de Garnier me déplaît toujours autant…

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