Suresnes cités danse – Petits Morceaux du réel de Sébastien Lefrançois
Après Fluxus Game de Farid Berki rendant hommage au cinéma, Suresnes cités danse continue avec une pièce engagée, Petits Morceaux du réel de Sébastien Lefrançois. Inspirée par la difficulté du monde du travail, et plus précisément du travail répétitif en usine, la nouvelle création du chorégraphe sait toucher en plein coeur par de courts mais fulgurants moments d’émotion. Dommage que la danse n’y a finalement qu’une petite part.
En 2008, Sébastien Lefrançois avait créé Roméos et Juliettes pour Suresnes cités danse. Le chorégraphe était ensuite parti dans une recherche différente, où la virtuosité importe moins que son propos, où théâtre et danse se mélangent. Petits Morceaux du réel est dans cet esprit, mélangeant mini-scène de théâtre, occupation du plateau et une danse fragmentée.
Ce hip hop nerveux, affûté, rend au plus juste le travail à la chaîne et ce qu’il peut avoir de traumatisant sur les corps. En file, les six interprètes en bleu de travail se mettent à faire le même geste du quotidien, qui se transforme petit à petit en mouvements dansés. Le mouvement est presque robotique, brusque, mais les danseurs et danseuses portent sur leur visage cette fatigue du quotidien. L’être humain face au travail à la chaîne est vite dépassé.
Sébastien Lefrançois s’est rendu à l’usine Peugeot-Citroën à Aulnay-sous-Bois en 2013, alors en plein conflit social. Il a su transmettre sur scène des bouts de vie et de quotidien. Ce peut être la solidarité entre ouvrier-ère-s, les discussions-clopes d’avant travail, ces témoignages sur l’absurdité du geste répétitif. L’émotion frappe en plein coeur au détour d’une phrase. Mais force est de constater que cela passe beaucoup plus par les mots et la voix que par les corps. La recherche sur le geste et la danse s’arrête en effet assez vite, et n’est pas vraiment poussée à son maximum. Le propos se transmet ainsi bien plus par des saynètes parlées, jouées avec justesse par les interprètes.
Petits Morceaux du réel sait ainsi interpeller. Mais la frustration persiste face à cette sous-utilisation de la danse. Surtout que les quelques passages dansés montraient toutes les possibilités du hip hop de Sébastien Lefrançois de s’emparer avec force du propos. La danse n’a fait que l’effleurer.
Petits Morceaux du réel de Sébastien Lefrançois, dans le cadre de Suresnes cités danse, au Théâtre de Suresnes Jean Vilar. Avec Anaïs Barthe, Aurélien Collewet, Nicolas Fayol, Muriel Henry, Angela Vanoni et Victor Virnot. Vendredi 22 janvier 2015.