TOP

Un Américain à Paris – Le plaisir du spectacle

La comédie musicale Un Américain à Paris est de retour au Théâtre du Châtelet jusqu’au 1er janvier

La création mondiale d’Un Américain à Paris au Théâtre du Châtelet s’annonçait comme l’un des événements de la saison. Et le spectacle s’est révélé à la hauteur des attentes. L’équipe artistique a apporté sur la scène parisienne tout son savoir-faire anglo-saxon des comédies musicales. Elle a monté un show ultra-efficace, mais qui n’en oublie jamais l’émotion et l’humour, toujours au service de la trame et des personnages. Un vrai plaisir du spectacle ! 

Un Américain à Paris

Un Américain à Paris – Robert Fairchild et Leanne Cope

Pour ses comédies musicales, le Théâtre du Châtelet n’est pas vraiment amateur des mises en scène audacieuses ou brutale. Un Américain à Paris n’échappe pas à la règle et reste classique sur la forme. Jamais pourtant le spectacle ne tombe dans la nostalgie de l’âge d’or de Broadway des 50′, d’où vient le film original. Et c’est bien le regard de notre époque qui est posé sur cette histoire dans le Paris post-1945. La vie est trouble, les temps sont durs. La vision de la guerre et le retour des anciens soldats meurtris font penser à notre actualité.

Au milieu d’une pente difficile à remonter, les deux héros Jerry Mulligan et Lise Dassin apparaissent comme des rayons de soleil (comme agit d’ailleurs le spectacle sur le public d’aujourd’hui). Lui est un soldat devenu artiste, tombant raide amoureux de Lise au premier regard. Elle est une jeune danseuse en pleine ascension. Elle ne dirait pas non à Jerry si un lourd secret ne la poussait à se fiancer à Henri Baurel. Mais rassurez-vous, une vraie comédie musicale ne serait pas une comédie musicale sans un happy end : les deux amoureux se retrouvent finalement sur les bords de Seine.

Un Américain à Paris - Robert Fairchild (au centre)

Un Américain à Paris – Robert Fairchild (au centre)

Le GI devenue peintre, le café du coin, la vendeuse des Galeries Lafayette qui veut être danseuse, la chambre de bonne, le chorégraphe audacieux, les toits du Palais Garnier, la riche héritière amoureuse des arts, la famille ex-collabo (mais en fait non), rien ne manque dans ce Paris des années 1950, où les arts foisonnent. Pas de décors de pacotille pour faire vivre la capitale, mais des écrans mouvants, apportant cette touche de modernité et permettant de varier les ambiances. Le tout se transforme même en Théâtre du Châtelet pour une mise en abyme judicieuse, ou en Radio City Music Hall pour un clin d’oeil à New York. Christopher Wheeldon y glisse aussi de nombreuses références à la danse de ces années-là. Et les costumes de son grand ballet du deuxième acte font parfois penser à ceux de Roland Petit.

Christopher Wheeldon déploie dans Un Américain à Paris tout son génie de la scène. Là encore, rien de fondamentalement neuf, mais une vraie habileté à occuper la scène, à faire vivre une histoire et des personnages, sans aucun temps mort. Premiers comme seconds rôles, chacun dévoile ainsi des aspérités au fur et à mesure de la pièce, apportant toute la profondeur à un scénario tout de même cousu de fils blanc (car qui dans la salle doute que cela va bien se terminer ?). La danse de Christopher Wheeldon a cette énergie américaine, cette force du groupe, ces déhanchés jazzy inspirés de Jerome Robbins, avec ce petit vent d’air frais et de nouveauté.

Un Américain à Paris - Leanne Cope

Un Américain à Paris – Leanne Cope

La danse est d’ailleurs le point central d’Un Américain à Paris, tout comme le film. Elle n’est pas là que comme divertissement, elle sert l’histoire, tout comme les chansons. Le grand ballet du deuxième acte, censé être une représentation, ne fait finalement que représenter l’histoire d’amour entre Jerry et Lise, toujours à se chercher. Il fallait donc de vrais danseurs professionnels pour les rôles principaux. Robert Fairchild (Principal au New York City Ballet) et Leanne Cope (First Artist au Royal Ballet de Londres), sont craquants, éblouissants sur scène tout en rendant leur personnage terriblement attachant. Robert Fairchild, en particulier, se fond à merveille dans les pas de Christopher Wheeldon, montrant le génial danseur et le grand admirateur de Gene Kelly qu’il est. Pour la voix, les oreilles attentives remarqueront que ce n’est pas la spécialité du couple, qui s’en sort toutefois avec les honneurs.

Finalement, quel est le point faible d’Un Américain à Paris ? Peut-être la réorchestration. Le poème symphonique de George Gershwin Un Américain à Paris (qui inspira le film initial), ne fait qu’une vingtaine de minutes, la partition a donc été étoffée par d’autres oeuvres du compositeur. On se surprend à connaître des airs, I Got Rhythm ou They Can’t Take That Away From Me. Mais la musique de Gershwin, jazzy et bondissante, apparait comme édulcorée par l’orchestre, comme si tous les accents avaient été lissés. La chanson Liza avec ses délicieux décalés sonne presque sirupeuse. L’envie de plaire au plus grand nombre a-t-elle été poussée un peu trop loin ?

Tant pis pour la musique (quelle phrase sacrilège) qui se contente du minimum, le plaisir de voir Un Américain à Paris est bien vivace. Cette comédie musicale est une ode à la scène, et au profond bonheur que peut donner le Spectacle.

Un Américain à Paris

Un Américain à Paris – Max Von Essen

 

Un Américain à Paris de George Gershwin et Ira Gershwin (musique et chanson), Craig Lucas (livret) et Christopher Wheeldon (mise en scène et chorégraphie), au Théâtre du Châtelet. Avec Robert Fairchild (Jerry Mulligan), Leanne Cope (Lise Dassin), Veanne Cox (Madame Baurel), Jill Paice (Milo Davenport), Brandon Uranowitz (Adam Hochberg) et Max Von Essen (Henri Baurel). Vendredi 21 novembre 2014 (répétition générale). 




 

Comments (2)

  • Pascale

    Au delà de la qualité de la danse, j’ai beaucoup aimé la mise en scène, les décors mobiles qui évoluent avec rythme et beaucoup de naturel, comme s’ils dansaient aussi.
    Ce fut pour moi aussi une très belle soirée.

    reply
  • Ponlu

    Tout à fait d’accord avec cette critique c’est du grand spectacle, on passe un très bon moment. La scénographie moderne et tout en mouvement sert brillamment le rythme et l’atmosphère. En revanche j’ai été moins séduit par la danse puissante et peu nuancée de Robert Fairchild que par la maîtrise et le style de Leanne Cope.

    reply

Post a Comment