TOP

[Sortie ciné] Le Grand bal de Laetitia Carton

La danse sur DALP, c’est en général la danse professionnelle, sur scène. Mais la danse, elle se fait aussi entre amateurs et amatrices, dans les bals, les « bals trads » comme on dit. Ou on danse ensemble, des valses, des mazurkas, des cercles circassiens, toutes ces danses populaires qui ne sont pas oubliées, encore bien vivantes dans ces bals. Et chaque été à Gennetines, une petite commune de l’Allier, plus de 2.000 passionné.e.s se retrouvent pour le Grand bal d’Europe. 15 jours de danse, à apprendre des danses de toute l’Europe la journée, à danser dans les bals toute la nuit, au son de l’accordéon, du violon, de la vielle, de la flûte. C’est ce grand bal qu’a filmé Laetitia Carton pour son documentaire éponyme. Elle filme au plus près des danseurs et danseuses pour saisir ce plaisir infini de danser ensemble.

Pour avoir participé au Grand bal de Gennetines il y a déjà une quinzaine d’années, pour un.e néophyte du bal trad, c’est une vraie plongée dans un autre monde. Un monde de passionné.e., immense, qu’on ne soupçonne pas quand on ne le connaît pas. C’est ce que montre Le Grand bal : l’immersion dans un univers à part, avec ses codes, sa façon de fonctionner, comme une initiation. Un monde qui rassemble chaque été plus de 2.000 personnes, d’absolument tous les âges. 

Ici, on y danse. À deux le plus souvent, en groupe aussi. On prend des cours la journée avant de danser jusqu’au bout de la nuit. On rencontre des inconnu.e.s le temps d’une valse, on discute, on joue de la musique. La caméra filme au plus près ce mystère de la danse de couple : ce rapprochement des corps, le temps de quelques minutes, sans qu’aucune notion de drague n’intervienne. Quelque chose qui paraît presque surréaliste aujourd’hui. Laetitia Carton filme ainsi les regards qui se croisent le temps d’une danse, les mains qui s’appuient sur l’épaule de l’autre, les corps qui se rapprochent en rythme. C’est cela le Grand bal, ce truc qui existe depuis le début de l’humanité : profiter pendant un moment de cette joie de danser avec l’autre, de danser ensemble, de se laisser porter par la musique, de se mettre à guider un.e danseur.se débutant. À Gennetines, on peut danser entre femmes, entre hommes, on peut guider ou être guidé. On ne se pose pas de question. On entre sous une tente qui abrite un parquet, on invite quelqu’un à danser ou on se fait inviter, et on danse. On danse ses danses ancrées dans notre mémoire collective, qui ont façonné les régions et les peuples. 

 

Petit à petit, la caméra laisse la parole aux danseurs et danseuses, lors des temps de repos dans la marée de tentes du camping créé pour l’occasion. Pour montrer aussi que, derrière cette liberté de danser toute la nuit pendant 15 jours, il y a aussi des codes. Que l’on ne prend pas tout de suite plaisir à danser, qu’il faut apprendre. Que l’on se demande toujours si on peut inviter quand on ne sait pas bien danser. Que l’on se prend toujours une petite piqure d’ego quand on annonce son statut de débutant et que l’on voit son partenaire s’éloigner pour un.e plus expérimenté.e. Certain.e.s n’aiment danser qu’avec des proches, d’autres adorent cette idée de partager quelques minutes avec un inconnu.e. L’on parle de la timidité, qui s’envole au bout d’un moment, des bals qui sont tellement fous que c’est l’extase d’y danser, de ceux aussi où on ne trouve pas sa place. Mais qu’importe finalement. Ces 2.000 et quelques personnes de toutes les générations se retrouvent pour le simple plaisir de danser avec son voisin, sa voisine. Le Grand bal reste un documentaire bien sage sur la forme, mais montre d’une jolie façon ces moments tout simples d’humanité partagés

 

Le Grand bal de Laetitia Carton – 1h29 – France – Sortie en salles françaises le 31 octobre 2018.




 

Poster un commentaire