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[Sortie ciné] Cunningham de Alla Kovgan

La sortie de Cunningham signé Alla Kovgan parachève une année 20 t19 jalonnée d’hommages au grand chorégraphe américain. Richement illustré, d’une belle facture, avec un parti-pris assumé de se concentrer sur la période 1942-1972, ce documentaire montre Merce Cunningham doutant, expérimentant, tâtonnant… Pour son premier film, la réalisatrice a choisi d’éclairer la trajectoire de cet immense créateur, de ses débuts jeune danseur à New York jusqu’à son explosion, en tant que chorégraphe visionnaire à travers des images inédites. Tourné en 3D avec les derniers interprètes de la compagnie, le film reprend des extraits de 14 pièces parmi les 180 conçues par le maître. Plus qu’une biographie, ce film brillant se révèle un voyage à travers une œuvre foisonnante, contrastée, aride parfois, qui n’a pas toujours trouvé son public, mais dont l’auteur continue de briller comme un phare pour bon nombre de danseuses et danseurs aujourd’hui.

Cunningham de Alla Kovgan

Pour écrire ce documentaire, la réalisatrice Alla Hovgan a eu accès à un matériau inédit : 300 heures d’images méticuleusement conservées par David Vaughan, le responsable des archives et de l’histoire de la compagnie, aujourd’hui décédé. Elle a également littéralement mené l’enquête pendant des années pour retrouver des pièces dont on pensait qu’elles avaient disparu. À partir de cette précieuse découverte, elle a choisi d’entremêler des images d’archives, des extraits d’interviews et des ré-interprétations par d’anciens danseur.euse.s de la MCC de pièces emblématiques : Antic Meet dans laquelle Merce Cunningham, seul, une chaise attachée dans le dos, est révélé au public parisien (très réticent pour ne pas dire franchement hostile) ; Summerspace dans le décor pointilliste et lumineux de Robert Rauschenberg ; RainForest avec les étonnants oreillers remplis d’hélium imaginés par Andy Warhol. Cette construction produit un ensemble très cohérent et les lieux où ont été filmées les pièces contribuent au renouvellement du regard que l’on porte sur elles : le toit du Westbeth Center (le building new yorkais qui abritait le studio de la compagnie où tant de danseurs ont fait escale pour un temps plus ou moins long), une forêt de pins, un parking à Cologne, un tunnel à Hambourg… La caméra suit les corps, les accompagne, devient une interprète à elle seule.

Alla Hovgan ressuscite surtout une époque où Merce Cunningham et les artistes de la Merce Cunningham Dance Company parcouraient les États-Unis de manière un peu roots, dans un van Volkswagen en quête d’un public et d’une reconnaissance. Des débuts hésitants portés par la foi des défricheurs. Des pionniers en quête d’une nouvelle frontière. Pouvoir se remémorer en images cette épopée faite d’exigence et de renoncements est passionnant. Et puis bien sûr, la collaboration avec John Cage, Robert Rauschenberg et d’autres artistes américains…

Cunningham de Alla Kovgan

Plus qu’à cerner la personnalité de Merce Cunningham (gageure difficile tant l’homme était discret et peu enclin à la confidence), Alla Kovgan s’est attachée à montrer le travail d’un chorégraphe. Nul doute que la collaboration de Robert Swinston (aujourd’hui directeur du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers), et de Jennifer Goggans (ancienne interprète travaillant au Merce Cunningham Trust), qui ont côtoyé l’artiste, contribue largement à la réussite du projet. C’est d’ailleurs à une plongée dans ce travail qu’elle nous propose, une immersion dans le spectacle vivant plus intime que la simple restitution de moments dansés. Souvenons-nous de ce que disait Merce Cunningham et que l’on entend en incipit du film : « Je n’ai jamais été intéressé par la danse qui renvoie à un sentiment, ou en un sens, qui exprime la musique. La danse ne renvoie à rien, elle est ce qu’elle est : une expérience visuelle totale. »

On peut juste se demander si le film confortera seulement les amoureux et les connaisseurs du chorégraphe ou s’il parviendra à toucher celles et ceux qui le découvriront. S’il semble difficile de trancher, parions sur la force de ces pièces et sur le recours à la 3D – comme Wim Wenders en 2011 avec le travail de Pina Bausch – pour restituer le souffle révolutionnaire de cette œuvre majeure du XXe siècle.

Cunningham de Alla Kovgan

 

Cunningham de Alla Kovgan – 1h33 – Sortie en salles le 1er janvier 2020.

 

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