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Les documentaires de la danse – Dans les compagnies

Terminons notre sélection des documentaires sur la danse, après ceux consacrés à l’Opéra de Paris et ceux sur les écoles de danse, par les films documentaires incontournables autour des compagnies et chorégraphes. Plonger au coeur du Ballet du Mariinsky ou du Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch, suivre le travail de Ohad Naharin ou Merce Cunningham, voir la transmission d’Yvette Chauviré, la rage de Maguy Marin, le Bolchoï en plein questionnement… Un tour d’horizon de la planète danse à travers une quinzaine de documentaires des quatre coins de la planète.

 

Les films de Dominique Delouche (de 1960 à 2011)

Les films documentaires de Dominique Delouche sont d’abord de magnifiques traces des grands danseurs et danseuses, chorégraphes et pédagogues du XXIe siècle, comme Yvette Chauviré, Nina Vyroubova, Serge Peretti, Maïa Plisetskaya, Serge Lifar ou Violette Verdy. Ils sont aussi des témoignages précieux sur la transmission de ballet. Car plus que des portraits et témoignages, Dominique Delouche filme la transmission : le travail d’une variation entre une Étoile d’hier et un jeune talent, un chorégraphe faisant travailler son interprète… C’est ainsi toute la magnifique génération d’artistes des années 1980/90 qui reçoit le savoir de leurs prédécesseur.rice.s, le geste qui passe d’un corps à l’autre, cette culture de la transmission orale de la danse classique qui a toujours quelque chose de magique. Des films précieux et indispensables.

Pina de Wim Wenders (2011)

En 2009, le réalisateur s’apprête à partir pour Wuppertal, où il va filmer Pina Bausch, quand un coup de téléphone lui apprend la mort de la chorégraphe. Le cinéaste part tout de même et filme pendant de longs mois la compagnie en deuil, qui essaye de se reconstruire tout en défendant l’héritage Pina. Le film se construit autour de quatre ballets : Le Sacre du Printemps, Café Müller, Kontakthof et Vollmond, filmés au coeur des artistes, au coeur du geste. Des témoignages comme des improvisations dans la ville de Wuppertal ponctuent ce véritable film de danse, bien plus une oeuvre cinématographique autour du mouvement qu’un simple documentaire. Et Pina Bausch, qu’on ne voit pas mais qui reste présente à chaque plan.

Et aussi – Les Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann (2011) sur l’incroyable aventure du ballet Kontakthof remonté par des adolescent.e.s de 14 à 18 ans.

 

Après Béjart, le coeur et le courage d’Arantxa Aguirre (2011)

Le film démarre comme Pina évoqué plus haut : le décès du chorégraphe. Quand Arantxa Aguirre pose ses caméras au coeur du Béjart Ballet Lausanne, Maurice Béjart bien de mourir. La réalisatrice suit le deuil, la reconstruction, et surtout la transmission. Comment vivre quand celui qui vous a créé est parti ? Comment danser ces ballets au plus juste quand celui qui les a inventés n’est plus là pour donner des directives ? Le Béjart Ballet Lausanne doit continuer, les ballets de Béjart doivent continuer à être donné, mais comment faire ? Des questions sans réponse toutes faites, avec une image au plus près des artistes et du souffle de la danse.

Après Béjart, le coeur et le courage d’Arantxa Aguirre

La danse au travail d’André S. Labarthe (de 1987 à 1993)

Dans les années 1980, le critique André S. Labarthe initie cinq beaux films documentaires autour du travail quotidien de cinq fortes personnalités de la danse. Il les filme en répétition, dans les studios, parle peu et les laisse s’exprimer. L’on suit ainsi, au travail, Sylvie Guillem (1987) répétant Raymonda ou Maurice Béjart, William Forsythe (1988) créant avec le New York City Ballet ou le Ballet de Francfort, l’Étoile emblématique Patrick Dupond (1988), Ushio Amagatsu (1993) sur la danse butô et John Neumeier (1987) autour de son ballet La Passion selon Saint-Matthieu. Des témoignages précieux.

 

Dancing Pina de Florian Heinzen-Ziob

Autre film sur Pina Bausch, qui a inspiré de nombreux cinéastes. Dans Dancing Pina, Florian Heinzen-Ziob filme en parallèle la transmission de deux pièces emblématiques de Pina Bausch, Le Sacre du printemps et Iphigénie en Tauride, à de jeunes interprètes. Guidés par des anciens du Tanztheater Wuppertal, ces danseuses et danseurs du Semperoper Ballett de Dresde d’un côté, et de l’École des Sables au sud de Dakar de l’autre, se plongent corps et âmes dans cette expérience artistique exigeante et bouleversante. Que l’on connaisse ou non le travail de la chorégraphe allemande qui, comme le rappelle l’affiche du film, a « révolutionné le monde de la danse« , ce travail de passage de témoin se révèle passionnant à suivre, avec ses doutes et ses fragilités, ses tâtonnements et ses fulgurances.

 

Ballerina de Bertrand Normand (2006, en DVD)

Place ici aux coulisses du Ballet du Mariinsky, en suivant pendant deux ans cinq ballerines de la troupe aux parcours différents : Ouliana Lopatkina qui revient d’une grave blessure, Diana Vichneva danseuse du XXIe siècle, Svetlana Zakharova star internationale, la jeune Evguenia Obraztsova à la carrière prometteuse et pleine de rêves et Alina Somova, jeune diplômée de l’Académie Vaganova. Cinq portraits très attachants de ballerines très différentes, entre passions et moments de doute, avec en creux la vie de leur compagnie et de la Russie. De nombreux passages en scènes et en répétition rythment le tout pour un ensemble très vivant, sans renier non plus les difficultés de la vie de danseuse.

Ballerina de Bertrand Normand

Crazy Horse de Frederick Wiseman (2011)

Après le Ballet de l’Opéra de Paris, Frederick Wiseman s’est glissé dans les coulisses du Crazy Horse pour un documentaire sur le même modèle : pas de commentaire, que de l’image, de la danse et l’art de dresser le portrait d’une maison dans tous ses paradoxes. Après 30 premières minutes de film un peu pénible faites de gros plans sur des seins et des fesses, le documentaire devient irrésistible, montrant Le Crazy Horse comme une institution de 60 ans encore murée dans ses règles d’une autre époque, mais avec des danseuses qui sont bien du XXIe siècle (que l’on entend trop peu parler dans le film). Frederick Wiseman se penche sur la création de la revue Désirs de Philippe Decouflé, qui s’arrache parfois les cheveux entre des actionnaires aux demandes contradictoires ou un directeur artistique sur une autre planète. Mais le spectacle se monte, la danse est là et le Crazy plus vivant que jamais.

 

Cunningham d’Alla Kovgan (2019)

Le documentaire Cunningham d’Alla Kovgan marque le centenaire de naissance de Merce Cunningham, maître de la post-modern dance. Richement illustré, d’une belle facture, avec un parti-pris assumé de se concentrer sur la période 1942-1972, ce documentaire montre Merce Cunningham doutant, expérimentant, tâtonnant… Pour son premier film, la réalisatrice a choisi d’éclairer la trajectoire de cet immense créateur, de ses débuts jeune danseur à New York jusqu’à son explosion, en tant que chorégraphe visionnaire à travers des images inédites. Tourné en 3D avec les derniers interprètes de la compagnie, le film reprend des extraits de 14 pièces parmi les 180 conçues par le maître. Plus qu’une biographie, ce film brillant se révèle un voyage à travers une œuvre foisonnante, contrastée, aride parfois, qui n’a pas toujours trouvé son public, mais dont l’auteur continue de briller comme un phare pour bon nombre de danseuses et danseurs aujourd’hui. (Claudine Colozzi).

Cunningham de Alla Kovgan

Ballet 422 de Jody Lee Lipes (2014, en DVD)

Paz de la Jolla est le 422e ballet du New York City Ballet, d’où le titre de ce documentaire qui a suivi pendant deux mois l’élaboration de cette nouvelle création. Dont le chorégraphe n’est autre que Justin Peck, 25 ans à l’époque, encore dans le corps de ballet, avec seulement deux ballets à son actif de créateur. La caméra le suit dans son processus de création, en répétition, montrant aussi bien l’élaboration d’un ballet que le quotidien d’une des grandes compagnies de danse. Un documentaire assez sage sur la forme, mais très efficace et qui nous plonge instantanément dans l’ambiance des coulisses.

 

Allons enfants de Thierry Demaizière et Alban Teurlai

Pendant un an, Thierry Demaizière et Alban Teurlai ont filmé l’expérience unique menée par le lycée Turgot, un établissement parisien : entraîner des jeunes issus de quartiers défavorisés dans une spirale vertueuse de réussite scolaire, et d’épanouissement personnel, grâce à la danse hip-hop. Allons enfants met en lumière ce projet qui propose à des filles et des garçons de vivre une expérience éducative et humaine inédite. Aguerris à l’exercice depuis Relève autour de Benjamin Millepied et la série Move sur Netflix, les deux réalisateurs sondent les corps dansants dans une approche très immersive du mouvement. Ces visages lumineux, ces regards décidés, ces corps déliés libèrent une énergie vivifiante et contagieuse. Une réussite.

 

Maguy Marin : l’urgence d’agir de David Mambouch (2019)

Maguy Marin : l’urgence d’agir de David Mambouch retrace le parcours de la chorégraphe en contrepoint de son oeuvre phare May B. Les colères de Maguy Marin font face aux corps enduits d’argile de cette pièce emblématique pour le portrait puissant d’une chorégraphe entièrement engagée, toujours en lutte, profondément sincère. Un documentaire aussi bien sur cette chorégraphe que sur l’élan de la nouvelle danse contemporaine dans les années 1980 qui a vu naître May B. Et comment la nouvelle génération s’en empare.

Maguy Marin : l’urgence d’agir de David Mambouch

Bolchoï Babylon de Nick Read (2015, en DVD)

Janvier 2013, le monde de la danse est sous le choc : le directeur du Ballet du Bolchoï Sergueï Filine est sauvagement agressé à l’acide. C’est sur cette sombre histoire que démarre le documentaire Bolchoï Babylone, réalisé par Mark Franchetti et Nick Read, journaliste et réalisateur chevronnés mais pas forcément connaisseurs du monde de la danse. Pendant un an, l’on plonge ainsi dans les arcanes de cette compagnie pas comme les autres, côté direction et administration. Mais au-delà de ce terrible fait divers, l’on découvre une troupe aux multiples paradoxes et au certain malaise. Par des luttes internes, aussi par l’appréhension des anciennes générations face aux nouvelles, des artistes plus soucieux des blessures qui n’acceptent plus forcément les décisions du dessus sans explications. Et une solidarité vis-à-vis de leur directeur qui s’effiloche au fil des mois par une envie de changement. Mais au delà de ces crises internes, la passion reste intacte, exemple par Maria Alexandrova qui revient en scène après une longue blessure. Pour un regard sur le Bolchoï d’aujourd’hui, qui se questionne, mais à la danse toujours exultante. 

 

Le Grand bal de Laetitia Carton (2018)

La danse se vit sur scène, mais aussi dans les bals, les « bals trads » comme on dit. Ou on danse ensemble, des valses, des mazurkas, des cercles circassiens, toutes ces danses populaires qui ne sont pas oubliées, encore bien vivantes dans ces bals. Chaque été à Gennetines, une petite commune de l’Allier, plus de 2.000 passionné.e.s se retrouvent pour le Grand bal d’Europe. 15 jours de danse, à apprendre des danses du monde entier la journée, à danser dans les bals toute la nuit, au son de l’accordéon, du violon, de la vielle, de la flûte. C’est ce grand bal qu’a filmé Laetitia Carton pour son documentaire éponyme. Elle filme au plus près des danseurs et danseuses pour saisir ce plaisir infini de danser ensemble.

Le Grand bal de Laetitia Carton

Les films sur Anna Halprin de Ruedi Gerber (2012 et 2016, en DVD)

Peu connue en France, Anna Halprin est pourtant une danseuse et chorégraphe incontournable aux États-Unis. Préférant la danse libre d’Isadora Duncan à la danse moderne en pleine effervescence quand elle avait 20 ans, côtoyant Merce Cunningham à New York, Anna Halprin développe une danse très personnelle et créatrice, en contact avec la nature – sa maison-studio se trouve d’ailleurs dans un coin de forêt californienne. Fasciné par son travail, le réalisateur Ruedi Gerber a consacré deux films à la chorégraphe : Anna Halprin, le souffle de la danse (2012) qui permet de mieux connaître la vie comme pensée d’Anna Halprin, puis Anna Halprin et Rodin (2016) spécifiquement sur un projet de happening entre danseur-se-s pro et amateurs, dansant nus dans la nature. Deux films étonnants et très sincères, à l’image de la chorégraphe.

 

Mr Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin de Tomer Heymann (2016)

Chorégraphe au talent fou, Ohad Naharin mène la Batsheva Company depuis 1990 avec sa danse « Gaga » au style unique, désormais enseignée partout. Tomer Heymann retrace le parcours hors norme du chorégraphe et plonge au coeur de son processus créatif. La danse est partout, percutante, incisive, animal, et le chorégraphe d’une rigueur et d’une précision permanente en répétition. Un film pour en savoir plus sur le chorégraphe, et sur le plaisir de la danse tout simplement.

Mr Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin de Tomer Heymann

Une joie secrète de Jérôme Cassou (2019)

On a découvert ces performances flash sur internet. Baptisées « Une minute de danse par jour » et initiées juste après les attentats de Charlie Hebdo par la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier, ces danses ont rapidement constitué un « acte quotidien de résistance poétique« . Le film documentaire Une joie secrète, réalisé par Jérôme Cassou, témoigne de l’engagement de cette femme qui, par son investissement physique des espaces de notre quotidien, publics ou plus intimes, nous invite à porter un regard différent sur le monde dans lequel nous évoluons. Doux, drôle, déjanté en apparence, mais aussi grave et profond car il questionne en filigrane le rôle de l’artiste dans notre société contemporaine. (Claudine Colozzi).

 



 

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