[Programme TV] Un opéra pour un empire de Patrick Cabouat, au coeur du Palais Garnier
Du Palais Garnier, les passionné.e.s de danse connaissent la grande salle, son célèbre plafond, les dorures de ses foyers. Mais que connaît-on de l’histoire de ce célèbre monument ? Plus que ses coulisses, le documentaire Un opéra pour un empire plonge dans les péripéties de la construction de cette salle d’opéra et de danse unique, qui se mêle à la réalité du Second Empire comme des codes sociaux de l’époque. Un documentaire sage sur la forme, mais très riche sur le fond, avec de nombreuses photos et documents illustrant un récit passionnant. À voir sur Arte le samedi 30 janvier à 20h50, déjà en replay jusqu’au 30 mars.
Les films sur le Palais Garnier tournent en général autour de ses mythes : le lac, la loge numéro 5 du Fantôme de l’Opéra, ses studios immortalisés par Degas. Le documentaire Un opéra pour un empire de Patrick Cabouat choisit plutôt le point de vue historique, pour donner en 1h30 le passionnant récit de la construction de cette salle de spectacle. Car le Palais Garnier est le reflet de son époque, celle du Second Empire, celle des grands travaux du Baron Haussmann qui changent le visage de Paris, celle des avancées technologique comme l’utilisation du métal dans les constructions, celle d’une nouvelle société bourgeoise, celle de la Commune aussi, celle enfin de la IIIe République, qui inaugure et s’approprie finalement le Palais Garnier si riche de symboles de l’Empire.
L’histoire de la construction du Palais Garnier démarre le 14 janvier 1858, date de l’attentat contre Napoléon III à l’Opéra de la rue Le Peletier, qui donne envie à l’Empereur de faire construire un nouvel opéra bien plus sûr, pour se terminer le soir de son inauguration, le 5 janvier 1875. Pour tracer le fil de ces plus de 15 ans de travaux et de péripéties, Un opéra pour un empire choisit la forme classique mais efficace du docu-fiction : des images d’archive (très riches) coupées d’interventions de spécialistes dans les salles de Garnier et d’une belle visite des lieux, le tout mêlé de scènes de fiction pour donner un peu de vie à l’ensemble. Et le point de vue est celui de Charles Garnier, l’architecte de ce Palais. Quand son projet est choisi en 1861 à l’issue d’un concours anonyme, il est un jeune architecte doué mais encore anonyme, alors que tout le monde attendait le succès de Viollet-le-Duc.
Le documentaire suit Charles Garnier dans l’élaboration de son projet, expliquant comment ses différentes inspirations – la Rome antique, les nouvelles technologie, mais aussi les codes sociaux de l’époque (on va à l’Opéra pour voir y être vu), la façon très pratique dont le public se déplace dans le bâtiment, la sécurité de l’Empereur – ont façonné un bâtiment unique. Puis place à la construction, forcément rocambolesque, se heurtant à des difficultés techniques (le fameux lac n’a pas été créé que pour le mythe), des guerres d’égo, des réalités politiques (les débats sur les coûts financiers des grands projets urbains ne datent pas d’hier), la guerre et un chantier laissé à l’abandon après la chute de Napoléon III. Il faut attendre 1873 et l’incendie de la salle Le Peletier pour que l’Opéra Garnier trouve sa place dans la nouvelle République, qui s’approprie à son tour les codes de ce Palais. Et c’est ainsi, à travers le récit d’un bâtiment, que se dessine toute une époque et ses réalités sociologiques.
Les grands faits historiques permettent aussi quelques gros plans très intéressants sur des détails architecturaux du Palais Garnier, notamment le Bassin de la Pythie (seule oeuvre signée par une femme du Palais Garnier), les détails des plafonds du Grand Foyer ou le groupe de statues La Danse de Jean-Baptiste Carpeaux qui orne entre autres la façade. Artistiquement, le documentaire explique aussi quelques notions du grand opéra français de l’époque, qui a inspiré Charles Garnier pour tout ce qui est machinerie. L’on regrette cependant que la danse soit peu ou prou absente du documentaire, présente seulement en évoquant le Foyer de la Danse comme lieu incontournable des abonnés lubriques. Dommage de ne pas avoir fait appel à de véritables danseuses classiques pour illustrer ce passage, tout comme de ne pas en avoir profité pour citer le noms de quelques grands ballerines de l’époque représentées dans ce même Foyer. Un opéra pour un empire reste néanmoins un documentaire très agréable et passionnant, permettant de plonger d’une autre façon dans ce Palais que l’on croit si bien connaître. De quoi patienter en attendant sa réouverture.
Un opéra pour un empire de Patrick Cabouat – Diffusion samedi 30 janvier à 20h50 sur Arte, déjà en replay jusqu’au 30 mars.
ELISABETH
Heu…Degas a surtout peint l’opéra de la rue Le Pelletier.