Les sorties livre de l’hiver 2022
Des découvertes passionnantes dans cette sélection d’ouvrages sortis ces derniers mois. La danse hip hop à l’honneur dans deux livres, un Danseur Étoile, Germain Louvet, qui se confie et s’interroge, un récit-biographique sur Guy Darmet qui dirigea pendant trente ans la Maison de la Danse à Lyon, la revue Sphères qui fait la part belle aux danseur.euse.s et un livre inspirant de Gaëlle Piton, autrice du TEDx « Danser sa vie ».
Des choses qui se dansent de Germain Louvet
Paru le 9 février 2022 chez Fayard.
Ce qu’en dit la 4e de couverture – « Être danseur, c’est passer beaucoup de temps devant le miroir. Comment ne pas m’interroger à chaque spectacle sur mon rôle ? Comment dois-je l’habiter, l’interpréter et le danser devant un public d’aujourd’hui ? J’ai décidé de me raconter tel que je suis, pour être capable ensuite de m’adresser à ceux qu’on ne représente hélas jamais. Le chemin va être long, mais je ne me retournerai pas. Je dois accepter celui que j’étais hier et que je suis toujours, étoile ou pas. Le titre n’y change rien. »
Le 28 décembre 2016, Germain Louvet est consacré danseur étoile à l’issue d’une représentation du Lac des cygnes. Investi d’une exigence d’excellence depuis son admission à l’École de danse de l’Opéra de Paris à l’âge de douze ans, il raconte sa passion, convoque les œuvres qui le portent, celles qui lui résistent. Mais sur scène comme en coulisses, le Danseur Étoile essaie de bousculer l’ordre établi du milieu de la danse. Germain Louvet fait porter sa voix en faveur de davantage de diversité, remet en cause les codes inculqués, questionne les stéréotypes des corps, et interroge sa pratique jusqu’à renverser l’idée de vocation. Ce récit est celui d’un artiste engagé, pour qui toutes les choses qui se dansent sont un cri.
L’auteur – Germain Louvet est Danseur Étoile de l’Opéra national de Paris.
Notre avis – Les Danseurs Étoiles prennent la plume. Après Hugo Marchand, c’est au tour de Germain Louvet de se confier sur sa passion et de jeter un regard sur son parcours. Depuis sa prise de position notamment lors de la grève de décembre 2019 contre la réforme des retraites, on savait le garçon prompt à prendre la parole. Plus qu’une autobiographie (un peu prématurée à 28 ans), ce livre est une succession de souvenirs et de réflexions sur sa place privilégiée de danseur, sur sa manière d’appréhender des rôles dans lesquels il a du mal à se projeter en raison des stéréotypes qu’ils véhiculent, sur la diversité dans cette institution. « Je pense que je ne suis pas devenu Danseur Étoile par vocation, mais par opportunisme. Voyant que le milieu de la danse m’adouberait dans ce que je représente à la fois physiquement, socialement et intellectuellement, j’ai saisi l’opportunité d’en faire une ambition qui me donnerait l’occasion de m’exprimer, de vivre et d’être libre« , ose-t-il d’ailleurs à la fin de l’ouvrage. Ces questionnements, pertinents pour certains, seront salués ou accueillis avec agacement. Pourtant, à côté de chapitres un peu attendus comme celui consacré à la soirée de sa nomination et au sentiment d’illégitimité qui le parcourt, ou aux années à Nanterre, on trouve des moments plus originaux, croqués avec un sens aigu du détail. Comme ce moment d’humiliation, et de gêne, avec un répétiteur, présenté comme trivial pour la reprise du Jeune et la mort au printemps 2021 narré avec force détails dans le chapitre 6. Accessible au grand public ignorant des arcanes de l’Opéra de Paris, ce livre comblera aussi l’envie des balletomanes de lever un pan du voile sur certains moments back stage. En ce sens, le récit du travail avec la répétitrice Patricia Ruanne pour sa prise de rôle avec Léonore Baulac dans Roméo et Juliette se révèle cruel et croustillant.
Et si on faisait un pas de côté ? de Gaëlle Piton
Paru le 9 février 2022 aux Éditions Leduc.
Ce qu’en dit la 4e de couverture – Passionnée de danse depuis toujours, Gaëlle Piton a mis de côté son rêve de devenir danseuse pour suivre la voie de la raison et faire des études « sérieuses ». Lors d’un voyage aux Philippines, un célèbre danseur lui dit « Gaëlle, tu es une excellente danseuse« . Ce jour-là, elle comprend qu’elle est bien plus que ce que les autres projettent sur elle. Et s’il était temps de s’écouter et de décider enfin par elle-même ? Finies les croyances limitantes, à elle la vie qui lui convient vraiment ! Gaëlle vous livre sa quête du bonheur et vous propose d’entrer à votre tour dans la danse pour concrétiser vos rêves. Car elle en est persuadée : dans toute situation, il y a toujours des choses qui dépendent de nous, une marge de liberté qu’il faut nous approprier. Et ce sont les petits pas qui mènent aux grands changements.
L’auteur – Gaëlle Piton est sophrologue, coach et instructrice en méditation de pleine présence. Elle est spécialisée dans l’accompagnement d’artistes et elle intervient en milieu scolaire. Gaëlle est aussi journaliste, formatrice et conférencière. Elle est l’auteure de La Méditation, c’est la vie !, du Grand guide de la sophrologie au quotidien et du TEDx « Danser sa vie ».
Notre avis – « La faiseuse de miracles, Gaëlle Piton dansera avec vous dans vos rêves vagabonds afin de susciter de nouvelles visions. Sa recherche profonde offre un éclairage sur la Liberté d’être soi-même, expériences de voyages vers l’intime et l’extérieur, dans l’univers de la conscience vivante. » Ces jolis mots qui éclairent bien la personnalité de l’autrice de Et si on faisait un pas de côté ? ont été écrits par la danseuse et chorégraphe Carolyn Carlson qui lui a fait le cadeau de préfacer son livre. Spécialisée dans l’accompagnement d’artistes, sophrologue, coach et instructrice en méditation de pleine présence, Gaëlle Piton a eu de nombreuses vies, toutes guidées par l’ouverture à l’Autre. Ce livre est un prolongement du très touchant TEDx « Danser sa vie » de 2019 dans lequel elle se livrait avec beaucoup de sincérité. Elle y raconte comment la danse a été (et continue d’être) essentielle à son équilibre et combien la vie peut être belle quand « on décide simplement de danser avec elle« .
Les danseurs, numéro 7 du magazine Sphères
Paru en janvier 2022 chez Sphères magazine.
Ce qu’en dit la 4e de couverture – Carte blanche à Cédric Klapisch. The Artists : grand entretien croisé entre le Danseur Étoile Hugo Marchand et l’actrice Bérénice Bejo. Breaking Bach : portrait du célèbre chanteur d’opéra Jakub Joseph Orlinski, également breakdancer accompli. Portfolio : le dernier des initiés au culte stambali. Mouvements littéraires : la danse inspire les écrivains. Au rythme de Parkinson : immersion dans une association de danse-thérapie. L’algorithme dans la peau : portrait d’une génération de danseurs sur les réseaux sociaux. La fée et le clochard : Lucette Almansor, une vie de danseuse à l’ombre de Louis-Ferdinand Céline. Dossier : le genre en question, comment la danse brise les codes du genre. Taxi-danseurs : au bal des seniors de la mairie de Montreuil, ils font danser les femmes venues sans compagnon
L’auteur – Tous les trois mois, Sphères explore une communauté de passionnés à travers 144 pages de journalisme long format et porte un autre regard sur notre époque. Un regard déconnecté de l’actualité mais ancré dans le réel.
Notre avis – Une réussite que ce numéro consacré à celles et ceux qui s’expriment à travers la danse. Riche iconographie, mise en page élégante, angles originaux, difficile de ne pas être sous le charme de ce bel objet éditorial. Même si sa passion pour la breakdance n’est pas un secret, saluons le portrait du contre-ténor Jakub Jozef Orlinski qui se livre sur les passerelles qu’il crée entre la danse et le chant lyrique. « En explorant l’effet de certains mouvements sur mon corps et ma voix, j’ai compris que le breakdance pouvait améliorer ma technique vocale. » On retiendra également l’intéressant entretien croisé (et complice) entre Bérénice Béjo et Hugo Marchand (on ignorait qu’ils étaient amis). Et un dossier sur la question du genre dans la danse.
Danser hip hop de Rosita Boisseau et Laurent Philippe
Paru le 10 novembre 2021 aux Nouvelles Éditions Scala.
Ce qu’en dit la 4e de couverture – Partie de rien avec juste la peau sur les os mais dure comme il faut à force de se frotter au bitume, la danse hip hop a quitté la rue pour investir les théâtres, les plateaux-télé et les réseaux sans se couper de ses racines. Dans un contexte hexagonal unique en son genre, où la création et le show savent cohabiter, elle a su résister à l’institutionnalisation, continuer à creuser sa veine chercheuse tout en composant avec le divertissement grand public et en s’impliquant dans le circuit des « battles ». Protéiforme, multiple, elle essaime dans tous les contextes jusqu’à devenir un mouvement artistique populaire majeur. Ce livre tente de ramasser les enjeux toujours bouillonnants de ce mouvement en France. Les cinq chapitres qui le composent se focalisent sur les histoires spécifiquement françaises de la communauté, sur l’importance du collectif, des battles, sur la place des femmes et enfin sur la pluralité des styles de danses. La complicité avec le photographe Laurent Philippe, qui a collecté un nombre impressionnant d’images sur le phénomène, offre à cette traversée du hip hop une embarcation visuelle magique.
Les auteurs – Rosita Boisseau est journaliste au Monde et à Télérama et critique de danse. Laurent Philippe est photographe de danse et travaille avec de nombreuses compagnies. Ses photographies ont également été publiées dans de nombreux livres sur la danse.
Notre avis – Double actualité pour la danse hip hop avec une exposition à la Philharmonie de Paris qui retrace quarante ans de ce mouvement né à New York dans les années 1970 et la sortie de ce beau livre. On embarque dans l’odyssée de la danse hip hop en France guidés par la joie de retrouver au fil des pages ceux puis celles (intéressante partie consacrée aux femmes et leur invisibilité des débuts) qui ont contribué à faire évoluer ce mouvement : Frank 2 Louise, Hamid Ben Mahi, les Pockemon Crew, Farid Berki, Kader Attou, Mourad Merzouki, Amala Dianor, Anne Nguyen, Céline Lefèvre… Et de nombreux autres dont la virtuosité n’a d’égale que le talent. Les photos de Laurent Philippe restituent toute l’énergie, le dynamisme, le brio, l’humour aussi de ces jeunes interprètes qui ont su polir leur art avec impatience mais persévérance. Le livre pose aussi les bonnes questions telles que « La danse hip hop est au singulier ou ne se conjugue-t-elle pas plutôt au pluriel ? », « Quelles sont les racines du geste ? », « Comment s’est-il de plus en plus métissé au fil du temps ? », « Jusqu’où va l’extension du domaine hip hop ou celui de ce que certains nomment aussi les danses urbaines ? ».
Danse la vie, danse la ville. Histoires de Guy Darmet de Marie-Christine Vernay
Paru le 29 juin 2021 chez Hippocampe Éditions.
Ce qu’en dit la 4e de couverture – Une histoire de la danse à Lyon et en France des 40 dernières années à travers le récit des diverses vies de Guy Darmet, directeur pendant 30 ans de la Maison de la Danse et initiateur de la première Biennale Internationale de danse. Comment prendre au sérieux quelqu’un qui a fait défiler des moutons rue de la République à Lyon ? Comment ne pas s’étonner en le voyant au bras de Cyd Charisse ? Comment ne pas être amusé, lorsque le même se déguise en roi Momo, personnage truculent des carnavals brésiliens ? Et que penser quand il fait entrer les gnawas de Marrakech dans la cathédrale Saint-Jean ? Guy Darmet allait pourtant devenir l’un des plus inventifs programmateurs de danse, dirigeant pendant 30 ans la Maison de la Danse, initiant en 1984 la première Biennale Internationale dédiée à cet art souvent considéré comme mineur et, en 1996, le Défilé, un carnaval populaire confié à des chorégraphes et à des amateurs.
Ayant suivi cette aventure depuis ses débuts, Marie-Christine Vernay n’a pas souhaité en tirer seulement un document d’archive, ni même un simple portrait ou un simple entretien… Ce récit kaléidoscopique, aux multiples portes d’entrée (et de sortie), est une invitation à la danse sans carnet de bal nominatif. Marie-Christine Vernay a cheminé un temps avec Guy Darmet, à Lyon, à Rio, afin de plonger dans ses souvenirs. Puis elle a interviewé de nombreux témoins de ses histoires singulières. Se superposent ainsi, à travers le récit des diverses vies de Guy Darmet, en filigrane, une certaine histoire de la danse à Lyon et en France des 40 dernières années. Ce livre est constitué d’une multitude d’histoires courtes où l’on croise beaucoup de danseurs et de chorégraphes de tous horizons, une équipe de choc autour de Guy, le solitaire, l’exigeant et parfois le colérique. L’occasion pour l’auteure de mettre son grain de sel pour répondre à cette question qui la taraude : « est-ce que vous dansez ? ».
L’autrice – Marie-Christine Vernay a débuté sa carrière de journaliste en 1978 dans la presse quotidienne régionale. Elle pige également pour plusieurs revues culturelles. Pendant vingt-quatre ans, elle est rédactrice et reporter à Lyon Libération puis à Libération au service culture, spécialisée en danse. Elle fait partie du groupe d’art performance Frigo and Co, de Radio Bellevue Web, de la revue en ligne Délibéré et de la revue événementielle Dihy Chaussée. Elle est l’auteure de deux ouvrages sur le hip hop.
Notre avis – « Il est à la G13, son fauteuil dans la salle de la Maison de la Danse, la place du directeur, sa place. Il n’applaudit pas du bout des doigts, tout son être vibre. Il ne se retourne pas pour voir si le public et les rangs des critiques sont aussi enthousiastes que lui. Guy Darmet est atteint de la maladie de la danse, un mal assez rare contre lequel aucun remède ne semble agir et qui conduira la Giselle du ballet classique à la mort et la Belle au Bois Dormant à se shooter dans la version de Mats Ek. »
La maladie de la danse, en voici un sacré virus contre lequel personne n’a jamais cherché de vaccin. En plus de nombreuses années de complicité professionnelle, c’est sans nul doute ce qui lie l’autrice de ce beau livre de souvenirs et de réflexions à son personnage central, Guy Darmet. Plus de dix ans après son départ de cette Maison qu’il a imaginée, fait vivre et habitée de tant de beaux artistes, il fallait bien un livre pour évoquer le parcours de celui qui la dirigea pendant plus de trente ans. Les anecdotes, savoureuses, inédites et révélatrices d’une époque, ravissent et replongent avec plaisir dans les riches heures de ce phare de la danse lyonnais. Car, comme le dit si justement la journaliste Marie-Christine Vernay (j’en profite ici pour lui dire combien la découverte de ses papiers, durant mes années en école de journalisme, a conforté mon envie d’écrire sur la danse), « Écrire sur la maison de la danse, ce n’est pas en faire un lieu unique même si elle n’a pas d’équivalent, c’est se souvenir des luttes engagées par une danse qui a su s’affirmer par elle-même et pour elle-même… »
Et aussi…
Pratiquer et enseigner la danse hip hop de Odile Cougoule
Paru le 11 janvier 2022 aux Éditions du Centre National de la Danse. Collection « Cahiers de pédagogie ».
Ce qu’en dit la 4e de couverture – Destinée à tous les danseurs hip hop, amateurs ou professionnels, ainsi qu’aux enseignants, cette publication a pour objectif d’accompagner chacun dans l’exploration de sa pratique. Véritable boîte à outils, conçue en concertation avec des danseurs, des animateurs et des professeurs hip hop engagés sur le terrain, elle propose des pistes pédagogiques et des éléments techniques, mais aussi des interviews avec des personnalités du milieu, des informations pratiques, des ressources documentaires. Du break aux funkstyles, en passant par la relation à la musique, sans oublier le battle, ce cahier de la pédagogie met ainsi en valeur les fondements et l’histoire du hip hop, une danse libre qui associe état d’esprit, technique et créativité.
L’auteur – Odile Cougoule est danseuse, chorégraphe, journaliste, anciennement inspectrice de la danse au ministère de la Culture. Elle est l’auteure d’Enseigner la danse jazz (2007) paru aux Éditions CND.