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[Sortie ciné] La Danseuse de Stéphanie Di Giusto

La rentrée est riche côté sorties au cinéma de films sur la danse. Après Relève sur les pas de Benjamin Millepied et avant Polina revu par Angelin Preljocaj, La Danseuse de Stéphanie Di Giusto sort dans les salles le mercredi 28 septembre. Le film est auréolé d’un passage remarqué au dernier Festival de Cannes (Un Certain Regard) et d’un casting de stars (la chanteuse Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry ou la fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp Lily-Rose Depp), qui ont bien plus fait parler que le sujet choisi : la vie de Loïe Fuller. Danseuse star au début du XXe siècle, chorégraphe, directrice de compagnie, la danseuse a été oubliée de l’histoire au profit d’Isadora Duncan. Le seul souvenir qu’il en reste pour les balletomanes est peut-être son évocation dans le ballet Les Forains de Roland Petit. À cet égard, le film est passionnant, retraçant le parcours d’une danseuse et créatrice pas comme les autres. Même si le scénario a ses faiblesses et ne va pas au bout de la complexité du personnage – d’une façon parfois assez inexplicable.

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La Danseuse de Stéphanie Di Giusto

Un film sur la danse, réalisé par une personne qui ne connaît pas forcément la danse, et dont l’actrice principale n’est pas une danseuse alors qu’elle en interprète une, cela démarre plutôt mal. La Danseuse se tient pourtant, grâce à la présence assez magnétique de Soko, qui ressemble de manière troublante à Loïe Fuller. Tout commence aux États-Unis de la fin du XIXe siècle. La jeune femme, éprise d’arts, vit dans la nature au milieu des cowboys, se faisant une place dans un milieu si masculin. Elle débarque à New York dans le couvent de sa mère, rêve d’être actrice, se bat pour y arriver. Et une fois arrivée sur scène, elle se met à créer,  à inventer la danse du papillon qui la rendra célèbre, faisant bouger de longs morceaux de tissu avec deux tiges de bois tendus à bout de bras. Loïe Fuller part ensuite à Paris, où elle devient la star des Folies Bergère et monte sur la scène de l’Opéra. Elle y révèle aussi une jeune danseuse, Isadora Duncan, qui deviendra sa rivale.

Le Paris de carte postale est recréé au plus juste. les scènes de danse sont absolument magnifiques, montrant toute l’inspiration de Loïe Fuller pour la nature dans sa danse. Le film appuie aussi sur la fascination de la danseuse envers les nouvelles technologies de son temps (ah, la fée électricité), qui feront de ses pièces des morceaux uniques et jamais-vu à l’époque. Si Soko ne peut à aucun moment passer pour une danseuse (contrairement à Lily-Rose Depp assez fascinante dans le court rôle d’Isadora Duncan), l’actrice-chanteuse parvient toutefois à tracer avec conviction les contours d’un personnage fort, se battant pour ses choix artistiques comme celle de s’imposer en tant que créatrice dans un monde qui considère d’abord la femme comme une muse. Une ligne qui se tient sur toute la première moitié du film, et s’écroule d’une façon perplexe dans la seconde.

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La Danseuse de Stéphanie Di Giusto

Car l’un des points importants dans la vie de Loïe Fuller est son homosexualité assumé, à peine évoqué dans le film. Son assistante n’apparaît ainsi que comme… son assistante, alors qu’elle a été sa compagne pendant 30 ans. Cela se limite à tout juste un regard appuyé dans les derniers plans sur film. Un choix qui laisse perplexe, tant cela pouvait montrer l’immense liberté d’esprit de Loïe Fuller (rappel : nous sommes au début du XXe siècle, les femmes sont encore loin d’avoir ne serait-ce que le droit de vote). Choix qui affadit aussi terriblement le personnage de Gabrielle, joué pourtant avec délicatesse par Mélanie Thierry. Stéphanie Di Giusto a préféré l’invention de l’aristocrate Louis, représentant d’une certaine décadence de l’époque. Si Gaspard Ulliel y met tout son talent, son personnage n’affadit finalement qu’un peu plus celui de Loïe Fuller, montrée dans le film comme une femme dépendante d’un homme (c’est à lui qu’elle doit sa fortune, son engagement, son château…), pas forcément représentatif de la réalité. On pourrait aussi reprocher au film de se fixer sur la danse « des bâtons », quand Loïe Fuller a développé bien d’autres idées.

Voilà donc beaucoup de reproches pour La Danseuse, qui n’en reste pourtant pas moins un film agréable. Il reste l’occasion de découvrir le parcours hors normes d’une danseuse et chorégraphe atypique, créatrice d’un nouveau courant, star de son époque et oubliée du grand public aujourd’hui.

 

Commentaires (3)

  • Merci pour ce joli billet plein de nuances. Le film m’intriguait déja… c’est pire

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  • c’est vraiment dommage car c’est un film que j’ai beaucoup aimé mais toutes ces entorses à la vérité me gênent beaucoup.

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