Casse-Noisette par le Royal Ballet de Londres
Si Casse-Noisette n’est pas un passage forcément obligé en décembre pour le Royal Ballet de Londres, la compagnie anglaise fait tout de même bien les choses lorsqu’elle donne ce ballet : une production superbe de Peter Wright, un sapin géant, des enfants chahuteurs, des flocons de neige, un conte au premier degré et pour 2015 une diffusion en direct au cinéma. Un ballet au délicieux goût de l’enfance à savourer sans modération, porté pour cette retransmission par la toute fraîche et charismatique Francesca Hayward.
Il ne faut pas chercher dans la version de Peter Wright toute trace de grande psychologie. L’on pourrait même dire que sa vision est assez terre-à-terre, dans le sens où la mise en scène ne laisse pas de place au doute : la jeune Clara n’a pas rêvé le pays de la Fée dragée, tout lui est réellement arrivé. Le neveu de Drosselmeyer est prisonnier d’un mauvais sort du Roi des souris, qui l’a transformé en casse-noisette. Seul moyen de retrouver forme humaine : l’amour d’une jeune fille. Drosselmeyer offre donc le casse-noisette à la petite Clara, espérant qu’elle sera la clé du retour de son neveu. Pari gagné au royaume de la Fée dragée. Ici, il n’y a pas de frontière entre le rêve et la réalité. Clara ne rêve pas, mais vit dans un monde où tout peut arriver, où les rats peuvent devenir géants, les petits soldats de plombs prendre vie, et un jouet en bois se transformer en beau jeune homme vous emmenant au royaume des sucreries. Pas mal comme réalité.
Le premier acte est un vrai régal, dans un esprit de Noël enchanteur et ramenant irrémédiablement en enfance (attention aux émotifs-ves, si cet acte n’a rien de triste, il peut très facilement vous faire monter les larmes aux yeux). Le sapin est comme nous le rêvions petits, gigantesque et magnifiquement décoré. La troupe anglaise montre tout son sens du théâtre avec de nombreux rôles mimés, où chacun.e s’en donne à coeur joie, à commencer par les enfants de la Royal Ballet School. Drosselmeyer est un magicien fantastique même si inquiétant, un peu comme la musique qui, au milieu de ces marches délicieuses, prend parfois des accents bien sombres. La jeune Francesca Hayward est le point central de cet acte. Sans tomber dans la mièvrerie, elle joue avec naturel la jeune fille toute fraîche, jeune adolescente encore petite fille dans sa tête.
Le rêve de la nuit de Noël se transforme en cauchemar, quand les jouets du quotidien se transforment en monstres inquiétants. Le sapin généreux devient terrifiant tellement il prend de la hauteur. Les biscuits de pain d’épices pourraient bien vous manger tout cru, quand les rats semblent sortir de la plus tordue des imaginations. Mais le casse-noisette, devenu un prince entre-temps, est là pour remettre la situation sur les rails et envoyer Clara au pays de la Fée dragée. Alexander Campbell est ici le prince charmant idéal, un peu poupon, un peu niais, mais beau danseur au sourire adorable, de quoi faire craquer toutes les ados de 14 ans, Clara comprise.
La suite du ballet est peut-être un peu moins magique, un peu plus convenu. La valse des flocons n’est pas très légère, engoncée dans des tutus longs vaporeux que semblent adorer Peter Wright (cf son Lac des Cygnes), mais pas franchement seyants. Les danses de caractère, forcément caricaturales, ne sont pas les plus inspirées. Ces danses chinoises et espagnoles semblent décidément un peu dépassées. La joie de ces divertissements vient de la grande fraîcheur (c’est décidément le mot) de Francesca Hayward et Alexander Campbell, qui participent à ces danses avec l’enthousiasme des jeunes premiers.
L’émerveillement revient avec le fabuleux pas de deux de la Fée dragée, porté par la toute aussi fabuleuse musique de Tchaïkovski. C’est la danse académique dans toute sa splendeur, qui se laisse porter par la partition et éclate dans toute sa simple virtuosité. Impériale, Lauren Cuthbertson est le parfait contretemps de Clara. Face à la juvénilité de la jeune soliste, elle apparaît comme l’Étoile au sommet de son art, l’artiste dans toute sa pleine dimension artistique, la femme face à la jeune fille en fleurs. La coda finit sur une note enchanteresse un Casse-Noisette qui décidément se savoure à tout âge.
Casse-Noisette de Peter Wright par le Royal Ballet de Londres, au Royal Opera House. Avec Lauren Cuthbertson (la Fée dragée), Nehemiah Kish (le Prince), Gary Avis (Herr Drosselmeyer), Francesca Hayward (Clara), Alexander Campbell (Hans-Peter/le Casse-Noisette) et Luca Acri (l’assistant de Drosselmeyer). Retransmission en direct au cinéma du mercredi 16 décembre 2015. À voir jusqu’au 14 janvier 2016.
Aventure
J’avais pu voir au cinéma il y a quelques années une diffusion du Casse-Noisette du Royal Ballet, j’avais passé un très bon moment, et j’aimerais bien le revoir un jour !
a.
En même temps, cette « vision terre à terre » suit à la lettre de le conte allemand…