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La sortie ciné de la semaine : Le Concours de danse

Le Concours de danse de Bess Kargman, sortie en salle le mercredi 12 décembre (1h34min). Avec Aran Bell, Gaya Bommer Yemini, Michaela Deprince, Jules Jarvis Fogarty, Miko Fogarty, Rebecca Houseknecht et Joan Sebastian Zamora.

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Après vous avoir fait gagner des places, il était tout de même temps de vous parler plus en détail du film Le Concours de danse de Bess Kargman, qui sort le 12 décembre en salle.

Le Concours de danse se glisse dans les coulisses du YAGP, prestigieux concours de danse américain, où concourent chaque année des milliers de jeunes danseurs et danseuses du monde entier, de 11 à 19 ans. Ils rêvent tous et toutes de devenir professionnel-le-s, et espèrent avec ce concours gagner une bourse d’étude pour une grande école, voir un contrat pour les plus grand-e-s. La caméra suit ainsi pendant un an sept candidat-e-s au parcours très différent, de leur préparation à la grande finale à New York, en passant par leur demi-finales régionales.

Alors qui sont ses enfants ?

– Aran, 11 ans. Toute la famille américaine habite en Italie. Aran ne va plus au collège pour se concentrer sur la danse. Il prend des cours avec Denys Ganio, qui déclare que dans sa vie, il a eu son fils Étoile à l’Opéra de Paris, et Aran. Mais malgré la pression qui pèse sur lui, malgré les cours à domicile, Aran essaye de rester un petit garçon à peu près comme les autres, où dans la chambre le skate côtoie les chaussons.

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– Gaya, 11 ans. Grande amie d’Aran, Gaya vit en Israël. Sa maman est chorégraphe et elle veut suivre sa voie. C’est une petite fille qui en veut, avec déjà une étonnante maturité artistique. Sa variation contemporaine, dont on voit un large passage, est superbe.

– Michaela, 14 ans. Rescapée du conflit en Sierra Leone, Michaela a été adoptée par un couple d’Américains lorsqu’elle avait 4 ans. Elle est noire, elle se bat pour danser, mais aussi pour assurer qu’elle peut danser, le métissage restant encore assez tabou. Sa maman explique ainsi qu’elle doit teindre tous les tutus de sa fille. Les empiècements dans le décolleté sont toujours de couleur chair… clair, jamais couleur chair marron.

– Rebecca Houseknecht, 17 ans. Elle est blonde, est est jolie, il y a du rose et des paillettes partout dans sa chambre et ses amies l’appelle Barbie… et Rebecca assume. Derrière son côté Princesse, c’est une jeune fille qui travaille dure, et qui doute. Elle est à l’âge où l’on signe son premier contrat, mais les temps sont difficiles pour les danseuse. Le YAGP, c’est un peu sa dernière chance.

– Miko Fogarty (12 ans). C’est peut-être le portrait le plus dérangeant. Miko est visiblement une danseuse archi-douée, mais couvée par une maman qui vit son rêve de ballerine à travers sa fille. Elle est de tous les cours, impose ses choix sur les variations à travailler, lui fait faire des étirements le soir, lui a fait arrêter le collège pour lui donner des cours à la maison. Mais Miko aime la danse, et impressionne par sa très grande maturité. Souvent, elle apparait ainsi plus sereine que sa maman, plus raisonnable face aux enjeux. Elle a un petit frère, Jules Jarvis (10 ans), que l’on suit pendant un temps. Mais après les demi-finales, il décide d’arrêter la danse, ce qui touche beaucoup sa mère.

– Joan Sebastian (16 ans). Colombien, Joan Sebastian a tout quitté pour apprendre à danser à New York. A 16 ans, il vit seul, ne rentre chez lui que tous les 2 ans, s’auto-gère comme un adulte. Talent explosif, ses variations sont un petit régal. Mais s’il veut continuer à apprendre, il doit absolument trouver une bourse d’étude.

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Cinématographiquement, Le Concours de danse ne révolutionne pas le genre du film de danse. On est d’ailleurs bien plus dans le documentaire que dans l’œuvre de cinéma. Mais c’est un documentaire extrêmement bien fait. D’emblée, le public tombe en empathie face à ces apprentis danseur-se-s, tous passionné-e-s par la danse, tou-te-s prêt-e-s à tous les sacrifices, malgré parfois leur très jeune âge. On a envie de les suivre, de les voir évoluer. On frémit avec eux dans les coulisses, on croise les doigts pendant leur passage en scène, on a le cœur qui se sert quand la blessure apparait. Quant à l’annonce des résultats, le processus du suspens était peut-être facile à faire, mais l’on retient vraiment son souffle, espérant que ces jeunes artistes à qui l’on s’est attaché iront loin (je suis certes un public facile, mais j’avoue avoir eu ma larme à l’œil à la remise des diplôme).

La caméra montre la danse dans son quotidien, entre les cours, les étirements, la fabrications des tutus et les moments de doute. Les enfants ne trichent pas, ne montrent pas une vie parfaite. La danse, c’est dur, et c’est parfois malsain. Le YAGP ne sort d’ailleurs pas forcément grandi, surtout avec notre vision française de la danse, de ce documentaire. Des petits de 11 ans qui enchaînent des variations du répertoire sans en comprendre le sens, des petits fille qui font des prouesses sur pointes, les applaudissements et cris à chaque difficulté… On n’échappe pas chez les plus jeunes à un petit côté « singe savant », programmé pour enchaîner les difficultés techniques, et qui parfois peut mettre mal à l’aise.

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Le réalisateur a là-dessus la finesse de montrer sans jamais juger, même face à la maman surinvestie (et le mot est faible), même face au professeur qui fait peser une énorme pression sur un élève d’à peine 11 ans. Idem pour les portraits de Michaela et Joan Sebastian, qui pourraient facilement tomber dans le lacrymal. On reste dans une certaine pudeur, sans mettre de côté les difficultés, et un certain respect s’impose face à leur parcours, spécialement pour Joan Sebastian.

Les raisons de tenter le YAGP ne sont pas non plus évincées. Aux États-Unis, apprendre à danser coûte très cher. Pour l’immense majorité des enfants, une bourse d’étude est indispensable, et le YAGP est souvent là-dessus une belle opportunité. Pour le public français, c’est aussi l’occasion de se rendre compte combien le système de l’Hexagone, avec ses défauts, est aussi une grande chance : étude gratuite et scolarité incluse dans l’emploi du temps, c’est quelque chose. La moitié des élèves dont on suit le parcours dans Le Concours de danse doivent assurer les cours par correspondance.

Il aurait d’ailleurs été intéressant que Bess Kargman ne choisissent pas seulement des élèves américains, ou étudiant aux États-Unis. Si chacun a son histoire, tous ont le même but : avoir une bourse pour une grande école. Le regard d’un élève européen, a fortiori français qui n’en a pas besoin, aurait été intéressant, et donné une vision peut-être plus globale du YAGP.

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Commentaires (8)

  • Joelle

    Très sympa aussi cette description du film ! Cela donne envie d’aller le voir… 🙂

    Une remarque m’a frappée parmi vos commentaires : le métissage, sujet tabou…

    De ce que j’ai vu à l’Opéra de Paris ou dans les quelques troupes russes aperçues récemment… le métissage est lent à se mettre en place. Il est vrai que « l’image d’Epinal » reste une charmante danseuse toute blonde… 😆

    On remarque dans le corps de ballet quelques danseurs/danseuses d’origine asiatique maintenant, mais pas encore de métis blancs/noirs… Encore qu’il y en ait quelques uns/unes dans les élèves de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris (vu mon assiduité aux deux représentations tout récemment). Je regarderai avec attention les concours (et leurs résultats) en juin prochain… Les choses évolueraient-elles lentement dans le monde de la danse ???

    Cela me fait penser aux équipes de natation il y a 10 ou 20 ans, ou il n’y avait pas beaucoup d’asiatiques (à part peut-être ceux de l’équipe nationale du Japon) et absolument aucun « noir ».. Si je me souviens bien, un prof de natation m’avait dit à l’époque qu’ils étaient trop musclés pour pouvoir avoir la légèreté requise pour bien flotter… 🙄 Les choses ont changé depuis !

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  • petitvoile

    Ai vu le film, intéressant pour montrer la société américaine dans toute son extravagance et très touchant sur les deux histoires de Joan et Michaela. Côté danse, sauf Joan et Rebecca qui auraient très bien pu se passer de ce concours pour avoir une bourse dans une super école et l’autre un contrat en allant auditionner directement dans la compagnie. les autres laissent très sceptiques quant à un devenir professionnel d’être surentraînés trop jeunes pour la danse voire déjà abîmés; saute aux yeux un système fondé sur le commercial à tout crin et le délire psychique de l’utilisation des enfants à cette fin, jurys et écoles compris. On assiste là à un florilège de défauts ancrés dans les corps de ces jeunes aberrant quand on connaît la réalité du monde de la danse professionnelle et ses demandes!

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  • Au départ, je souhaitais aller voir ce film. Ensuite, ayant lu quelques critiques acerbes concernant le fait que le Concours de danse ne montrait pas le bon côté de la danse (dureté des exercices, méchancetés entre les participants) je me suis ravisée.

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  • Muchat

    Merci pour ce compte-rendu, excellent comme à l’habitude. =D>

    Je me permets de copier/ coller ici un post du site « dance.net » d’une personne qui a tenté de suivre les danseurs ayant participé au film « first position » (filmé en 2010). J’espère que c’est autorisé.

    1) Rebecca Houseknecht

    No longer wishing to pursue ballet professionally. She performed for one year with Washington Ballet, before resigning and now attends University. Where she performs on the pom team. :/ Here is the article:
    http://articles.baltimoresun.com/20

    2) Joan Sebastian Zamora

    Entered The Royal Ballet School Upper School at age 16. Now he would be 18, and I am presuming this is his final year at the school. Dreams of being in the Royal Ballet.

    3) Michaela DePrince

    Went on to perform on Dancing With The Stars, and has been featured in Teen Vouge. Graduated from American Ballet Theatre’s Jacqueline Kennedy Onassis School. Joined Dance Theatre of Harlem. Debuted as Gulnare in the South African premiere of Le Corsaire on 19 July 2012

    3) Miko Fogarty

    Continues to compete at YAGP! She is in the top 12 numerous times. Still attending Westlake School Of Performing Arts. Here is the most recent video of her at age 15 (she is 12 years old in First Position.) She has grown so much as a dancer and performer, and is such a well rounded young woman.

    http://www.youtube.com/watch?v=B-gg
    http://www.youtube.com/watch?v=wdds

    4) Aran Bell

    Won the Junior YAGP in 2011. Still living in Italy, presumably studying under same teacher.

    5) Gaya Bommer Yemini

    Competed again at YAGP 2011. Won the Contempory category in the preliminaries with « Cartoon Girl ».
    http://www.youtube.com/watch?v=n7va
    Won second place for classical variation Copellia
    http://www.youtube.com/watch?v=qA2s

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  • @ Muchat : Merci beaucoup pour le lien vers le film. Comme il n’est diffusé que dans très peu de salles, j’ai pu le voir en entier sans problème 🙂
    Je rejoins ton commentaire Amélie sur le côté « singe savant » de certains jeunes danseurs. Le film montre surtout la pression au lieu du plaisir qu’ils ressentent.

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  • Au-delà de la motivation, il y a la passion. Quelle maturité.

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  • Miam23

    J’ai beaucoup aimé les moments de danse de Joan Sebastian, notamment en Colombie quand il danse dehors au milieu des balais !
    J’ai été époustouflée par la technique, notamment celle des garçons et par le nombre de tours qu’ils font, et leur vitesse (on dirait qu’ils sont en accéléré !).
    Mais le chemin pour en arriver là fait parfois peur…

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  • @ Joëlle : le métissage dans la danse est un grand tabou… A l’Ecole de Danse de Nanterre, on remarque un léger avancement sur le sujet, moins dans le corps de ballet. Ce n’est pas forcément le cas dans les troupes anglo-saxonnes, c’est en tout cas moins tabou, même si les danseurs métisses/noirs sont plus rares.

    @ Petitvoile : D’un regard français, certaines images du film mettent vraiment mal à l’aise. Je pense surtout au public qui applaudit très bruyamment à la moindre prouesse. N’empêche que ce concours permet à pas mal d’entre eux d’avoir des bourses d’étude, ce qui n’est pas négligeable.

    @ Catherine : Le film montre la dureté de la danse, mais pas que. Cela reste tout de même des portraits d’enfants passionnés, qui aiment danser plus que tout. Les dérives ne sont pas occultées, mais on sent chez eux l’amour de la danse.

    @ Muchat : Merci pour toutes ces infos ! J’ai par contre supprimé votre lien, qui amenait à télécharger le film de manière illégale.

    @ Anne : Pression, oui, mais je trouve que l’on sentait bien chez eux la passion et qu’ils aiment danser, notamment chez les plus grands.

    @ Virginia L : J’ai même eu l’impression que certains enfants étaient plus mûrs que leurs parents/professeur…

    @ Miam23 : Je crois que Joan est devenu le chouchou de tout de monde ! Je vais suivre sa carrière de près, j’espère qu’il aura un contrat.

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