La sortie ciné de la semaine : Pina de Wim Wenders
La chorégraphe allemande Pina Bausch est morte le 30 juin 2009. Depuis, elle n’a jamais semblé aussi vivante, tant ses ballets sont dansés. Les documentaires et films sur son travail se sont également multipliées. Le dernier en date ? Le très particulier Pina, réalisé en 3D par Wim Wenders, et qui sort le 6 avril dans les salles françaises.
Pina, ce n’est pas un film sur la danse, mais véritablement un film de danse. La danse en est le centre, et le reste, les personnages, le synopsis, tout se construit autour. Pina n’est pas un documentaire sur Pina Bausch, mais véritablement un film, une oeuvre cinématographique. Elle n’est plus là, et pourtant présente à chaque plan, dans chaque parole et chaque geste. Elle et sa danse sont l’essence du film. La question de comment filmer un ballet est donc posée. Et la réponse de Wim Wenders est parfois surprenante, avec de nouvelles approches très intéressantes.
Pina se construit en quatre parties, autour de quatre de ses principales oeuvres : Le Sacre du Printemps, Café Müller, Kontakthof et Vollmond. La troupe les interprète presque en intégralité sur leur scène du Tanztheater de Wuppertal. Les ballets sont régulièrement entrecoupés des paroles des danseur-se-s. Ils-elles passent chacun-e- à leur tour devant la caméra. Ils-elles sont incroyablement différent-e-s, d’âge, de couleur de peau, de nationalité. Et ils-elles parlent de Pina. Il y en a qui racontent leur première rencontre, d’autres des traits de son caractères. Certain-e-s se souviennent des créations, de certains ballets. Tous et toutes ont en tête quelque chose qu’elle leur a dit un jour, et qui les a profondément marqué.
D’autres scènes, bien plus étranges, viennent s’intercaler. Seule-e, en duo ou par petits groupes, des danseur-se-s de la troupe dansent un extrait qu’ils-elles aiment bien, un ballet de la chorégraphe qui leur tiennent à coeur, ou juste une improvisation. Ils-elles sont filmés dans Wuppertal. Certaines scènes sont tournées en pleine forêt, mais la plupart ont lieu dans la ville. Qui n’est pas vraiment une réussite architecturale. Mais ces lieux dénués de charme, un carrefour plein de voitures, une rame de métro suspendu, une plaque de béton, prennent tout d’un coup une dimension poétique dès que les artistes se mettent à danser.
Les quatre ballets sont filmés de façon bien distinct. Le Sacre du Printemps, qui ouvre le bal, est pour moi le plus intéressant cinématographiquement. Pour la première fois, le ballet n’est plus filmé à plat, de face, mais de l’intérieur. La caméra n’est plus juste un instrument de captation, elle devient un regard omniscient, comme lors de son long travelling descendant vers la terrifiante robe rouge. Elle prend ensuite la place d’un danseur, devenant un personnage du ballet. Résultat : le public est plongé au coeur de l’oeuvre, au coeur de l’action. J’ai vu un certain nombre de fois Le Sacre du Printemps, mais jamais de cette façon là. C’est saisissant.
Café Müller montre plutôt le côté danseuse de Pina Bausch. Elle était aussi sur scène, surtout à ses débuts. La chorégraphie d’aujourd’hui se mélange à de nombreuses images d’archive. Les deux se superposent à trente ans d’écart. C’est bien le même ballet, et pourtant tout est différent.
Kontakthof, c’est plutôt la danse sans frontière. Pina Bausch faisait danser des gens de tous horizons sur scène. Cette version est un autre mélange, celle de la version d’aujourd’hui, celle dansée par les séniors et celles des ados immortalisée par le film Les rêves dansants d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann. Le montage est fait d’une telle façon qu’aux yeux du-de la spectateur-rice, il ne s’agit que d’un seul ballet, et les trois troupes se mélangent à l’écran avec un stupéfiant naturel.
Vollmond est peut-être le ballet tourné de la façon la moins originale. L’idée est d’être au plus près des danseur-se-s, dans un ballet qui fait beaucoup appel aux choses terriennes, avec beaucoup d’eau et une énorme pierre en guise de décor.
Le tout est filmé en 3D. Je ne suis pas experte en cinéma, mais j’ai toujours été très réticente à cette technologie. Je ne vois pas ce que ça apporte, et ça me fait mal aux yeux. Lors de la rencontre avec Wim Wenders, le réalisateur semblait transporté par la 3D. Pour lui, c’était la solution pour sortir de la froideur que sont souvent les captations de danse. Pina est tout sauf un film froid. Mais ce n’est pas grâce à la 3D, mais à la formidable façon qu’a le réalisateur de filmer ce qu’il voit. Et c’est encore plus marquant dans Le Sacre du Printemps. Si l’on vit si intensément ce passage, ce n’est pas grâce à la nouvelle profondeur de champs, mais à cause de la caméra qui se glisse au coeur du ballet. Rien qu’à cause de l’inventivité du réalisateur. Gros manque d’orgueil pour Wim Wenders.
L’oeuvre de Pina Bausch n’est pas forcément très facile d’accès. Le film non plus d’ailleurs. Certain-e-s spectateur-rice-s vont peut-être se perdre en route. Il reste tout de même que Pina est l’un des plus formidables documentaires sur la danse que j’ai pu voir. Le réalisateur n’a pas cherché à retracer la vie de la chorégraphe ou de faire une rétrospective de son oeuvre. Il a voulu montrer qui elle était au plus profond. Et quoi de plus révélateur que ses chorégraphies ?
Thierry
Ma fille veut à tout pris m’y emmener, je vais accepter et vous je vous dirais ce qu’en à pensé un novice 🙂
Amélie
@Thierry: J’ai hâte de lire vos impressions 😀
Artemis
J’ai hésité à aller voir ce film (la 3D me gênant…) mais j’y suis allée hier soir, et ce film a été un coup de cœur ! Tu as tout à fait raison, l’originalité réside dans la manière de filmer, le spectateur est au cœur du ballet, c’est tout à fait impressionnant. J’ai beaucoup aimé le montage, l’alternance d’extraits de ballets, de danses en extérieur (originales, parfois amusantes, auxquelles il est difficile de rester indifférent), de portraits et d’images de Pina Bausch. C’est un film qui m’a fasciné…
Il faudrait que j’aille voir « Les rêves dansants » maintenant…
Louison
Eh bien, c’était le deuxième film de ma vie que je voyais en 3D, et je n’ai qu’une chose à dire : autant pour Shrek ça passait très bien, autant là c’est ra-té !
Hormis cela, et hormis mes voisins bruyants, le film était magnifique.
Amélie
@ Artémis : « Les Rêves dansants », c’est très différents, mais passionnant également. Les cinéastes n’ont pas fini de rendre hommage à cette chorégraphe.
@ Louison : La 3D, je trouve que ça ne sert vraiment que pour un dessin animé. Le reste, je n’en vois pas l’utilité (et ça fait mal à la tête en plus).
Louison
Couleurs trop flashy parfois, et les personnages semblaient presque faux de temps à autres, comme des images de synthèse. Autant le dire : un peu dommage.
thierry
Coucou me revoilà 😀 Bon j’ai vu le film hier soir en 3d à un UGC quelconque de la banlieue parisienne.
Nous sommes 10 dans la salles, ce qui est plutôt normal vu le film; ma fille est aux anges mais.. mon ado de fils que l’on a forcé à venir avec nous ne va pas tarder à s’endormir.
Premier contact avec le film: les lunettes, là je dois te dire que ça fatigue énormément mais après on s’habitue plus ou moins.
Lors du Sacre du Printemps Je prends un pied terrible car l’angle de vue des caméraman donne un aspect irréel au ballet, et la sensation de se trouver avec les danseurs ( pour info ma fille avait vu ce ballet à l’opéra il y a 2/3 mois et était ravie de le voir de si près).
Il y a des scènes ou j’ai rien capté bien sur, le métro aérien et la salle de bal ?!!?? et des scènes que j’ai bien aimé comme Vollmond, tout en regrettant que le metteur en scène nous laisse un peu à l’extérieur de la scène ( contrairement au sacre ou là le spectateur se trouve dans la scène).
Voili, voilou… 😆 un bref résumé sur ce film, pas facile car l’art est une question d’appréciation et faire sortir ses ressentiments est parfois bien compliqué.
Dernière petite chose: Bel hommage d’une troupe à sa chorégraphe, beaucoup d’amour se dégage des personnages.
xoxo
Amélie
@thierry: Merci pour l’avis 🙂
Le sacre du Printemps, c’est vraiment mon passage préféré du film, c’est incroyablement bien filmé. La scène de bal, c’était en fait un extrait du ballet Kontakthof. Pas forcément évident de rentrer dedans quand on ne connaît pas l’oeuvre.