Lydie Vareilhes : « Le Concours de promotion, c’est avant tout montrer son évolution personnelle »
Le Concours de promotion 2018 du Ballet de l’Opéra de Paris a lieu les 9 et 10 novembre. Le public s’exprime toujours beaucoup sur les épreuves et les résultats. Et si DALP laissait cette foi-ci la parole aux artistes, qu’ils puissent expliquer comment, eux et elles, vivent ce Concours de promotion de l’intérieur ? Lydie Vareilhes, Sujet dans la compagnie, raconte sa vision du Concours de promotion, la façon dont elle l’aborde et le travaille, et comment cette épreuve reste avant tout pour elle un challenge personnel.
Quel est votre premier souvenir du Concours de promotion, en tant que spectatrice ?
À l’École de Danse, j’allais voir les Concours de promotion tous les ans. Je me souviens très bien de Fanny Fiat dans Le Sacre du Printemps de Maurice Béjart, j’aimais aussi beaucoup ce que faisait Delphine Baey. À l’École, le Concours de promotion reste quelque chose d’assez lointain, on ne réalise vraiment ce que c’est que quand on passe son premier Concours.
Justement, comment s’est passé votre premier Concours de promotion ?
Le premier Concours n’est pas forcément le plus dur car on ne sait pas à quoi s’attendre. Il n’y a donc pas le stress que l’on a quand on sait ce que c’est que d’être face à la salle. On sent une pression particulière du public, ce n’est pas du tout comme pour un spectacle. Pour mon premier Concours, j’étais en fait curieuse et assez excitée d’y accéder après avoir été surnuméraire pendant deux ans. J’étais forcément un petit peu stressée, comme tout ce qui est public, mais je ne réalisais pas bien ce que cela voulait dire. J’avais choisi la variation d’Arepo, celle d’Elisabeth Maurin, que j’adorais. Et j’y avais pris beaucoup de plaisir. Mais j’ai perdu mes moyens pour la variation imposée. Je ne m’attendais en fait pas à cette tension et c’est très difficile de ne pas se laisser envahir par ça, surtout qu’en début de carrière, l’on est plus habitué à danser dans des ensembles. Je me suis rétractée au fur et à mesure de ma variation. Question stress, le deuxième Concours est plus compliqué car on sait à quoi s’attendre.
Comment choisissez-vous votre variation libre ?
Souvent, au cours de l’année, je pense à une variation en me disant qu’elle me plairait. Parfois j’en essaye une. Mais l’état dans lequel on est au début de la préparation joue beaucoup, en fonction de ce que l’on a dansé les mois précédents, de nos envies, de ce que l’on a envie de danser aujourd’hui, de la variation imposée. Disons que j’ai toujours plusieurs idées en tête auxquelles je réfléchis longtemps à l’avance. Mais je prends ma décision définitive 1 mois et demi avant les épreuves. Et si vraiment la variation imposée n’est pas cohérente avec le choix de ma libre, j’ai toujours une option pour la changer.
Le Concours de promotion, c’est montrer son évolution personnelle
C’est-à-dire, une variation imposée cohérente avec votre variation libre ?
J’aime montrer une palette différente de moi dans l’imposée et la libre, j’aime que ce soit complémentaire. Si la variation imposée est de la technique pure, j’aurais tendance à prendre une libre qui prend le contrepied. À l’inverse, si la variation imposée est beaucoup dans l’interprétation, j’aurais tendance à prendre une libre, classique ou contemporaine, qui montre un peu de technique. Mais ce n’est pas forcément le cas tous les ans. Parfois, j’ai très envie de faire une variation et je la choisis quoi qu’il arrive.
La programmation joue sur votre choix ?
Oui. Cette année, j’étais très contente de faire en scène plus de classique parce que je n’en avais pas fait depuis longtemps. Mais maintenant, le contemporain me manque. Cette année, j’ai donc pris une variation plus contemporaine, Le Sacre du Printemps de Maurice Béjart.
Est-ce que la programmation future vous influence, par exemple choisir un rôle d’un ballet qui sera dansé prochainement pour tenter d’y être distribuée ?
J’y ai pensé un peu. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose de faire un choix en fonction des autres et de la stratégie. Le Concours de promotion, c’est montrer son évolution personnelle, là où on en est dans notre carrière. Alors peu importe les conditions extérieures, si l’on a besoin de montrer quelque chose, si on se sent arriver à maturité pour danser une variation, il faut y aller. Penser stratégie ne donnera pas un meilleur résultat. Il faut faire une variation parce que l’on a l’impression que c’est le bon moment pour la faire, le bon moment pour soi. Même si le choix d’une variation libre peut aussi montrer ce que l’on a envie de faire en ce moment. Mais c’est plus une question de styles que j’ai envie d’aborder, ce qui me plaît à ce moment-là.
Il y a des chorégraphes que l’on retrouve régulièrement dans vos choix de variations libres ?
J’y ai repensé récemment et j’ai réalisé que j’avais choisi deux fois du Maurice Béjart et deux fois du Twyla Tharp. Mais il ne faut pas oublier non plus qu’il y a des contraintes de répertoire et de variations, qu’il faut trouver un solo d’une durée raisonnable. Il y a ainsi des chorégraphes que j’aime beaucoup mais que je ne peux pas choisir en Concours pour ces raisons, comme Jiří Kylián. Ou des chorégraphes pour qui il est difficile d’extraire un solo, comme pour les oeuvres de Pina Bausch qui sont très théâtrales, et je ne suis pas sûre que d’en prendre un passage le mettrait vraiment en valeur.
Comment travaillez-vous vos différentes variations ?
Je trouve toujours quelqu’un pour me guider. J’ai besoin d’un oeil extérieur qui est complémentaire à mon travail personnel. J’ai besoin de faire et refaire les choses seules, mais j’ai aussi besoin d’un regard extérieur. Avec la vidéo uniquement, on reste avec ses sensations corporelles et on a du mal à prendre du recul sur ce que l’on pourrait faire de différent ou d’où vient un problème. Je n’ai pas de coach particulier, je travaille avec des personnes différentes chaque année selon les variations. J’ai répété plusieurs fois avec Monique Loudières qui est super, j’ai travaillé Arepo avec Élisabeth Maurin, la Danseuse en vert de Jerome Robbins avec Claude de Vulpian. Cette année, pour Le Sacre du Printemps de Maurice Béjart, j’ai travaillé avec Marie-Claude Pietragalla et Dominique Genevois, une ancienne danseuse de Béjart.
Comment avez-vous travaillé avec elles ?
L’idée n’était pas de filer la variation mais de décortiquer chaque chose, pour que je puisse avoir les informations et travailler de mon côté. On en dit beaucoup finalement, pour comprendre l’intention de chaque mouvement, la signification, la volonté du chorégraphe. Elles m’ont dit beaucoup de choses similaires. Le point le plus important reste que c’est une variation qui n’est pas sur la forme, qu’il faut ressentir le mouvement. Que la forme découle d’une sensation intérieure et qu’il ne fallait pas chercher à avoir des positions. À leurs façons, elles ont toutes les deux exprimé l’idée qu’un mouvement serait certainement un peu différent d’une danseuse à l’autre, parce qu’il part d’une sensation intérieure personnelle. Et que c’était cette sensation intérieure qui était juste.
Quel est votre regard sur la variation imposée, la variation de Louise de Casse-Noisette de John Neumeier ? Comment la travaillez-vous ?
Nous avons une professeure et un temps avec elle tous les jours pour travailler la variation. Il y a quelques années, j’avais regardé la vidéo du ballet en pensant prendre peut-être l’une des variations de Louise. Je trouve ça très agréable de danser une variation qui n’a pas été vue et revue, d’avoir l’esprit un peu plus libre et vierge dans la façon de l’aborder, sans a apriori sur comment on doit faire les choses. Cela permet plus facilement d’imprimer sa personnalité et son interprétation. J’ai d’ailleurs plusieurs fois choisi en libre des variations qui n’avaient jamais été données avant en Concours, comme l’extrait de Pas./Parts de William Forsythe ou As Times Goes By de Twyla Tharp. J’avais pris aussi sa variation du Grand pas qui avait été très peu dansée.
Vous aimez dénicher des variations moins connues ?
Quand j’allais voir des Concours, j’aimais bien découvrir de nouvelles variations. C’est l’occasion d’aller chercher des choses un peu oubliées du répertoire de chorégraphes que l’on aime beaucoup. C’est plus excitant de l’aborder et de se l’approprier. Ce sont aussi des heures au service vidéo à voir des ballets et des ballets ! Je parle également à d’anciens danseurs et danseuses, qui ont dansé des ballets que l’on n’a pas connus. Mais j’ai aussi pris des variations qui sont souvent choisies, comme La Cigarette de Suite en blanc de Serge Lifar ou la Danseuse en vert de Dances at a Gathering de Jerome Robbins.
Et dans ces cas-là, quand on choisit un « tube » du Concours, comment fait-on pour se l’approprier ?
Pour la Danseuse en vert, c’est le choix de travailler avec Claude de Vulpian. Elle a tout un imaginaire et aussi un peu de folie. Et puis elle n’est plus à l’Opéra, c’est ainsi plus facile pour moi de me créer mon petit monde. Je me sentais isolée et c’est ce qu’il me faut. De façon générale, je ne regarde pas trop ce que font les autres, je me mets dans mon monde. Sinon, je me mets à stresser. Je ne veux pas être influencée et copier quelqu’un.
Cette préparation et façon de choir les choses ont-elles changé au cours de votre carrière ?
Non, pas vraiment. Ma personnalité est de me concentrer sur ce que j’ai à faire et d’être créative sans m’appuyer sur les choses que je peux voir. Bien sûr, je regarde des vidéos de grandes danseuses comme source d’inspiration, mais plus en dehors des périodes de Concours. Quand je travaille une variation, j’aime l’aborder vierge, pour justement ne pas éteindre la créativité et l’imagination.
Le Concours sert à montrer ce que j’ai envie de danser à ce stade de mon évolution
Que représente le Concours de promotion aujourd’hui pour vous, après plus de dix ans de carrière à l’Opéra de Paris ?
Pour moi, le Concours sert à montrer ce que j’ai envie de danser à ce stade de mon évolution. Je ne l’ai jamais pensé dans l’idée d’évolution dans la hiérarchie, parce que je pense que le but final, c’est d’être la meilleure danseuse que l’on puisse être, et que la décision de monter dans la hiérarchie ne nous appartient finalement pas. Même quand j’étais Quadrille, mon but était de me surpasser et de montrer des facettes de moi que les gens ne voyaient jamais. Ma première variation libre, Arepo, était ainsi assez farfelue alors que je suis plutôt introvertie, mais j’avais envie de montrer cette autre facette de moi. Le Concours, c’est pour moi la possibilité de montrer ma plus large palette et de me challenger moi-même.
Et quel est votre challenge aujourd’hui ?
Ce qui est difficile pour moi est de ne pas me laisser envahir par le stress et le regard des autres. Je me dis que mon but est d’arriver en scène au maximum de mes capacités, parce que je ne me laisserais pas envahir par ce stress, et c’est comme ça que je me montrerais le meilleur de moi-même. Je ne me mets pas dans l’esprit de monter à tout prix ou d’être meilleure qu’une telle.
Comment aborde-ton un Concours que, au cours de sa carrière, l’on va plus rater (ne pas être promue) que réussir (être promue) ?
Je n’ai jamais l’impression d’avoir raté un Concours. J’en suis toujours ressorti avec l’impression d’avoir appris quelque chose. Ne pas être promue, ce n’est pas rater un Concours. Peut-être que, si je suis montée une année, c’est parce que j’avais appris des choses l’année précédente, c’était donc déjà une évolution vers cette promotion. Même sans promotion et sans évolution dans la hiérarchie, on continue d’évoluer en tant que danseuse.
Pour vous, qu’est-ce qu’un Concours de promotion réussi ?
Ce n’est donc pas le classement ou la promotion mais le résultat que je vois en vidéo. Néanmoins, il y a eu des Concours où le résultat n’était pas là mais où j’ai pu être contente car j’avais atteint le but que je m’étais fixé, j’avais évolué sur ce dont j’avais besoin d’évoluer. Ainsi en mars dernier, j’avais choisi la variation de la chambre de Carmen de Roland Petit, qui a priori n’est pas faites pour moi. Je l’ai choisie parce que j’avais envie de bosser sur le travail le bas de jambe, la musicalité, la précision, l’endurance. Le résultat final ne m’a plus plu, mais pas le travail qui avait été fait m’avait beaucoup apporté. Et puis en mars, je n’ai pas réussi à calmer mon stress. Mon but cette année, c’est d’être pleinement là sans pensée parasite, être pleinement moi.
Dans cet état d’esprit, vous vous voyez passer le Concours jusqu’à la fin de votre carrière ?
Pas forcément car cela reste une épreuve difficile. Je pense que quand j’aurais des enfants, je préfèrerais consacrer plus de temps à ma famille. Mais pour l’instant j’ai envie de découvrir et apprendre. Il n’y a pas de lassitude. J’ai toujours le sentiment que le Concours est une occasion d’apprendre et de grandir en tant qu’artiste. Il y a deux années où j’ai décidé de ne pas le passer parce que j’avais des douleurs et que j’avais envie d’assurer mes spectacles qui me tenaient à coeur. Je n’ai pas eu de regrets parce que c’était la bonne chose à faire pour moi, pour mon évolution, pour ces spectacles qui étaient très importants pour moi.
Comment se remet-on d’un Concours où l’on n’est pas content du résultat ?
Toutes les expériences négatives sont faites pour rebondir et apprendre. Bien sûr, quand on ressort et que l’on n’a pas fait ce que l’on voulait faire, on est énervé. Mais cela veut dire que c’est là-dessus qu’il faut travailler. La déception met en exergue les points à améliorer dans son travail. Finalement, ce que je trouve le plus difficile, ce n’est pas la déception mais la période de préparation, où il faut arriver à tout gérer entre les répétitions, la fatigue, etc. En général deux semaines avant, rien ne va et je veux changer ma variation. Ou je décide de ne pas passer le Concours. Mais avec le recul, on se rend compte que l’on s’en est fait toute une montagne et qu’il suffisait de continuer à travailler. Ainsi l’année où j’ai choisi Pas./Parts, une semaine avant, je me disais que je ne pouvais pas faire ça, que c’était honteux, je me sentais nulle… Mais presque tout le monde a ce genre de pensée dans ces moments-là !
Et comment réagit-on quand le Concours se termine par une promotion ?
Bien sûr, cela donne confiance, on a l’impression d’être reconnue par ses pairs pour son travail. Mais ce n’est pas parce que l’on est promue que l’on est devenu parfaite. Cela veut dire que l’on nous fait confiance pour danser plus et avoir des opportunités, qu’il y a du potentiel. Mais ce n’est pas comme un accomplissement. On sent en tout cas une différence dans les distributions, la hiérarchie dans les ballets classiques est bien là.
J’ai toujours le sentiment que le Concours est une occasion d’apprendre et de grandir en tant qu’artiste.
Vous avez l’ambition de passer Première danseuse lors de ce Concours ?
Bien sûr que l’ambition est là. Accéder au grade supérieur, ce sont des opportunités pour ce que l’on a envie de faire. Pour moi, j’aimerais avoir des grands rôles contemporains. C’est plus compliqué en tant que Sujet, même si la hiérarchie joue moins sur le répertoire contemporain. Une promotion me permettrait d’accéder à plus d’opportunités pour danser. Après, je ne suis pas pour être frustrée, je veux être une danseuse heureuse et épanouie (sourire). Je continuerais à travailler et avancer si je dois rester Sujet. Disons que le poste de Première danseuse, je le vois comme une opportunité pour avancer encore plus.
Quand vous dîtes que vous aimeriez avoir des grands rôles contemporains, auxquels pensez-vous ?
Je rêve en fait de faire des créations, notamment avec Wim Vandekeybus, qui n’est encore jamais venu à l’Opéra mais j’espère que ça le sera un jour. J’aimerais aussi beaucoup travailler avec Sidi Larbi Cherkaoui, Johan Inger, Jasmin Verdimon ou Peeping Tom, retravailler avec Edouard Lock. J’ai toujours envie continuer le travail avec Samuel Murez dont j’admire la créativité. J’aurais tendance à vouloir travailler avec des chorégraphes encore vivants pour participer à quelque chose qui n’existe pas encore, mettre de soi dans une création, avoir un échange avec le chorégraphe, aborder des styles qui sont très loin de moi.
Quel est votre meilleur souvenir de Concours ?
Il y en a plusieurs… Je dirai la Danseuse en vert et Pas./Parts. Ce sont des variations où j’ai vraiment mis pleinement de moi, où il n’y avait plus de place pour le stress. Je m’étais totalement fondue dedans et j’avais réussi à créer mon monde, j’étais arrivée comme un spectacle et j’en avais oublié l’enjeu du Concours. J’ai vraiment eu l’impression d’être une danseuse, une artiste qui transcenderait le statut de concurrente pour une promotion. Qu’est-ce qui fait que cela marche ? Je dirai une combinaison de trois choses : choisir une variation qui nous plaît vraiment et non pas par défaut pour travailler quelque chose de spécifique, les professeur.e.s et coachs qui nous donnent confiance et une bonne préparation mentale qui fait que l’on arrive à ne pas se laisser envahir par le stress.
Et le plus mauvais souvenir ?
La saison dernière avec Carmen. C’était mon premier Concours en tant que Sujet. Je ne l’avais pas passé lors de la précédente édition, et comme le Concours avait été décalé en mars, cela faisait donc plus de deux ans que je n’avais pas vécu cette épreuve. J’étais partie un certain temps pour danser Tree of codes de Wayne McGregor, je faisais moins de scène à l’Opéra. Le Concours reste un exercice difficile, même avec de l’expérience. Et même si on ne le fait pas pour ça, on sait qu’il y a un jugement à la fin, cela reste un Concours. C’est très court, la moindre erreur prend de l’ampleur. Au final, j’étais contente du travail en amont, j’étais contente d’avoir pris cette variation, de l’avoir travaillée, d’être allée jusqu’au bout, je sais pour quelles raisons je l’avais choisie. Mais en voyant le résultat, j’ai trouvé que j’étais loin de ce que j’avais envie de faire. J’étais déçue aussi parce que je n’avais pas réussi à me détacher du stress et du jugement, et mes défauts sont ressortis. Je ne suis pas non plus tombée par terre, je n’ai pas oublié la chorégraphie, mais je n’étais pas contente de moi. Cela m’a montré aussi ce sur quoi il fallait que je travaille.
Il y a des variations que vous rêvez de danser en libre ?
Il y en avait, plus trop maintenant. J’avais très envie de danser Bhakti III de Maurice Béjart quand j’étais plus jeune, plus vraiment maintenant, je ne l’ai jamais passée en Concours finalement. Pas./Parts ou la Danseuse en vert faisaient partie de mes variations de rêve. Maintenant, j’ai plus envie de faire de la création et de rencontrer des chorégraphes.
Il y en a quand même une, c’est la variation de l’une des soeurs dans Cendrillon de Rudolf Noureev, parce qu’il y a beaucoup de jeu et que c’est loin de ma personnalité. Il y a deux ans, j’avais ainsi commencé à la travailler avec Monique Loudières mais j’ai finalement décidé de ne pas passer le Concours. L’envie de la reprendre cette année était un peu présente. J’aime interpréter, j’aime jouer des personnages. Mais je me suis dit que cette variation allait dans la facilité, que c’était moins challengeant. En fait, je rêve de danser les soeurs de Cendrillon, et si ce n’est jamais le cas dans les distributions, le Concours est l’occasion de le danser en scène. Mais j’ai trouvé que c’était juste pour mon plaisir et qu’il y avait d’autres variations où je pouvais vraiment travailler quelque chose.
Qu’aimeriez-vous vous dire samedi 10 novembre au soir à l’issue du concours ?
Que j’ai réussi à ne pas me laisser envahir par le stress, à ne pas penser au jugement, à avoir appliqué tout ce que j’ai travaillé et à avoir dansé grand. C’est ce qui me déstresse quand je prépare mon Concours. Même s’il y a des petites choses qui ratent, si je réussis à les rattraper, à ne pas me laisser envahir par le stress, à montrer qui je suis, je serais contente.
Comment fait-on pour danser le soir même après un Concours, mettre la déception ou la joie de la réussite de côté pour le spectacle ?
On arrive à faire la part des choses. On a répété pour ce spectacle, on met de côté ce qui est arrivé. On est là pour le public, qui n’a pas à savoir qui est content ou non. Je coupe complètement le Concours dans ma tête et je fais le spectacle indépendamment de ce qui s’est passé. C’est de toute façon notre métier. Notre vie de danseuse continue.
Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes danseuses pour qui ce sera leur premier Concours ?
De faire un choix de variation libre qu’on ne leur impose pas, que ce soit leur plein choix. Et de ne pas hésiter à montrer leur personnalité tout de suite, de ne pas essayer de faire ce qu’elles pensent être ce que l’on attend d’elles.
Une question sur vous pour terminer. On voit de plus en plus vos propres photos de danse sur les réseaux sociaux. C’est une passion que vous développez ?
Parfois, en répétition ou en scène, il y a des choses que je vois et je me dis : mais pourquoi il n’y a personne pour capter ce moment ? Je trouve que l’on n’a pas le même regard quand on est danseur et danseuse dans la photo. Je connais bien les gens que je photographie, ce n’est ainsi jamais la même chose d’avoir un regard neutre sur quelqu’un ou de très bien le connaître, y compris des aspects de sa personnalité qui sont un peu cachés. J’aime l’idée de capter un mouvement. C’est un besoin que j’avais, je n’ai pas un but particulier, même si j’aimerais bien poursuivre et que je serai ravie d’avoir des opportunités à l’Opéra. Et puis ce travail me sert pour des projets futurs, pas forcément sur la photo en soi mais liés à l’image.
pirouette24
Passionant ! et bien plus intéressant que les « prises de paris » habituelles des balletomanes. DALP ne déçoit jamais et s’élève au dessus de cela ! bravo! et courage à tous les artistes
Amélie Bertrand
Merci à Lydie pour sa sincérité 🙂
Marie
Lydie Vareilhes est décidément quelqu’un de très intéressant, autant dans sa danse que dans son discours. Merci pour cet entretien !
Valioushka
Bravo à Lydie Vareilhes qui au concours, nous a offert une Elue terrienne, animale, explosive, magnifique…on peut dire que le but fixé dans l’entretien est atteint! un grand merci et un grand bravo…
Amélie Bertrand
@ Valioushka : Bien d’accord 🙂
Marc Acquaviva
De très loin la conception la plus nuancée qui concilie l’intelligence du coeur , l’esprit de finesse et la relativisation cathartique : un rêve qui change avec brio des propos convenus !!!!!! Certaines affinités sont cruelles et pourtant éclairées par une lumière unique dont l opacité perce le nuage !!!!!!!!!!!