Rencontre avec Agnès Letestu pour son spectacle Le do(s) transfiguré
Agnès Letestu revient sur scène avec le spectacle Le do(s) transfiguré, un trio entre l’Étoile, la pianiste Edna Stern et l’ancien Principal du Royal Ballet Rupert Pennefather, à voir au Théâtre de Suresnes le 2 décembre. Pour DALP, Agnès Letestu revient sur la conception de ce spectacle, un véritable dialogue entre musique et danse, mais aussi sur ses projets de costumes et son travail de coaching sur La Dame aux camélias.
Mise à jour : suite à une blessure de Rupert Pennefather, c’est Florent Melac qui dansera aux côtés d’Agnès Letestu.
Le do(s) transfiguré, c’est une envie de revenir sur scène ou d’abord une histoire d’amitié avec la pianiste Edna Stern ?
Je n’ai en fait jamais arrêté de danser depuis mes adieux. C’est vrai que j’ai fait beaucoup moins de spectacle, je me suis consacré à la pédagogie et aux costumes. Mais j’ai beaucoup dansé à l’étranger. Le do(s) transfiguré vient d’abord de l’envie de travailler avec Edna Stern.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
J’avais rencontré Edna Stern lors d’un concert il y a quelques années. Elle y jouait notamment des pièces du compositeur Galuppi que j’ai découvert à cette occasion. Je suis allée la voir après le concert, en lui disant que j’aimerais bien danser sur cette musique. Elle a laissé ça dans un coin de sa tête. Il y a deux ans, un projet de spectacle musique et danse avec la compagnie Incidence Chorégraphique, alors dirigée par Bruno Bouché, est arrivé. L’idée est revenue. Nous avons fait lors de ce spectacle un duo sur la musique de Galuppi, je dansais et Edna jouait. On a beaucoup aimé notre collaboration et nous avons eu envie de continuer l’aventure, nous avons une bonne connivence en scène.
Comment est né après ce duo un spectacle entier ?
Le Festival de Lacoste dans le Lubéron nous a passé une commande pour l’été 2018. Edna et moi avons tout de suite rebondi en se disant que l’on voudrait faire un spectacle cohérent chorégraphiquement et musicalement. On ne voulait pas d’une sorte de salade où tout se mélange, sans savoir d’où viennent les choses, pourquoi elles sont là et pourquoi elles s’enchaînent. Chorégraphiquement, je voulais faire quelque chose de nouveau. J’ai beaucoup dansé, j’ai travaillé avec beaucoup de chorégraphes. Je voulais me montrer différemment, telle que je suis aujourd’hui.
Comment musicalement s’est construit le programme ?
Le programme mêle piano solo et pièces chorégraphiques, mais toutes les parties dansées sont toujours en liaison avec la partie musicale précédente. Toutes les musiques commencent dans la tonalité de do, d’où le titre du spectacle, et tout s’enchaîne avec une véritable logique musicale. Nous voulions quelque chose de circulaire, avec Bach pour démarrer et pour terminer. Entre, la boucle passe par Berio et le thème de l’eau avec son Waterpiano, puis In the mist de Janacek qui veut dire « Dans le brouillard », on glisse doucement vers Chopin, on passe à Debussy et Dupin. Une fois revenu à Bach, nous proposons comme une sorte de bis. Dans la logique d’un concert, le bis est quelque chose que l’on fait en plus, une surprise, qui n’a rien à voir avec le programme, qui apporte une touche un peu ludique. On a ainsi choisi une musique plus pétillante, alors que programme est un peu plus sérieux, profond, sur la recherche d’identité.
Comment se crée le lien entre vous et la pianiste sur scène ?
On a voulu créer un spectacle intime. Nous ne sommes que trois sur scène, il n’y a pas d’entracte, pas de fermeture de rideau, pas de changement de décor entre chaque pièce. Nous changeons de costumes et l’on évolue musicalement et chorégraphiquement tout au long du programme, mais il n’y a pas de coupure scénique. Le piano reste en scène tout le temps, les éclairages changeants donnent différentes ambiances selon les pièces. J’avais envie d’une évolution du début jusqu’à la fin, que la musique soit vraiment en dialogue avec la danse, que les choses s’enchaînent de façon logique pour la pianiste comme pour moi. J’avais envie que l’on soit heureuse toutes les deux.
Parmi les chorégraphes, il y a deux jeunes talents : Florent Melac et Yvon Demol. Comment les avez-vous choisis ?
Nous reprenons Opus 27 de Florent Melac. Il avait créé cette pièce pour lui et Letizia Galloni. J’ai trouvé qu’il avait énormément de talent, je lui ai donc demandé de la remanier sur moi. Il a eu envie de changer pas mal de choses, d’y mettre plus de regards, d’intention par rapport à l’autre. Dans le domaine néo-classique contemporain, il a vraiment des idées et ce n’est pas évident de trouver des gens qui peuvent s’exprimer dans ce langage. Idem pour Yvon Demol, que j’ai découvert avec Incidence Chorégraphique. Il propose un solo pour Rupert Pennefather. J’ai trouvé ces chorégraphies très intéressantes, entre le contemporain et le néo-classique. Il y a des jeunes qui ont de belles idées dans ce langage-là, en racontant une histoire sans tomber dans l’anecdotique.
On retrouve aussi un duo extrait des Enfants du Paradis de José Martinez, qui tient une place à part dans votre carrière, et une création de Jean-Claude Gallotta pour le bis…
Les Enfants du Paradis est un ballet qui a marqué ma carrière, à tout point de vue. José Martinez a fait ses adieux avec moi dans ce ballet. J’avais envie de revenir dessus. Pour Jean-Claude Gallotta, c’est quelqu’un de toujours un peu déjanté, c’est exactement ce que je voulais pour le bis. J’avais envie de quelque chose de pétillant, de ludique. Jean-Claude Gallotta a tout de suite réagi quand je lui en ai parlé. ça a été comme une partie de ping-pong entre nous.
Comment Rupert Pennefather, qui danse dans ce spectacle, est-il arrivé sur ce projet ?
J’ai dansé avec lui l’année dernière en Suisse, sur une commande chorégraphique de Denis Mattenet, directeur du Centre de danse de Montreux. Il a voulu faire un programme mêlant artistes du Royal Ballet et du Ballet de l’Opéra de Paris. Le spectacle tombait à une date où les danseurs et danseuses des deux troupes étaient prises, cela a donc basculé sur un spectacle « jeunes retraités » avec des artistes qui viennent de partir et qui ont encore envie de danser. C’est ainsi que j’ai dansé Les Enfants du Paradis avec Rupert Pennefather, et que nous avons fait une création sur Huis clos de Jean-Paul Sartre, avec aussi Delphine Moussin et Ivan Putrov. Avec Rupert, on s’est très bien entendu et on a eu envie de retravailler ensemble. Nous étions au même point de notre carrière, avec une certaine liberté de planning, comme Le do(s) transfiguré est amené à être redonné.
Justement, quel est le futur de ce spectacle ?
Le do(s) transfiguré s’est fait un peu au dernier moment à Lacoste, en juillet 2018. Olivier Meyer, qui dirige le Théâtre de Suresnes, a tout de suite rebondi et a eu envie de le programmer dans son théâtre, le 2 décembre. Nous avons le projet de le donner à Genève en mars, fin juillet-début août au Japon, la tournée est en train de se monter. Le programme du spectacle est aussi amené à évoluer selon nos coups de coeur, même s’il sera toujours dans le même thème, avec cette logique musicale.
Vous signez tous les costumes du spectacle, y compris la robe d’Edna Stern. Quels sont vos autres projets du côté des créations de costumes ?
Dans le cadre des J.O. de Tokyo en 2020, beaucoup d’événements culturels sont montés. Le Japon voulait faire la promotion des tissus et usines de Fujiyoshida, une ville au pied du Mont Fuji. Il y avait l’envie de lier cette technique très intéressante du Japon avec le savoir-faire français. C’est moi qui aie été chargée du design. Je suis allée sur place, j’ai choisi des tissus qui me semblaient intéressants. De là, j’ai fait les maquettes de quatre costumes : deux costumes imposants amenés à être exposés, et des costumes de scène pour un couple du Corsaire et un couple de Don Quichotte. Ils iront en scène pour un spectacle à Fujiyoshida, durant l’été 2019 ou 2020, avec des artistes de l’Opéra de Paris. Ce seront aussi deux couturières de l’Opéra qui vont les réaliser. Les différentes créations seront à la Maison du Japon de Paris en février 2019.
En ce moment, vous coachez deux couples pour la reprise de La Dame aux camélias de John Neumier à l’Opéra de Paris. Marguerite a été l’un de vos grands rôles. Qu’est-ce qui est important à transmettre selon vous ?
J’ai envie de transmettre le cheminement de John Neumeier. La grande difficulté technique de ce ballet reste tous ces pas de deux et portés compliqués, parfois acrobatiques. Ils s’acquièrent avec la compréhension de l’histoire et cette montée de la passion. Il faut faire comprendre ce cheminement. Quand je fais travailler, j’explique de dialogue de chaque pas. Puis je leur demande : comment, toi, tu le racontes ? Je montre, mais je ne peux pas imposer une interprétation. Il faut qu’ils trouvent par eux-mêmes comment interpréter à leur façon le texte que je leur donne. Je les aide à accoucher de leur propre personnage, je pousse chaque interprète à interpréter à sa façon. J’ai fait travailler les couples Eleonora Abbagnato et Stéphane Bullion ainsi qu’Amandine Albisson et Audric Bezard, tandis que Hervé Moreau s’occupait de Léonore Baulac et Mathieu Ganio, et Laura Hecquet avec Florian Magnenet. Nous nous sommes tous retrouvés dernièrement avec John Neumeier. Les quatre racontent la même chose, mais ils sont tellement différents ! Ils ont des énergies différentes, des regards différents. On a réussi à garder les spécificités de chacun, à les développer et à les encourager, sans calquer quoi que ce soit, sans les frustrer ou les ramener à ce que l’on a fait. Et ça, c’est génial.
Le do(s) transfiguré de et avec Agnès Letestu, Edna Stern et Rupert Pennefather, le 2 décembre au Théâtre de Suresnes.
Lebargy
Bonjour
Est ce que ce spectacle le do s transfiguré va être redonner ailleurs?
Merci