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[Prix de Lausanne 2022] Rencontre avec le candidat Julien Fargeon

Après Manon Baranger et Alice Hidalgo, poursuivons nos rencontres avec les candidats et candidates françaises du Prix de Lausanne 2022 avec Julien Fargeon (414), élève de l’Académie Méditerranéenne de Danse. Ancien élève de l’École de Danse de l’Opéra de Paris, il rêve plus aujourd’hui des États-Unis ou de Londres. Il nous raconte ses premiers jours au Prix de Lausanne et ses ambitions de danseur.

Prix de Lausanne 2022 – Julien Fargeon

Quel est votre parcours ?

Je suis d’origine russe et j’ai été adopté par des parents français. J’ai commencé la danse à 7 ans, par la comédie musicale, au Centre de Comédie Musicale et de Danse de Marseille, avant de démarrer la danse classique à 10 ans. J’ai intégré l’École de Danse de l’Opéra de Paris en 2017, à 14 ans, en quatrième division. J’ai fini ma première division en juin dernier. Je pouvais redoubler mais c’était compliqué, j’avais d’autres priorités avec ma famille et je suis redescendu à Marseille. Je suis scolarisé depuis septembre à l’Académie Méditerranéenne de Danse, chez Thierry Le Floc’h.

 

Comment cela se passe à l’Académie Méditerranéenne de Danse ?

C’est une école dirigée par une famille de danseurs. Thierry Le Floc’h était Danseur Étoile chez Roland Petit, tout comme sa femme Mitou Manderon. Leur fille Diane est Première danseuse au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, son mari Neven Ritmanic y est Soliste, leur autre fils Ludovick est aussi danseur, c’est mon professeur de danse classique et répétiteur contemporain. On a cours tous les jours le matin, puis des cours d’ensemble, des cours privés, d’autres cours le soir, de classique ou de jazz. Je me consacre maintenant entièrement à la danse.

 

Qu’est-ce qui vous a amené au Prix de Lausanne ?

Maintenant, je dois trouver une compagnie. Rien qu’avoir été sélectionné pour le Prix de Lausanne est énorme. Mais je veux prendre des contacts, montrer que je peux avoir certaines qualités que recherchent des chorégraphes ou des directions de compagnie, qu’ils soient intéressés pour m’engager. Aujourd’hui, je préfère me tourner vers le classique, donc me diriger vers des compagnies classiques essentiellement. J’aime le langage contemporain, mais à petites doses.

 

Que visez-vous comme compagnie ? Quelle est votre envie professionnelle ?

Je vise beaucoup les compagnies américaines, je pense au Houston Ballet et à l’ABT, au San Francisco Ballet. J’aime beaucoup la Scala de Milan aussi. J’ai toujours été attiré par les États-Unis, via aussi la comédie musicale que j’ai pratiquée. Lors de stages à l’école Rosella Hightower, j’ai travaillé avec Karine Plantadit, une professeure américaine qui a amplifié cette envie. Elle a une façon de vivre et d’expliquer les choses différentes, elle est très humaine. Leur mentalité là-bas est autre et me convient bien. J’aime les chorégraphies là-bas, qui me semblent plus libérées. Mais dans le répertoire, pour moi la plus belle compagnie reste le Royal Ballet. Ils innovent tout le temps ! Je sais que la vie à Londres est dure, mais on est des danseurs ! Pour moi, c’est l’une des plus belles compagnies, l’une des plus avant-gardistes des troupes classiques. J’ai beaucoup aimé le ballet Alice’s Adventures in Wonderland de Christopher Wheeldon. À l’Opéra de Paris, le classique se limite souvent, pour moi, à Rudolf Noureev. Mais il y a plein d’autres chorégraphes classiques ! J’ai travaillé plusieurs années à l’École, je suis attaché à cette maison. Mais je cherche plus la nouveauté dans les ballets classiques.

Prix de Lausanne 2022 – Julien Fargeon (414, au centre) et les autres garçons du groupe B.

Comment avez-vous choisi vos variations au Prix de Lausanne ?

Pour la variation classique, mon professeur Thierry Le Floc’h a choisi celle du Grand pas de Paquita. Au début, porté par la musique, j’avais choisi le Grand pas classique. Mais ce n’était pas forcément ce qui me mettait le plus en valeur. Thierry Le Floc’h et Neven Ritmanic m’ont donc conseillé de partir sur Paquita, et ça marche très bien. Pour la variation contemporaine j’ai pris la variation Unravel de Maya Smallwood. J’aimais beaucoup celle de Wayne McGregor mais Marco Masciari avait gagné le Prix de Lausanne en 2020 avec celle-ci, j’ai donc préféré partir sur autre chose. Pour moi, Unravel de Maya Smallwood sortait du lot et pour mon professeur, elle est très bien pour moi, on voit mes lignes et mes qualités. Je ne me sens pas toujours bien dans cette variation, il y a beaucoup de cambrés et il faut avoir une ceinture abdominale bien gainée. Mais c’est un plaisir de danser dessus, avec la musique de Vincent Isler. Le choix de la musique est très important aussi pour se sentir bien.

 

Comment se sont passés vos premiers jours au Prix de Lausanne ? (ndlr : l’interview a eu lieu le mardi 1er février au soir).

Le dimanche, le premier jour, je n’étais pas stressé. Je partais dans le même esprit que lors d’un stage, ça l’est un peu d’ailleurs, comme s’il n’y avait rien au bout. Pendant le cours, j’ai pris la température, j’ai vu le niveau qui est très haut, ce que les autres font et ce que je dois faire pour me démarquer. C’est irréaliste d’y être, c’est difficile de croire que je fais partie des 70 candidat-e-s sélectionnée-s. Les deux jours suivants, nous avons eu nos cours de danse devant le jury. Le cours de classique a été un peu stressant, même si je commence à avoir l’habitude d’avoir des caméras autour de moi, une équipe me suit pour un reportage sur les 50 ans du Prix de Lausanne qui aura lieu l’année prochaine. En danse contemporaine, Armando Braswell nous a tout de suite mis sur une improvisation, il fallait donc mettre les pieds dans le plat, sinon on reste bloqué. C’est ce que j’ai fait. À la fin du cours, il nous a dit : « Les devoirs pour ce soir, c’est de vous demander comment faire pour mieux danser demain« . J’ai beaucoup aimé. J’y pense pendant les cours, comment faire mieux, mais je n’y pense plus forcément le soir après la danse.

 

Vous avez déjà pu avoir votre coaching pour la variation contemporaine. Comment s’est-il déroulé ?

Je suis le seul à avoir pris Unravel dans mon groupe, j’ai donc eu du temps seule avec la chorégraphe Maya Smallwood. C’était incroyable, un moment privilégié que tout le monde n’a pas, il y a parfois sept ou huit candidats sur une variation. Elle m’apporte beaucoup de choses, même si j’ai le même temps de répétition que tout le monde. Maya Smallwood m’a conseillé de remplir beaucoup plus l’espace et d’avoir les mains plus expressives. Sa variation est dans le « bizarre », les mains entrent beaucoup en jeu pour ce sentiment. Et il faut voir ma personnalité dans la chorégraphie.

 

Quelles sont vos qualités pour vous démarquer ?

C’est compliqué ! Je suis à l’aise dans tout ce qui est lent et sur les équilibres, aussi sur les pirouettes. Par exemple, j’aime la grande variation lente de Désiré du deuxième acte, ou la variation lente de Siegfried du Lac des cygnes. Je peux faire d’autres variations, mais je suis plus à l’aise là-dessus.

Au Prix de Lausanne, il y a beaucoup de candidats asiatiques dans mon groupe, qui sont très forts, très explosifs, c’est incroyable de les voir. Mais moi, je peux avoir pour moi la propreté du mouvement. J’ai travaillé quatre ans à l’Opéra de Paris, j’ai appris cette propreté et j’essaye de la mettre en valeur au Prix de Lausanne. Mes quatre ans à Nanterre m’ont appris à vivre avec d’autres danseurs, de prendre des classes avec d’autres danseurs avec qui nous avons un but commun. La compétition est là, mais dans le bon sens du terme. Quant à la technique, ça m’a vraiment apporté la propreté dans la danse, que vont parfois moins chercher d’autres écoles. Mon professeur m’a justement dit : « Sois fier de représenter la France, c’est ça qui va marquer les gens« . J’aurais toujours cette propreté que l’on m’a apprise, maintenant il faut que je m’en serve pour avancer.

 

Vous avez plus de 80 K followers sur Instagram. Cette présence sur les réseaux sociaux est importante pour vous ?

J’ai en fait beaucoup grossi mon compte pendant le premier confinement, surtout via TikTok. Mais je m’imposais un rythme beaucoup trop intense, je postais trois vidéos par jour. Ça me prenait autant de temps que la danse. J’ai donc beaucoup réduit mes activités sur les réseaux sociaux et je ne montre maintenant que ce dont j’ai envie.

Prix de Lausanne 2022 – Julien Fargeon (414)

Quel est votre état d’esprit en quelques mots ?

Je suis épanoui et heureux ! En sortant du cours de danse mardi, j’étais vraiment heureux, j’avais fait une bonne classe, j’étais apaisé et content de ce que j’avais fait. Et je pense que c’est le plus important. Je me sers de ça pour m’améliorer le lendemain. On verra ensuite si je passe en finale, chaque jour suffit sa peine. Arriver ici est déjà incroyable.

 



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