Olivia Lindon : « J’aime le côté décalé et rock de Philippe Decouflé »
Vous souvenez-vous d’Olivia Lindon ? Jeune danseuse classique free-lance, elle avait épaté la Toile pendant le confinement de 2020 avec sa série de vignettes autour du cinéma, rendant hommage en dansant et avec humour aux chefs-d’œuvre du septième art. Trois ans plus tard, Olivia Lindon est danseuse-interprète dans le spectacle Stéréo de Philippe Decouflé, du 4 au 22 octobre à La Villette puis en tournée. Elle nous parle de ce spectacle, à la fois concert de rock et spectacle de danse, où la musique se mêle à l’humour, au cirque et à la performance. Rencontre avec une danseuse tous azimuts.
On vous a découvert sur le net avec votre Journal du Confinement. Une fois la crise du Covid passée, vous avez dansé dans les spectacles de Karl Paquette Mon premier Lac des cygnes et Casse-Noisette, et tourné dans la saison 2 de L’Opéra. Comment vous êtes-vous retrouvée sur Stéréo de Philippe Decouflé, un univers si différent ?
J’ai répondu à une annonce, qui ne correspondait en rien à ce que j’étais ! On demandait des « Danseurs-acrobates-musiciens », je ne sais pas jouer d’un instrument, je ne sais pas faire d’acrobatie… Mais j’y suis allée les yeux fermés parce que j’avais vraiment envie de travailler avec Philippe Decouflé. L’annonce demandait une vidéo. J’y dansais en parlant de mon parcours, en racontant que je ne savais pas faire tout ce qui était demandé mais que j’avais envie de travailler avec lui.
Lors de l’audition à laquelle j’ai été invitée, je suis restée jusqu’à la fin. Nous n’étions plus que deux et je n’ai pas été prise. Mais l’on s’était très bien entendu avec Philippe Decouflé, il m’a contacté par la suite et on a travaillé sur un autre projet. Stéréo s’est monté en juin 2022. Un an plus tard, pour les dates aux Nuits de Fourvière, il a voulu agrandir le spectacle pour le rendre un peu plus fou. C’est là qu’il a rajouté deux danseurs, Pierre Boileau et moi-même, ainsi que des musiciens. Et le spectacle a gardé cette forme pour la tournée.
Qu’est-ce qui vous attirait dans l’univers de Philippe Decouflé ?
J’adore la modernité de son travail. Dans un spectacle de Philippe Decouflé, l’on reconnaît à la fois sa signature comme on découvre quelque chose de nouveau. J’aime son côté décalé et rock, son humour. Il aime mélanger les différents talents et c’est très excitant.
Avec ma vidéo pour l’audition de recrutement, j’ai aussi envoyé mon Journal du Confinement (ndlr : 56 pastilles vidéo qu’elle avait réalisées chez elle pendant le confinement, autour du cinéma). Il a pu voir que, malgré mon peu d’expérience de danse contemporaine sur mon CV, j’avais cette capacité à faire plein de choses. Ainsi qu’une passion pour le cinéma, parce que Philippe Decouflé a un univers très cinématographique. Il est curieux et audacieux, il n’a pas eu peur de mon manque d’expérience dans ces domaines. Les chorégraphes contemporains qui font confiance à des danseurs et danseuses de formation classique sont rares aujourd’hui.
Le rock est une musique avec laquelle j’ai grandi et que j’adore
Comment arrive-t-on à se faire une place dans un projet déjà existant, et avec une troupe comprenant des interprètes emblématiques de Philippe Decouflé ?
C’est toujours une appréhension quand on intègre un groupe déjà construit et une création bien rodée. Mais l’équipe m’a accueillie d’une formidable façon, j’avais pu travailler avec eux sur d’autres projets et ils ont tous fait un pas vers nous. Ces danseurs et danseuses sont une source d’inspiration. Et puis dans cette équipe, dans la manière de travailler de Philippe Decouflé, les choses sont dites très naturellement et avec beaucoup d’honnêteté. Le travail en devient très efficace, on va tout de suite dans la bonne direction de travail. Ses interprètes emblématiques sont très habitués à cette manière de fonctionner, cela apporte une rapidité et une efficacité au travail très agréable.
Philippe Decouflé avait en tête les nouveaux tableaux qu’il voulait amener en nous intégrant à la pièce. Nous avons donc aussi participé à des moments de création, tout en ayant une base très construite qui nous permettait de nous intégrer facilement. Nous avons vraiment créé quelque chose ensemble.
Comment décririez-vous le spectacle Stéréo ?
L’on pourrait dire que c’est un concert de rock dansé… Mais ce n’est ni un concert de rock, ni un spectacle de danse : les deux fonctionnent vraiment ensemble et c’est pour cela que c’est intense. Le rock est une musique avec laquelle j’ai grandi et que j’adore ! Danser sur Oh! Darling des Beatles, c’est un plaisir. Stéréo est aussi un spectacle qui est drôle, qui nous fait du bien, avec une belle énergie et de la joie. On en sort avec le sourire et une pêche d’enfer. Si l’on fait le rapprochement avec le cinéma, le spectacle est un peu comme un film qui nous embarque du début à la fin : faites nous confiance pendant 1h30.
Chaque interprète sur scène a sa propre identité. Comment avez-vous construit la vôtre ?
C’était un vrai challenge parce que, pour la première fois de ma vie ou presque, je devais arriver sur scène avec ce que je suis, et de l’assumer. Je me suis construit un personnage avec des références très rock et punk, des influences comme la danseuse Karole Armitage .J’ai voulu utiliser mon physique, petite et fluette qui ne prend pas l’espace, et jouer avec ça en étant un peu désarticulée, en faire quelque chose d’à part. J’ai ce côté discipliné de la danse classique, dont j’essaye de m’extraire petit à petit, qui est d’être toujours dans la recherche du perfectionnement du mouvement. Ce que j’apprends dans cette pièce, c’est à aller plus loin que ça, d’assumer le côté fun et débordant.
Dans Stéréo, Philippe Decouflé mêle le rock, la danse contemporaine, les acrobaties, mais aussi la pointe, notamment avec vous. Quelle est sa façon à lui d’utiliser ce chausson ?
La pointe est souvent vue comme quelque chose de délicat et d’aérien. Lui recherche ce qu’elle peut amener d’autres : une énergie, quelque chose de piquant, de plus incisif, le son qu’elle produit, la puissance que l’on peut avoir grâce à sa forme, son bruit, sa dynamique.
Qu’est-ce que ce spectacle vous a apporté ?
Je sens que je suis constamment en train de travailler, et je trouve ça formidable. Cela a vraiment changé ma vie : je me retrouve à faire des choses qui me semblaient peu possibles, comme chanter, intégrer des notions de jeu, faire des tableaux très différents et switcher d’état rapidement. Je ne pensais un jour être dans un spectacle de Philippe Decouflé. C’est un vrai bonheur d’être là et je n’ai pas de complexe.
Je suis extrêmement fière de mon Journal du confinement
Quels sont vos projets pour la suite ?
Ma saison 2023-2024 est bien remplie : j’ai la tournée de Stéréo jusqu’en mai et je serai sur Mon premier Casse-Noisette de Karl Paquette au Théâtre Mogador dès le 18 novembre. J’aimerais pouvoir continuer à travailler avec Philippe Decouflé, cela m’épanouit énormément. Il y a aussi le rêve depuis toujours de faire du cinéma. Et j’aimerais faire des claquettes, danser, chanter, jouer… J’aimerais faire tant de choses !
Et quel regard portez-vous avec le recul sur votre Journal du confinement ?
Je suis extrêmement fière de l’avoir fait. Je me demande encore comment j’ai réussi ! Il y avait une espèce d’innocence, on n’a pas réfléchi et on s’est lancé. Ce Journal a été fait avec énormément de contraintes. Et c’est finalement beaucoup plus facile de s’exprimer quand on a des contraintes que quand on est entièrement libre et qu’il faut faire des concessions parce que l’on peut faire trop de choses. Se structurer devient une aide. Si tout cela se reproduisait, est-ce que je serais capable de refaire un tel projet ? On a rarement 65 jours devant nous sans aucune contrainte ni obligation, si ce n’est celle de rester chez soi… Et j’espère bien que cela n’arrivera plus ! Mais j’ai vraiment envie de continuer et de faire d’autres Journaux, sur d’autres thèmes.
Stéréo de Philippe Decouflé, du 4 au 22 octobre 2023 à La Villette à Paris, en tournée du 7 décembre 2023 au 19 mai 2024.
Mon premier Casse-Noisette mené par Karl Paquette, du 18 novembre 2023 au 25 février 2024 au Théâtre Mogador.