Rencontre avec Anne-Marie Pol pour son livre Ballerina
Sorti au cinéma le 14 décembre, le dessin animé Ballerina a été adapté en même temps en roman. Il a été écrit par Anne-Marie Pol, auteure de nombreux livres jeunesse sur la danse. La série Danse ! et son héroïne Nina ou Le Sang des étoiles sont de sa plume. Rencontre avec une écrivaine passionnée aussi bien d’écriture que de danse.
Votre livre Ballerina est une pure invention ou suit-il le scénario du film ?
Laurent Zeitoun, le producteur et scénariste du film, m’a confié cette adaptation car il tenait absolument à ce que j’en sois l’auteure, et j’en ai été très heureuse. Le livre suit complètement le film, je suis restée au plus près du scénario. Même les dialogues sont parfois les mêmes. Je pense que les enfants qui ont aimé le film auront envie de retrouver ce qu’ils ont vu. Faut-il ensuite commencer par le livre ou le film ? Je ne sais pas, je pense que ça dépend des enfant et la façon dont ils ont été saisis par l’histoire.
Comment laisse-t-on aller son imagination quand tout est déjà très cadré ?
Je me suis vraiment approprié le personnage, comme s’il était à moi dès le départ. Ce fut un travail très amusant pour moi, même si Félicie a réussi à me faire pleurer. Il fallait que je glisse dans l’écriture ce qui rend un roman chaleureux et intéressant : les émotions, les impressions, tout ce qui n’est pas dans le scénario.. Et c’est ça qui est intéressant. J’ai donc retrouvé ce que j’aime : me mettre dans la tête des personnages. C’est aussi pour ça que j’écris souvent à la première personne.
Comment se met-on dans la tête d’une petite fille de 11 ans ?
Je ne sais pas (sourire). Je pense que je me souviens de ce que j’étais à cet âge-là, de ce que j’aimais ou de ce que je n’aimais pas, de ce que j’éprouvais. Je pense que les gens qui écrivent pour la jeunesse sont restés en relation avec leur enfance.
Pour vous, qui est Félicie, l’héroïne du dessin animé et du roman ?
Félicie est l’éternelle battante. C’est une petite fille qui est seule au monde, elle est orpheline. Elle a 11 ans mais au fond, elle a des réactions d’adulte comme le sont tous les enfants meurtris. Elle a ce rêve de danser. Elle représente vraiment l’héroïne courageuse et intemporelle, avec toutes les qualités dont on a besoin dans la danse : la persévérance et un petit grain de folie. Elle est la danseuse éternelle, elle pourrait exister à toutes les époques. C’est un très beau personnage.
En quoi Félicie peut-elle ressembler à Nina, le personnage de votre série Danse ! ?
Félicie me rappelle Nina, elles ont la même détermination. Elles sont seules et elles se consolent de la mort de leur mère par la danse. Félicie a cette petite boîte à musique qui lui vient de sa mère, Nina avec son petit médaillon. Elles sont dans la même démarche.
Il y a dans le film beaucoup d’anachronisme concernant la danse. Dans vos romans, vous restez toujours très réaliste. Comment vous êtes-vous accommodée de ces incohérences ?
Il n’y en a pas dans mon texte, je n’ai pas pu les laisser. J’ai même rajouté un glossaire historique pour que les enfants puissent voir quelques dates après avoir vu le film. Personnellement, j’ai pris cette histoire comme un conte de fées. Il y a d’ailleurs la fée avec Odette, que j »appelle la fée boiteuse, et la sorcière avec l’horrible maman d’élève. Et quand on est pris par l’émotion, on laisse tomber tous ces anachronismes, même si je ne les ai pas laissés passer dans le livre. Les enfants que je rencontre en dédicace me disent en tout cas qu’ils ont beaucoup aimé l’histoire de Félicie. Finalement, nous rêvons tous.tes d’anachronismes, nous aimerions que les choses soient plus simples et que l’on puisse danser merveilleusement après huit jours d’effort. Et j’ai pris soin que le.la lecteur.rice comprenne dans le livre ce que Félicie deviendra, pas ce qu’elle fait. C’est ça qui est important.
Pourquoi avez-vous écrit pour la jeunesse ?
Mon premier roman était pour la jeunesse. Je pensais que j’allais ensuite évoluer et écrire pour les adultes, mais il est difficile de sortir de ce créneau. Et au fond, j’aime profondément l’âge des personnages que je représente. J’aime ce moment entre 13 et 15 ans où tout se décide et où on a encore beaucoup de rêves. Je m’inspire de mes souvenirs, de mes émotions et de mes propres rêves d’adolescente, mais aussi de faits-divers (l’empoisonnement de Nina, par exemple, dans la série Danse !). Un visage aperçu dans la rue ou sur un journal peut devenir le déclencheur d’une histoire.
Et pourquoi écrire sur la danse ? Comment êtes-vous venue au ballet ?
Ma mère m’a donné l’amour de la danse en m’emmenant très tôt voir des ballets. J’avais d’ailleurs saccagé mes bottines en dansant sur pointe avec et j’ai été très amusée de voir que Félicie danse elle aussi sur la pointe de ses bottines. Ce que j’aime dans la danse, c’est l’idée de l’effort quotidien, de ne jamais être arrivé. Il y a toujours quelque chose à parcourir. C’est un peu comme l’écriture, je compare d’ailleurs beaucoup les deux. On peut avoir du succès, mais il fait toujours tout remettre en cause. Et comme dans la danse, il faut écrire tous les jours. Plus on écrit, plus ça vient !
Comment écrit-on pour la jeunesse ?
Quand on écrit pour les enfants ou les adolescent.e.s, les livres que nous avons lus plus jeune remontent à la surface. Je me suis ainsi rendu compte de l’importance de ce qu’on lit quand on est enfant. Personnellement, j’ai lu énormément, j’ai été marquée par L’Auberge de l’Ange gardien, Peter Pan, Les Quatre filles du Docteur March, Le Grand Meaulnes, la série des Alice. Ma grand-mère avait chez elle d’anciennes éditions de la Comtesse de Ségur avec de magnifiques dessins à la plume. Tout cela nourrit l’imaginaire. Et en tant qu’enfant, les personnages de roman m’ont été d’une grande aide. Je me disais : « Si lui a pu faire ça, pourquoi pas moi« .
Vos héroïnes, Léonor du Sang des étoiles et Nina de la série Danse !, ne sont pas à l’Opéra, elles n’ont pas un parcours facile. Pourquoi ce choix ?
Quand j’ai écrit Le Sang des étoiles, je ne connaissais pas le monde de l’Opéra. Et j’aime parler de ce que je connais. Ce que j’aime, c’est le réalisme. Au début, quand j’écrivais un enchaînement de pas, je demandais toujours à mon professeur s’il était faisable, en me disant que mes petites lectrices essayeraient de le faire à leur tour. Pendant la série Danse !, je prenais un cours à midi et je me retrouvais dans les vestiaires avec les jeunes danseuses l’école du ballet Stanlowa. Il y a des dialogues que j’ai relevés intérieurement et qui ont vraiment été pris sur le vif. Et puis j’apprécie me glisser dans la tête de danseuses anonymes, qui ne sont pas dans les plus grandes écoles.
Revenons plus particulièrement sur Nina. La série de livres Danse !, dont elle est l’héroïne, compte 40 tomes et un énorme succès. Comment ce personnage vous est-il venu ?
Nina, c’est un peu le rêve que j’aurais pu avoir d’être une danseuse comme elle. J’avais en fait été frappée par une jeune danseuse qui était à l’école Stanlowa, Sonia Aguilar. Elle était ravissante et elle avait 13 ans. On m’avait dit qu’elle avait eu une vie difficile, qu’elle est orpheline de mère, ce qui est le point de départ de Nina. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai demandé à ce que ce soit Sonia Aguilar qui fasse les photos de couverture lors de la première édition. Beaucoup de mes personnages sont souvent orphelins, moi-même je suis la fille de deux orphelins. Léonor du Sang des étoiles n’est pas orpheline, mais elle vit seule car son père ne veut pas qu’elle danse.
Et comment arrive-t-on à inventer 40 tomes ?
Et bien c’est comme la vie, on ne sait pas ce qui va nous arriver dans une heure. Je ne savais pas au fur et à mesure ce qui allait arriver à Nina. Le personnage m’étonne d’ailleurs souvent, ses répliques m’amusent. Et j’aime que l’histoire me surprenne. Au fond c’est un travail sur l’inconscient. Au bout de 40 tomes, Nina allait avoir 15 ans, elle était plus grande que ses lectrices. Il y a un moment où il faut s’arrêter ! Quelque part, Le Sang des étoiles pourrait être la suite de Danse ! même si ça a été écrit avant, Léonor ayant 16 ans. Pour Nina, c’est terminé… Pour le moment (sourire).
Qu’aimeriez-vous transmettre à vos lecteurs et lectrices ?
Que la vie est belle et qu’il faut se battre pour ce que l’on aime. Qu’il faut essayer d’arriver, d’une manière ou d’une autre, à réaliser ses rêves. J’aime beaucoup ce rôle de « passeur » dans mon métier d’écrivaine pour la jeunesse. Concernant Nina, mes lectrices me disent souvent : « C’est fou ce que ce personnage m’a encouragée« . Et ça, ça me plaît beaucoup. Un livre peut structurer quelqu’un.
Entretien réalisé par Amélie Bertrand et Jade Larine.
sandra
merci pour cet interview ! J’ai lu pendant de nombreuses années avec passion la série danse donc ça me rappelle de très très bons souvenirs …
Sait-on ce qu’est devenue Sonia Aguilar? Elle a dansé au royal ballet de Birmingham c’est tout ce que je sais
Jessica
Sonia Aguilar s’est mariée et a deux petites filles 🙂
Aventure
Merci pour cette interview, j’ai dévoré la série Danse quand j’étais enfant et je reste très attachée à cette sympathique héroïne ! J’avais lu d’autres livres d’Anne-Marie Pol également, qui transmet sa passion aux enfants avec réussite !