Cinq questions à Céline Nunigé, danseuse au Ballet du Rhin, qui danse Charlot dans le ballet « Chaplin » de Mario Schröder
Le Ballet du Rhin fait entrer à son répertoire Chaplin de Mario Schröder, ballet néo-classique sur le parcours du célèbre cinéaste, à voir à la Filature de Mulhouse du 2 au 4 février. Le ballet repose sur le duo Chaplin-Charlot, l’homme et son double de fiction. La danseuse Céline Nunigé est l’une des interprètes de Charlot, qu’elle interprète avec beaucoup de finesse et de poésie. Elle évoque ce rôle si particulier, où il faut à la fois reproduire une démarche si emblématique tout en l’habitant et le rendant réel.
Que représente Charlot dans le ballet de Mario Schröder ?
C’est le personnage public de Chaplin. Le ballet suit l’histoire du cinéaste, sa vie défile dans différentes séquences. Chaplin et Charlot sont ensemble, on les voit traverser les différentes étapes de la vie du réalisateur. L’un est le reflet de l’autre, tous les sentiments de l’un passent au travers de l’autre. Chaplin est peut-être plus introverti, tandis que Charlot reste plus expressif. L’on peut ainsi lire tous les sentiments de Chaplin à travers Charlot.
Comment avez-vous construit votre duo avec Marin Delavaud, qui danse Chaplin ?
On en a beaucoup discuté. Nous avons commencé par apprendre les rôles entre nous. On a beaucoup parlé des personnages, on s’est documenté sur Chaplin, on a regardé ses films pour nourrir notre interprétation. Puis les choses se sont faites en pratiquant et répétant beaucoup, c’est comme cela que la relation se noue. Sur scène, nous essayons toujours d’être vraiment connectés. On se parle avant le spectacle, on essaye des choses et on se réinvente chaque soir, par rapport à nos humeurs, à nos actions, à ce que l’autre propose et comment on y répond.
Comment décrire la démarche si particulière de Charlot ?
Forcément, Charlot a une canne et un chapeau. Et tout cela nourrit une certaine gestuelle. On peut beaucoup jouer avec le chapeau, tourner la canne. On a aussi une démarche particulière avec le pantalon trop large, la veste trop serrée. On marche toujours en dehors, un peu étriqué en haut et un peu toujours sur plié en bas. C’est ce qui donne toute cette démarche particulière.
Et comment se l’approprie-t-on ?
Ma première démarche a vraiment été de regarder les films et d’essayer de capter toutes les petites mimiques, les petits gestes et la démarche qui font que Charlot est drôle et touchant. Ensuite le chorégraphe Mario Schröder m’a beaucoup parlé des sentiments de Chaplin, de son vécu, du fait qu’il ait vécu dans la rue. Donc tout ce qui nourrit aussi Charlot, nourrit une certaine gestuelle et rend le personnage attachant. Charlot peut vraiment avoir des mimiques enfantines, il essaye toujours d’être très proche des gens. Sur scène, Mario Schröder m’a dit : « N’essaye pas de faire une poupée et d’imiter des gestes. Essaye d’aller vraiment au contact avec les gens, d’aller chercher leur regard, et toute l’énergie qu’il peut y avoir sur scène« .
Le plus difficile a été de m’approprier le personnage et de le vivre. De faire vivre toute cette gestuelle, de vraiment l’habiter et ressentir les choses. Ce qui était drôle, c’est qu’au fur et à mesure que je travaillais le rôle, je me rendais compte que, même dans la vie en-dehors du théâtre, je me mettais à faire des petits gestes de Charlot. À force de penser et d’exagérer tous ces petits moment du quotidiens, on finit par être complètement habité par le personnage, même en dehors de la scène. Charlot peut parler à tout le monde, il est très actuel.
Les accessoires, le chapeau et surtout la canne, sont très importants dans la chorégraphie. Comment s’est fait ce travail ?
Au début, ce n’était forcément pas facile. Avec une canne, quand on n’a pas l’habitude, on peut vite être assez gauche, ce n’est pas pratique. Mais plus ça va, et plus on l’utilise. On s’appuie dessus, on attrape des choses ou on tape les gens avec, on la plie… On peut faire pleins de chose. Jouer avec cette canne fait entièrement partie du personnage. À la base, cette canne a été trouvée sur un marché aux puces pour la création du ballet en Allemagne, en 2010. Le Ballet du Rhin a essayé d’en faire une, mais ce n’est pas facile parce qu’il faut que le poids soit réparti à un certain endroit. On se sert de la canne pour attraper les autres, elle ne doit pas casser… Mais elle doit rester assez souple pour tout ce que l’on a à faire. Les cannes fabriquées chez nous étaient très solides et ne cassaient pas, mais elles étaient trop épaisses. Finalement, nous faisons donc les spectacles avec la canne d’origine.
Chaplin de Mario Schröder par le Ballet du Rhin, à voir à la Filature de Mulhouse du 2 au 4 février.