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[INTERVIEW] Graines d’étoiles : « C’est la parole des enfants qui construit le film »

Arte a sorti en DVD un nouveau documentaire sur l’École de Danse de l’Opéra de Paris, Graines d’étoiles. Rencontre avec la réalisatrice Françoise Marie, qui s’est immergé pendant un an avec les Petits Rats de l’Opéra.

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Comment êtes-vous arrivée sur ce documentaire ?

Ça m’est tombé dessus un peu par hasard. Je n’ai jamais fait de danse classique, je suis plutôt du genre arts martiaux, j’ai d’ailleurs fait un documentaire là-dessus. Je suis vraiment intéressée par le mouvement, filmer le corps en mouvement, où est-ce qu’on cherche les points d’appui. Mais ce n’est pas pour ça que j’ai fait ce film. C’est la production, avec laquelle je n’avais jamais travaillé, qui m’a appelé en me disant qu’elle avait pensé à moi. J’avais déjà fait des documentaires sur les enfants et les adolescents, ils devaient penser que je serais à l’aise avec cet univers. Ils ne se sont pas trompés.

 

Graines d’étoiles est un projet d’Arte ou de l’Opéra de Paris ?

Le film émanait d’une demande conjointe entre Arte et l’Opéra de Paris. Je crois qu’ils avaient depuis longtemps cette idée. Au départ, Brigitte Lefèvre voulait faire quelque chose comme l’École de Danse et la première année dans le corps de ballet. Mais cela faisait beaucoup, et ce n’est pas du tout la même énergie de filmer à l’École et l’Opéra. Il faut s’immerger dans un autre milieu, se faire accepter, gagner la confiance… Finalement, c’est devenu un film uniquement sur l’École de Danse.

 

Quelles ont été les demandes d’Élisabeth Platel, la directrice de l’École de Danse ? 

Il y avait d’abord des réserves à tout filmer, comme l’examen d’entrée dans le corps de ballet. C’est très compliqué de filmer l’École de Danse. Élisabeth Platel m’a demandé de ne m’attacher à aucun élève en particulier, ce en quoi j’adhère totalement. La caméra modifie l’environnement dans laquelle elle tourne. Je me suis mis à la place des élèves : si j’étais filmée tout le temps à chaque cours de danse, je deviendrais folle ! (rires), pour ceux et celles qui sont filmés comme ceux et celles qui ne sont pas filmés. Quand on balance un regard sur une personne en particulier dans un groupe, on perturbe le groupe. Ce n’est pas possible de faire ça pour moi. Sur un film de cette longueur, ça ne me semblait pas approprié.

 

Il y a pourtant des élèves que l’on voit plus que d’autres à l’image…

Je ne voulais pas privilégier des élèves. Mais certains étaient plus bavards, venaient plus facilement vers moi, s’exprimaient très bien. D’autres étaient plus timides, moins à l’aise. Il y a des sympathies qui se créent. Après, il y a aussi ceux qui sont en internat, et donc plus facile à interviewer au niveau du temps.

 

C’est Élisabeth Platel qui avait le dernier mot ?

Élisabeth Platel avait le « final cut ». S’il y avait quelque chose qui ne lui plaisait pas, c’est elle qui décidait. Elle s’en est servi une fois, ça ne concernait pas le fond, c’était plus pour protéger les élèves. Le reste portait plus sur la promotion de l’École : elle tiquait sur une photo où un enfant avait un lacet défait, des choses comme ça. Mais elle m’a laissée très libre. Brigitte Lefèvre regardait tout elle aussi, mais faisait confiance à Élisabeth Platel. Elles visionnaient toutes les deux devant nous. Elles nous ont demandé des toutes petites choses, des détails informatifs sur l’École que l’on donnait dans la voix off, vraiment de petits trucs.

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Ce n’est pas compliqué de travailler dans ces conditions ?

C’est un exercice très subtil. Je pense que la complexité n’est pas la complication, qu’on peut dévoiler plein de chose tout de même. Mais franchement, je comprends qu’elles surveillent. Moi, je me fais confiance, mais c’est une responsabilité de prendre quelqu’un qui n’est pas connu. Brigitte Lefèvre donne rarement des autorisations. Elle l’a fait avec Frederick Wiseman (ndlr : pour son film La Danse, le Ballet de l’Opéra de Paris) et je pense qu’il a été largement cadré et recadré.

 

Quel est votre regard dans ce documentaire ?

Je ne me sens pas journaliste. J’ai fait un documentaire, pas un reportage. Je ne vais pas chercher de l’info. Je m’immerge dans un milieu, il émerge quelque chose qui vient de mon regard. Aujourd’hui, on assimile le documentaire à l’information, mais c’est faux. Qui dit information qui neutralité, ce en quoi je ne crois absolument pas. Ce documentaire, c’est une immersion, c’est mon regard. Personnellement, dénoncer et regarder ce qui va mal, ce n’est pas mon truc. J’aime plutôt regarder l’énergie, le groupe, comment il avance, comment fonctionne l’énergie du groupe. Et dans cette École, il y a une énergie particulière.

Un film a deux rôles pour moi : rendre une image à des gens qui se sont laissés filmer, leur rendre une image d’eux même. Et je sais que cette image, si elle est juste, va les porter encore plus loin, les aider à se construire, les faire rebondir. Et puis rendre une image aux gens qui regardent le film et qui n’y connaissaient rien. Au delà de l’École, il y a l’éducation, notre regard sur les jeunes. Pendant la projection, les gens étaient tous heureux, ils sont sortis avec de l’énergie. Je cherche ça aussi, chercher la bonne énergie. Ce qui ne veut pas dire qu’on est au pays des Bisounours.

 

Quelle image aviez-vous de l’École de Danse avant d’y rentrer ?

Je me disais que c’était un milieu très cadré. Tout l’est d’ailleurs, même les mouvements avec les positions. J’avais l’image d’un cadre doré, comme l’a représenté en fait le ballet D’Ores et déjà. L’énergie est ce qui m’a plu. C’est une ruche, ça court tout le temps. Un enfant tout seul ne ferait pas ce genre d’effort, c’est aussi l’émulation entre eux qui les fait avancer. Dès que l’un est fatigué, il voit les autres avancer, il se dit qu’il faut qu’il y aille aussi.

 

Graines d’étoiles tourne beaucoup autour des élèves, que l’on entend beaucoup parler. Comment se sont passées les interviews des enfants ?

Je tenais beaucoup à laisser la parole aux enfants. C’est la parole des enfants qui construit le film, c’est ce qui en fait sa vitalité. Je voulais que l’on sente la difficulté sans la faire porter par un seul élève. J’ai fait des petits papiers avec des questions écrites dessus que je leur donnais, ça évitait l’effet question de classe. J’ai commencé par les petits par groupe de deux ou trois, ils se répondent entre eux, parfois celui qui écoute est aussi intéressant que celui qui parle. C’est aussi ce qui crée cette vitalité. Interviewer les grands ensemble marche moins bien, ils s’auto-surveillent, ils se regardent. Ma difficulté a été de ne rien mettre dans cette série quelque chose qui puisse mettre un élève en difficulté. C’est très facile de faire dire à un enfant un propos qui est drôle ou croustillant. Mais il y a tellement peu d’élus, inconsciemment, tout ce qui peut être perçu comme un manque de motivation reste dans les esprits. Je ne voulais rien laisser qui pourrait toucher au destin des enfants, une parole qui les poursuivrait longtemps.

 

La maturité avec laquelle les élèves parlent de la danse est assez frappante…

C’est le fait de vouloir s’engager dans une voie avec une telle détermination, il faut avoir cette conscience de ce que l’on veut. C’est dur mais ils savent pourquoi ils le font. Cette dynamique conduit à la maturité.

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Les élèves que vous montrez sont tous très heureux d’être là, mais on sait que ça ne se passe pas forcément aussi bien pour tous. Pourquoi ne pas en avoir parlé ?

Ça aurait été comme un trou noir. Tout d’à coup, il y aurait eu un élève qui aurait attirer toute l’attention, et tout se serait focaliser sur lui. Il aurait eu une énorme charge à porter. Aucun d’entre eux n’aurait voulu ça.

 

Comment s’est organisé le tournage ?

Je venais souvent, j’ai tourné deux jours par semaine toute l’année, ce qui est énorme. Je venais au milieu des enfants, ça les a fait marrer, j’avais le temps d’être avec eux. Dès que j’avais un moment, et il n’y en avait pas tant que ça, je faisais les interviews : de 12h45 à 13h15 et en fin de journée, le soir à l’internat. Ce n’est pas beaucoup, et c’est bien de prendre son temps pour les interviews. Je pose la caméra, j’installe la lumière, je discute en même temps avec eux. J’ai commencé à faire les interviews dans le jardin, quand je faisais les petits papiers, ils étaient curieux. C’était au mois de septembre. Ça a amusé les petits, ça leur faisait plaisir de le faire par deux ou trois.

Mes après-midi là-bas étaient mine de rien assez courtes, de midi à 17 heures. Mais ça demande de la préparation, de l’organisation, d’étudier les plannings, d’installer la lumière. On était trois : un ingénieur du son et une assistante. Elle devait trouver les endroits pour les interviews. Il y a de gros problèmes de son dans le bâtiment, il y a peu d’endroit où on n’entend pas de bruit de fond. Le seul endroit était la salle Lifar, en bas, mais elle était souvent occupée. On avait une petite pièce qu’on avait aménagé et qu’on appelait notre boudoir, où l’on faisait nos interviews. Mais les fenêtres donnent sur l’esplanade, il y avait souvent du bruit de voiture. C’était difficile de trouver un endroit calme. On a jonglé. Les élèves interviewés sont donc souvent les internes, je n’arrivais pas à avoir les externes, sauf Alice que j’ai pu interviewer à l’heure du déjeuner. Il était d’autant plus difficile de parler avec les grands, ils travaillent beaucoup et ils n’arrêtent pas.

 

Il s’agit d’un long documentaire, six épisodes de 26 minutes. Comment l’avez-vous structuré ?

Au départ, il y a un cadre qui était à peu près clair, celui de venir régulièrement tout au long d’une année scolaire. On a regardé les grands événements de l’année : le Défilé, les Démonstrations, le spectacle et les examens. Après s’est posé la question de qui filmer. Pour le Défilé, c’était plus intéressant de s’intéresser au petit-e-s qui le découvraient pour la première fois. On leur donne des conseils, le-la spectateur-rice découvre plein de choses aussi. On voit donc surtout les petits et les grands, nous n’avons pas filmé les quatrièmes et troisièmes divisions. Il y a des événements différents selon les classes, et il ne se passe pas forcément grand chose dans ces niveaux, ils ne sont plus au stade de la découverte. C’était de plus intéressant d’avoir l’énergie des premiers pas, comme la petite de cinquième division qui ouvre le Défilé dans le premier épisode.

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La parole est peu laissée au professeur-e-s, si ce n’est dans le deuxième épisode. Pourquoi ?

Je me suis rendu compte dans le montage que, dès que l’on fait parler un peu plus les professeur-e-s, le film glissait vers un côté institutionnel et on perdait la vitalité, l’énergie. Il vaut donc mieux la parole des enfants que la parole des profs. J’ai volontairement restreint cette partie, on était trop dans le cadre. Et puis ce qui est intéressant avec les professeur-e-s, ce sont leur parcours, leur vision personnelle, ce qu’ils peuvent dire sur les répétitions, les voir en situation, en cours.

Ce deuxième épisode se concentre sur tous les clichés que véhicule l’École de Danse : le dur travail, une enfance difficile, une enfance volée, l’isolement… J’avais envie de me débarrasser de ça dans le deuxième épisode, que ce soit dit. Ces enfants travaillent beaucoup mais ils ne sont pas malheureux.

 

L’épisode trois porte sur les Démonstrations et les cours complémentaires, notamment le cours d’adage assez drôle…

L’épisode 3 est sur le mode de l’humour, donné par Wilfried Romoli qui donne aussi le ton. Tout le monde est traité de la même façon, tout le monde se plante.

 

Le quatrième épisode traite des différences entre les élèves de l’Opéra et les enfants qui ont une scolarité normale. Et le constat peut être un peu dur…

Les élèves sont dans un monde à part. Ils ont conscients d’être complètement privilégiés, et que la différence avec les autres s’agrandit. Ils travaillent la beauté et la grâce en permanence, la danse classique allonge les corps. Ils ont un port de tête, une façon de se déplacer, de se présenter, ils ont une grâce incroyable. Et de la même façon que les corps s’affinent, leur langage s’affine. Naturellement, ça déteint sur leur façon de parler. Ils s’expriment bien, ils ont une forme d’élégance aussi dans le langage, ça m’a frappé.

La seconde division en plein travail à Nanterre

 

Le sixième épisode est en grande partie centré sur le concours d’entrée dans le corps de ballet. Il est très rare de pouvoir filmer ce moment, comment avez-vous fait ?

Au départ, Élisabteh Platel ne voulait pas que je filme ce concours. Je me disais que je pourrais me débrouiller avec des plans de coupe… Mais le film allait perdre complètement en crédibilité si on ne montrait pas ce moment, celui vers lequel tous les élèves convergent. Même moi qui ne suis pas à l’aise pour filmer ce genre de chose, je sentait qu’il fallait le faire. Toute l’École tend vers ce concours. Au fur et à mesure de l’année, j’ai vu la joie, l’énergie, le plaisir qu’avaient les élèves. Si je ne filme pas l’examen d’entrée, qui est le paiement de tout ça, si je ne montre pas que tout ça a un prix, on est au pays des Bisounours.

Élisabteh Platel a réfléchit, elle a demandé à Brigitte Lefèvre, et elles m’ont dit finalement que ça leur paraissait évident à elles-aussi qu’il fallait montrer ce moment, même si personne ne l’aime. Élisabeth Platel m’a dit : « Tous les danseurs passent leur vie à entendre une clochette, leur nom, et à voir les résultats sur une porte ».

 

En tant que réalisatrice, comment se place-t-on dans ces moments où il y a beaucoup d’émotion ?

La question est : comment ne pas faire de mal tout en montrant la réalité ? J’en avais parlé aux élèves. Je voulais être loin, derrière la grille. Je déteste filmer des gens qui pleurent, j’ai horreur de ça. Et puis ce concours, ce sont aussi des élèves très contents à côté d’autres très déçus. Mais il faut montrer la réalité. J’ai essayé de les filmer de façon furtive ou en plan large. Ça reste bref, on voit que les élèves sont entourés. J’ai su que certains m’ont en voulu. Mais c’était important.

 

Et pour filmer les examens de fin d’année à l’École de Danse ?

Les examens ne m’était pas refusés. Mais depuis le début, j’appréhendais ce moment. On m’avait dit qu’à l’affichage des résultats, c’était horrible, il y avait des cris. Toute l’année, j’en parlais aux élèves. J’étais malheureuse de filmer ça par avance. Et puis finalement, ça allait. Les examens se sont déroulés sur deux jours, il y avait donc peu de monde devant la grille, et pas tant de bruits. Les résultats sont publiés sur Internet, les bons élèves, qui savent qu’ils restent, n’attendent donc pas les résultats. Et ceux qui partent s’y attendaient, comme Pascal. Élisabeth Platel les avertit en cours d’années, elle prévient les parents. Paradoxalement, ceux qui pleuraient étaient ceux qui restaient mais qui pleuraient pour ceux qui partaient. C’était aussi un exemple de la caméra qui modifie l’environnement, les élèves s’étaient préparés à ma présence.

 

Le DVD se termine sur un bonus, avec le concours d’entrée pour le petit stage…

Au départ, je voulais mettre l’examen d’entrée dans l’épisode trois, avec les Démonstrations, mais ça ne tenait pas. On en a fait un bonus. Il y a une véritable volonté d’Élisabeth Platel d’ouvrir l’École, de la rendre plus transparente. Elle sait qu’il y a une réputation de dureté, qu’elle veut un peu casser. Pour cet examen d’entrée, les enfants sont impressionnés, mais on voit que ce n’est pas horrible.

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Qu’est-ce qui a été compliqué dans ce découpage ?

La difficulté a été de croiser la chronologie et les thèmes. Les épisodes deux et quatre sont thématiques, les autres chronologique. C’était compliqué au niveau du montage, que j’ai commencé en cours de route, en février. Il y avait encore des interviews que je n’avais pas faite. Le deuxième épisode a ainsi été beaucoup modifié.

Comment avez-vous réfléchi à la question de filmer la danse ?

Au début, j’ai filmé caméra à l’épaule. Mais je me suis très vite rendu compte qu’il fallait que je filme sur pied. Il fallait que ce soit beau, élégant, que l’on oublie la présence de la caméra. Filmer à l’épaule était en plus très dérangeant pour suivre le mouvement. Au bout d’une semaine, j’ai changé. Sur pied, c’est plus compliqué, il faut se placer, s’installer. Je ne peux pas demander au professeur de refaire un exercice pour que je filme dans un autre angle. J’ai donc un peu triché dans le montage, dans les raccords. La monteuse s’est arraché les cheveux entre les raccords de prise, les raccords de musique… Le montage a été long. Mais filmer le mouvement est venu naturellement. Quand on aime cadrer, l’École de Danse est un lieu magique. L’architecture est très belle, l’escalier est beau, le bâtiment est beau, les parquets sont beaux… Et il y a toujours une petite fenêtre, un éclat de lumière quelque part qui construit le cadre.

 

Il y a des thèmes que vous auriez voulu aborder plus en profondeur ?

Il y a des choses où je me suis dit qu’il me fallait un peu de temps pour les développer. Parler un peu plus des blessures par exemple. Mais c’était mon regard, c’était compliqué. Et puis la question de qui se blesse, aller voir un enfant, s’intéresser à lui parce qu’il s’est blessé, c’était bizarre. J’en ai parlé avec Stéphane en premier division, qui s’est blessé souvent. J’ai parlé d’Ida aussi, et puis ça suffisait.  

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Qu’est-ce qui n’est pas du tout abordé, et ce dont, avec le recul, vous auriez aimé parler ?

Certains élèves m’ont raconté qu’ils regrettaient qu’au niveau de l’encadrement, on on ne les aide pas plus à se présenter ailleurs. Mais ils me l’ont dit qu’après, une fois le film terminé. On ne les aide pas à envisager autre chose que l’Opéra de Paris. Jacques Namont, le professeur des premières divisions garçons, leur dit que certains sont dans d’autres compagnies, mais les élèves ne visent que l’Opéra. C’est une fois qu’ils ne rentrent pas qu’Élisabeth Platel les aide, passe des coups de fils.

J’ai filmé Antonio qui se présentait à une audition à Vienne. Il a fait ce qu’il fallait, il était très organisé, il l’a fait tout seul, il était aussi plus prêt que les autres. Quand j’ai posé la question à d’autres élèves, certains m’ont dit : « Si je n’ai pas l’Opéra, je n’ai rien« . Mais je n’ai pas eu le temps de le traiter, ça ne tenait pas. 26 minutes par épisode, c’est dur ! Pour le sixième épisode, on a essayé de faire rentrer plein de choses, mais à un moment il faut choisir. Je ne fais pas un film sur la première division, mais sur tout l’École : il y a tous les examens à traiter, la fête de l’École, le concours d’entrée.. Je savais déjà que cet épisode serait sur le temps de épreuves, mais il aurait fallu 26 minutes rien que sur les premières divisions.

Je n »ai pas découvert ça tout de suite, je ne me rendais pas compte quand je filmais qu’il n’y en aurait si peu qui rentreraient dans le corps de ballet. Je crois en fait qu’ils ont un emploi du temps tellement chargé, le spectacle, les Démonstrations, la fête de l’École, le bac, le concours… Si on leur dit en même temps d’aller passer des auditions ailleurs, ça perturbe tout. Et puis quand ils entrent en première division, ils ne sont pas forcément prêts à aller voir ailleurs.

 

Quelle était votre vision des Petits Rats avant de découvrir l’École, et quelle est-elle maintenant ?

Quand je suis rentrée, je me suis dit que c’est dur, donc ce sont des gamins qui ont le goût de l’effort, qui ont fait ce choix de travailler. Mais ils l’ont choisi parce qu’ils sont passionnés. Ils sont passionnés parce qu’ils ont des modèles qui les tirent vers le haut. Ce sont des modèles de qui ils sont proches, les premières divisions, les petites mères et petits pères. Ceux qui n’ont pas assez travaillés sont partis, d’autres sont rentrés dans le corps de ballet, quelques uns sont devenus Étoiles. ll y a cette aspiration vers le haut, ils regardent vers les Étoiles. Effort, passion, modèle, on ne peut pas dissocier ces trois choses. C’est ce que j’ai compris au bout de cette année.

Cette passion n’est pas liée à leur environnement. Leur envie de faire de la danse est venue par plein de chemins différents. En fait, il n’y a rien qui les destine à ça, mais il y a forcément quelque chose à un moment qui s’est cristallisé, une image, un spectacle. C’est très difficile de savoir ça, de mettre des mots là-dessus.

Cela vous intéresserait de refaire un documentaire sur l’Opéra de Paris ?

Ce qui m’intéresserait, c’est de savoir ce que sont devenus ceux qui sont partis, à n’importe quelle moment du cursus, tout comme voir où en sont ceux qui sont rentrés dans le corps de ballet. Ça m’intéresserait de voir ce que deviennent ces premières divisions dans cinq ans. Ce n’est pas du tout prévu, mais ça me plairait beaucoup. Cette École de danse, ça peut être très dur de la quitter, mais je pense qu’il reste quelque chose de l’exigence qu’elle apprend, l’idée de ne pas lâcher, d’aller jusqu’au bout des choses. Cela doit jouer sur son comportement, quelque soit le métier que l’on fait. C’est une posture que l’on a dans la vie.

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Commentaires (8)

  • Très belle interview, très complète. Je crois que vous avez vraiment fait le tour. Le point de vue de la réalisatrice donne une dimension supplémentaire à la seconde partie du documentaire qui passe aujourd’hui.

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  • georges

    Merci pour cette interview.
    Dommage que l’idée de B Lefèvre d’inclure la première année dans le corps de ballet n’a pas pu se faire.

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  • georges

    Bien sur, déjà qu’avec 6×26′ c’est bien trop court.
    On peut rêver que le format eût été de 6×45′, diffusé sur 3 dimanches.

    Oui un documentaire à cheval avec la première division et l’année qui suit à l’opéra pour ceux qui y rentrent ou ailleurs pour ceux qui ne peuvent rester à l’école serait plus facile à monter.

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  • Ainhoa

    Je trouve que cette interview est très complète avec les photo pile ou il le fallait du coup ça ne faisait pas « too much « .

    Magnifique, merci .

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    • georges

      Oui Amélie a un certain tallent, elle devrait faire du journalisme.

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  • morgane

    Bonjour et merci à Françoise Marie pour ce documentaire.
    Je suis captivée par les documentaires qui s’intéressent aux coulisses de la scène; pourtant chaque fois que j’ai eu l’occasion d’en voir – notamment celui qui avait été réalisé pour la télévision espagnole – jamais on ne parlait du devenir de ceux qui après avoir passé toutes ces années à l’école – de 8/10 ans à 17 ans, ce n’est pas rien ! – ne réussissaient pas à entrer à l’Opéra. On ne parle pas de celles et ceux que la Direction laisse accéder à la première division en sachant pertinemment que seuls les premiers, premières de cette division réussiront le concours d’entrée. Et les autres? Les compagnies ont toutes leurs écoles et n’admettent dans leurs rangs que – ou en priorité – celles et ceux qui y ont été formés parce que chaque école a, je suppose, son style, ses « codes ». Que deviennent ces élèves de l’école de Nanterre dans les auditions à l’extérieur, ont-ils la moindre chance d’être remarqués? Le documentaire de Françoise Marie le mentionne brièvement et précise que certains ont repris leurs études et que d’autres redoublent, mais que deviennent ces jeunes adultes qui ont tout misé sur le « même » cheval et qui pour diverses raisons se retrouvent sans « rien » . C’est une école exigeante qui se solde par un concours lequel, par définition, ne peut admettre tout le monde, mais quel est le « prix » à payer pour une telle exigence ? Au mieux, ces danseurs resteront titulaires du corps de ballet ou au fond de la scène en qualité de remplaçants, surnuméraires , au pire, c’est Pôle emploi qui les guette – qui, à coup sûr, sera certainement moins « élégant » pour les accompagner dans une reconversion satisfaisante….Bref, faire la lumière sur ces graines d’étoiles, c’est une chose, mais faire la lumière sur ceux qui restent dans l’ombre sur la scène ou hors Opéra, ce serait peut-être plus « réaliste »ou plus complet…C’est une question que je me suis toujours posée en regardant ces documentaires sur la danse, les danseurs. Tous n’auront pas un itinéraire d’étoiles. Ce commentaire n’enlève rien à ce qu’a réalisé Françoise Marie, mais le documentaire soulève d’autres questions ou zones d’ombre, je trouve…

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  • petit voile

    Morgane, il en va ici comme ailleurs, les élèves de 1ère division auditionnent en compagnie ou en autre école supérieure si besoin est. En règle générale ceux qui font la démarche trouvent, tous ne la font pas, soit qu’ils n’envisagent la danse qu’à l’Opéra de Paris soit que le métier ne les accroche pas. A 18 ans avec le bac l’éventail est large. Entrer dans un corps de ballet est la première étape du métier, celle où certains atteignent leur limite, d’autres s’arrêtent de travailler malgré leurs possibilités et d’autres avancent avec leur potentiel et leur désir d’être soliste. Il n’est pas de honte à être musicien d’orchestre ou danseur de corps de ballet, qui plus est dans une excellente compagnie. Les mêmes seraient solistes ou étoiles dans un ballet de moindre niveau, c’est un choix de carrière.

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