Le Prix de Lausanne vu par Carl Van Godtsenhoven
Après Johanna Raynaud et Célestin Boutin, place à Carl Van Godtsenhoven, qui revient sur sa participation au 40e Prix de Lausanne. Même s’il n’a pas atteint la finale, le jeune danseur repart avec de nombreuses propositions d’école, dont celle du Ballet de Hambourg.
Avant de revenir sur le Prix de Lausanne, quel a été ton parcours ? Tu n’as pas suivi le cursus classique d’un danseur français, tu as fait toute ta scolarité dans une école privée (l’Ecole Terpsichore à Paris) et passé beaucoup de concours…
Ma grand-mère est mon professeure, ma mère est ma chorégraphe. Je suis toujours resté dans mon école. J’ai dû faire mes premiers concours vers 10 ans.
Ce n’est pas compliqué de travailler tout le temps avec sa famille ?
Ça peut l’être, mais on a trouvé la solution, et ça ne m’a pas gêné pour l’instant.
Tu as toutefois mis les pieds sur la scène de l’Opéra de Paris, en jouant l’un des enfants dans le ballet Le Songe de Médée d’Angelin Preljocaj. Comment es-tu arrivé sur ce projet ?
Au moment de la création, la directrice de casting pour le ballet a contacté mon école. J’ai été retenu par Angelin Preljocaj. Deux ans plus tard, le spectacle a été remonté. Comme je n’étais toujours pas très grand, j’ai pu le refaire.
Cela ne t’a pas donné envie de rentrer à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris ?
J’ai essayé d’y rentrer, deux fois, mais ils n’ont jamais voulu de moi. J’étais trop petit !
Quand a commencé l’aventure du Prix de Lausanne ?
A l’âge de huit-neuf ans, j’ai vu les premières vidéos du Prix de Lausanne. Ça a très vite été un rêve pour moi d’y participer.
Pourquoi avoir choisi la variation de Giselle en classique ?
J’avais déjà commencé à travailler cette variation pour d’autres concours, et elle m’allait plutôt bien. J’ai continué à la travailler. La technique est aussi appropriée à mon physique. Elle est assez compliquée et ça représente beaucoup de travail, mais je gère. C’est aussi une variation qu’on ne voit pas beaucoup à Lausanne. On trouve beaucoup de Brésiliens qui font Don Quichotte. Giselle, c’est un peu moins pris.
Tu étais beaucoup familié avec la danse contemporaine…
J’en ai fait en stage, en master class, mais jamais toutes les semaines de façon régulière.
Comment as-tu alors choisi ta variation, Outsight ?
Ça a été difficile. J’ai regardé toutes les variations et j’ai pris celle qui m’inspirait le plus, qui me plaisait le plus. Ça a été celle-là, je n’ai pas été cherché quelque chose de particulier. J’ai regardé les accents avec ma mère. Ça a été pas mal de travail, mais c’est pour Lausanne !
A quel rythme travaillais-tu tes variations ?
J’avais tous mes cours normaux, j’essayais de les travailler pendant les heures de répétition que nous avons pour les concours. J’ai un peu intensifié mon programme à deux semaines du concours, je les passais tous les jours, plusieurs fois par jour, avec ma mère et ma grand-mère.
Quel était ton but avant de partir ?
J’y allais plus pour l’expérience, et en espérant avoir des propositions pour l’année prochaine. J’ai eu mes réponses. La finale ça aurait été bien, mais bon… Je pensais que j’avais assez peu de chance, il y a très peu de Français-es en finale.
Pourquoi ?
Peut-être un manque de niveau… Je ne sais pas vraiment.
L’ambiance au Prix de Lausanne était-elle différente des autres concours auxquels tu as participé ?
Les premiers jours, ce n’était pas très différent, tout le monde s’observait. Ensuite, au fur et à mesure, c’était plus détendu. Même si les cours étaient toujours un peu stressants.
Qu’as-tu pensé du niveau en arrivant ?
Le niveau était très très très fort… comme ce que j’imaginais. Je n’ai pas été surpris.
Tu as eu des coups de cœur parmi les candidat-es ?
Pour moi, un des meilleurs était Mingxuan Wang, qui dansait Casse-Noisette. Dans les coachings ou pour la demi-finale, il était vraiment parfait. C’est dommage, le jour de la finale, il était un peu moins bien…
Un cours devant le jury, c’est stressant ?
C’est stressant pour pas mal de personnes, moi y compris. C’est rare d’avoir autant de juré-e-s face à nous, et si près de nous. Mais je n’ai pas trop de problème avec le trac en général, je gère. J’ai eu quelques corrections personnelles, surtout sur mes bras quand je suis en seconde.
Pour le coaching, que t’a conseillé Patrick Armand ?
Je n’avais pas trop de problème techniquement, il m’a plus corrigé sur l’artistique. Beaucoup sur les ports de bras, dans Giselle, ce n’est pas facile à avoir.
Et le coaching contemporain ?
Ça s’est très bien passé. La coach m’a corrigé sur une dynamique dans un passage précis, puis sur quelques bras.
Comment s’est passée la demi-finale ?
Le passage sur scène s’est bien passé sur les deux variations. Je suis content de ce que j’ai pu fournir, surtout sur une grande scène comme ça, avec la pente, à laquelle je ne suis pas habitué. Je n’ai jamais eu trop de problème avec la gestion du stress. Mentalement, ça ne me perturbe pas. C’est juste l’acidité de mon estomac qui rentre en compte, c’est tout (il rigole). Et c’était surtout une semaine avant.
Qu’est-ce qui qui t’a manqué pour accéder à la finale ?
Je ne sais pas trop… Le jury m’a dit que c’était le cours de contemporain qui m’avait fait perdre des points. J’avais trop d’informations à digérer d’un coup, j’appréhendais un peu la variation sur scène.
Il n’y a pas eu de déception à la vue des résultats ?
Je m’y attendais un peu, je n’ai pas eu de grosse déception. Et puis je n’ai pas pensé aux résultats, je pensais déjà aux possibles propositions que j’espérais avoir. Juste après la demi-finale, on nous a donné les informations pour le cours du lendemain, pour le Networking forum. C’est allé assez vite.
Tu as eu des propositions d’écoles après le Networking forum ?
J’ai eu des propositions de bourse d’un an pour l’école de Dresde, l’école du Ballet de Hambourg de John Neumeier, celle de la Scala de Milan, celle de Marseille… J’ai pu parler avec Jean-Christophe Maillot, le président du jury et le directeur des Ballets de Monte-Carlo, qui m’a dit que je pouvais venir faire des stages dans sa compagnie.
Et quel a été ton choix ?
J’ai décidé d’allée à Hambourg l’année prochaine. J’ai gagné une bourse d’un an, je ne paye pas les cours, juste le logement. Ce qui me tente particulièrement, c’est que l’école me prendrait en dernier cycle, je n’aurais donc plus beaucoup de temps à y faire. Normalement, il me restera deux ans d’étude. Ensuite, c’est une très belle compagnie, si je peux y être engagé plus tard… Je commence en août.
Comment vas-tu te préparer d’ici là ?
Je dois beaucoup travailler le contemporain. C’est un peu ça qui décidera, si je passe en avant-dernière ou en dernière année là-bas. Je suis en train de réfléchir avec qui je vais travailler.
C’est la première fois que tu quitteras ton école, c’est un grand pas en avant…
C’est quelque chose qui m’enthousiasme ! Je me suis remis tout de suite au travail pour ne pas décevoir les personnes que j’ai convaincues cette semaine. Ma mère et ma grand-mère son très contentes pour moi, même si ma mère appréhende un peu de me voir partir, mais c’est normal. Je vais avoir 18 ans dans un mois.
Vas-tu participer à la finale du Youth America Grand Prix, en avril ?
Bien sûr, vu la place que j’ai eu, j’ai fini deuxième aux régionales européennes ! Je m’y suis inscrit avant de savoir que j’allais participer à Lausanne. J’ai eu tout ce que je voulais à Lausanne, alors je vais surtout participer au YAGP pour finir l’année en beauté.
Et si par ce biais tu as une bourse dans une école américaine, que fais-tu ?
J’y réfléchirai ! Je ne sais pas encore, c’est trop loin.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut se présenter à Lausanne ?
Pas grand-chose. Il faut surtout beaucoup de travail. C’est la même chose pour tout le monde.
Estelle
Moi, je serais curieuse de savoir si les candidats présentaient déjà en classe qui remporterait des bourses lors de la finale où si le résultat les a surpris…
Amélie
@Estelle: Je leur ai posé la question à tous et toutes, mais souvent, ils-elles n’avaient pas eu vraiment le temps de regarder les autres candidat-e-s, hormis lors de la finale.