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Nanette Glushak : « Ce n’est pas moi qui pars »

Nanette Glushak est la directrice du Ballet du Capitole de Toulouse. Après 17 ans à la tête de la compagnie, elle sera remplacée en 2012 par Kader Belarbi. Elle revient sur les raisons de son départ et les changements qu’elle a instaurés au sein de la compagnie au fils des années.

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Il y a quelques semaines, le Ballet du Capitole a annoncé que Kader Belarbi vous remplacera en août 2012. Pourquoi quitter la compagnie ?

Ce n’est pas moi qui pars, comme cela a été présenté partout. J’ai été renvoyée, je ne laisse pas ma place. Je ne veux pas faire un scandale, c’est seulement que les choses doivent êtres claires. 

Quand cela vous a-t-il été annoncé ?

Le 5 janvier. C’est le directeur du Théâtre, Frédéric Chambert, il m’a annoncé que j’étais renvoyée, c’est tout. Cela a été annoncé juste après les représentations d’Alice aux Pays des Merveilles, un ballet merveilleux de Michel Rahn qui a eu un gros succès, les gens se battaient pour avoir des places. En 17 ans, on a eu beaucoup de succès. On n’a jamais eu autant d’abonnements, on a plein de visites, et le public… C’est complet, complet. 

Qu’est-ce qui a pu motiver cette décision ? 

Ils m’ont dit que c’était un changement de politique. Il y aurait des projets de la ville, qu’apparemment moi, je ne peux pas faire. Mais on ne m’a jamais présenté ces projets. S’il avait fallu faire un changement de politique, c’était il y a trois ans, lorsque le nouveau maire Pierre Cohen a été élu. C’est également à ce moment-là que Frédéric Chambert a été nommé à la tête du Théâtre du Capitole, en succédant à Nicolas Joël. Pourquoi changer maintenant, alors que l’on a énormément de succès ? 

Quels sont vos rapports avec Frédéric Chambert ? 

Il y a trois ans, lorsqu’il a été nommé, j’avais des offres, des possibilités de prendre une autre direction. Mais il m’a dit qu’il avait confiance en moi, qu’il aimait le travail que je faisais. Je suis donc restée. Je ne vais pas, certainement à mon âge, partir et tout recommencer. Et puis j’adore Toulouse. Frédéric Chambert a même amélioré les conditions pour le ballet depuis qu’il est là. On s’entend vraiment bien. 

Au moment du changement de mairie, il y a eu une menace. Frédéric Chambert m’a dit que la nouvelle mairie voulait supprimer le ballet. Donc cette année, il m’a encouragé à ne faire que des classiques, pour montrer que nous avions un public. Et quand on donne de ballets comme Alice aux Pays des Merveilles, Les trois mousquetaires ou Giselle, c’est complet. J’avais prévu un peu moins de programmes mixtes cette année, j’ai fait exprès, j’ai suivi les ordres ! 

Vous étiez à la tête de la compagnie depuis 17 ans. Cela peut être compréhensible que la mairie veuille changer de direction ? 

Peut-être. Ce que je ne comprends pas, c’est que Frédéric Chambert a dit aux danseur-se-s que la compagnie allait rester classique. S’ils avaient engagé Angelin Preljocaj comme directeur, par exemple, ça aurait différent, je dois accepter ça. Nous avons demandé la véritable explication, je crois qu’ils ne vont jamais me donner quelque chose de très précis. Je crois que la vraie raison, c’est qu’ils ont voulu quelqu’un de l’Opéra de Paris. Je ne peux rien faire contre ça. 

Que pensez-vous de votre successeur, Kader Belarbi ? 

C’est un ami, c’est ça le problème  !  Je le connais depuis 22 ans. Il m’a appelé avant que cela ne soit annoncé, il m’a dit : « Nanette, pardonne-moi, c’est n’est pas moi« . Kader, comme être humain, je j’adore ! Je n’ai pas de problème avec lui. C’est la façon dont ça a été fait, c’est une question de forme. Mais il n’y a aucune bonne façon de renvoyer quelqu’un. 

En 17 ans, comment avez-vous changé la compagnie ? 

Quand je suis arrivée ici il y a 17 ans, c »était une compagnie d’opérette. Ils n’avaient pas de soliste, ils engageaient toujours des gens de l’Opéra de Paris, même pour les petits rôles. C’est Nicolas Joël qui m’a engagé. Il m’a dit : « J’ai besoin de quelqu’un pour former une compagnie, qu’il y aie un vrai ballet pour Toulouse« . Avec Michel Rahn, nous sommes des professeurs, on a changé toutes la compagnie, artistiquement, techniquement… 

On avait rien, ce n’était pas une vraie compagnie. J’ai travaillé avec beaucoup de troupes, et ce sont les pires conditions que j’ai vu en Europe. C’est moi qui aie mené la bataille. Avant, on travaillait dans un studio très sale, ça a pris 10 ans pour avoir de véritables studios. On n’avait pas d’équipe, on n’avait rien. Maintenant, on a des salaires qui sont à peu près normaux, on a toute une équipe : secrétaires, régisseurs, directeur technique, etc. Et tout marche bien. 

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Lors de la prochaine saison, seul le dernier programme a été décidé en sachant que vous partiez ? 

J’ai présenté la saison 2011/2012 l’été dernier (ndlr : en 2010). Pour le dernier programme, on devait diffuser un film, mais le contrat n’était pas signé. En janvier, lorsque la direction m’a dit que j’étais virée, j’ai demandé au moins d’avoir le dernier programme. J’ai choisi de faire une soirée mixte avec des choses qui me représentent un peu. 

Il n’y aura pas de gala ? 

J’ai refusé. Frédéric Chambert a voulu faire ça, et j’ai dit : « Non, on ne vire pas quelqu’un pour donner ensuite quelque chose en son honneur« . Je trouve ça de très mauvais goût. J’ai juste demandé d’avoir au moins le dernier programme. 

Allez-vous laisser vos ballets à la compagnie ? 

Je ne sais pas s’il veulent les garder. On a à peu près 59 ballets ici qu’on a fait depuis que je suis là. On verra. 

Quels sont vos projets ? 

L’année prochaine, j’aurais 60 ans, ce sera impossible de trouver autre chose. C’est difficile en ce moment. Je ne sais pas encore si je vais rester à Toulouse.

Comments (5)

  • Merci pour cette interview. Je me demandais justement pourquoi elle partait. Le Ballet du Capitole est sans aucun doute une très bonne compagnie et c’est clair que Nanette Glushak n’y est pas étrangère.
    Le coup du gala…je la comprends.
    J’espère que le Ballet va continuer sur ctete voie. Kader Belarbi fait pour l’instant un travail de chorégraphe intéressant.

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  • @Alice: Kader Belarbi semble indéniablement un bon candidat. ce qui m’a pour ma part le plus frappé, c’est cette dominance de l’Opéra de Paris qui semble être présente partout, même dans une compagnie totalement indépendante. 

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  • Philippe

    Elle semble avoir tout bâti, et le fait d’être ainsi remerciée est scandaleux. J’aurais aimé savoir les dessous de l’affaire.Si c’est effectivement pour avoir quelqu’un de l’Opéra de Paris, pourquoi pas le dire tout simplement ? C’est moins pire que de virer ainsi sans autre forme de procès.
    Quant à la nouvelle mairie, c’est chose bien étrange que d’avoir un temps envisager de supprimer le ballet (qu’elle incurie quand on ose parler de culture comme cela a été fait durant la dernier campagne municipale) et de la confier à présent à une autre personne. Il est évident qu’il n’y a pas de vision culturelle concernant les fleurons de Toulouse.
    Merci Amélie pour cet article très instructif.

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  • Roland

    On ne peut préjuger de l’avenir de la compagnie après ce départ. Certes Belarbi connaît son métier, sa formation classique est un garant encore qu’il ait toujours marqué un intérêt pour le contemporain (de qualité, certes). Fera-t-il un bon animateur de troupe ? Ce n’est pas un chorégraphe incontesté (sa « Reine morte » ? on attendait un effet magistral mais…). La coloration « opéra de Paris » que cette nouvelle direction donne au ballet n’est pas révolutionnaire et devrait être garante de tradition non figée, mais la qualité Balanchine qu’apportait Glushak lui a donné un renom international qui risque fort de se dissiper désormais avec un directeur au nom entouré de moins de prestige,

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  • Phil

    J’aime & admire infiniment N & M depuis Mordagne et tant d’années…La petite génie doit maintenant etre P.H.D. at least
    Fidèlement & Affectueusement P.D.

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