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Brumeux et difficile Faces [Rétro Maguy Marin]

Vendredi19 octobre 2012. Faces de Maguy Marin au Théâtre de la Ville, par le Ballet de l’Opéra de Lyon.

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Invitée star du Festival d’Automne, Maguy Marin, ou plutôt ses œuvres sont de tous les théâtres parisiens. Cette sorte de rétro a démarré avec Faces, au Théâtre de la Ville. Cette pièce a été créée en 2011 par le Ballet de l’Opéra de Lyon, l’une des troupes fétiches de la chorégraphe. Le ballet avait divisé à sa création, et continue de ne pas faire l’unanimité lors de sa présentation parisienne (public furieux ou criant des bravos, mais la salle est restée pleine jusqu’à la fin).

En allant voir Faces, j’étais préparée. Je savais que la pièce n’était pas vraiment de la danse, plutôt une proposition artistique. Je fait partie de ces rétros qui aiment voir de la danse dans un spectacle de danse (et oui), mais Faces pouvait être une bonne entrée en matière pour cette rétro Maguy Marin. Plus que des pas, il s’agit de la vision d’une chorégraphe, sa façon de voir le monde et de le retranscrire sur scène. Programme intéressant s’il arrivait à être compris du public.

Faces démarre par une sorte de présentation. Chaque danseur et danseuse arrive, lentement, se place sur scène. Un miroir renvoie leur image dans le plus grand silence. Puis noir, et le spectacle commence réellement. Le procédé sera le même durant une heure, avant que toute la troupe ne répète la scène de départ à l’envers. Les artistes se figent dans un clair-obscur en une pose, pendant quelques secondes. Souvent en groupe, parfois seul-e. Puis noir, la troupe bouge, se fige à nouveau, et la lumière blafarde se rallume pour montrer cette petite saynète.

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L’on suppose vaguement que la foule, et notre société actuelle de consommation, est l’objet de dénonciation. Certains danseurs ont une énorme canette de Coca à la main, d’autres un sac Fnac. On devine l’oppression de la foule, le collectif sur l’individuel qui empêche à chacun se s’exprimer. Mais la majeure partie du ballet reste brumeuse. Le rythme saccadé lasse, comme si l’on ne pouvait pas aller au bout de l’idée, coupée systématiquement au bout de quelques secondes. La question n’est pas de mépriser tel ou tel geste, mais plutôt de comprendre pourquoi ils sont là. Et c’est là tout le problème. Pourquoi tout ça ? 

Faces est sûrement rempli d’idées, de contradiction et d’émotion. Il n’y a qu’à voir la troupe sur scène, extrêmement concentrée et investie. Le problème est que cela ne vient pas jusqu’au public. Comme si Maguy Marin, à force de fouiller et décortiquer ses idées, les avait vidées de sens, ou plutôt les avait rendu inaccessibles. Cette espèce de torture intellectuelle a construit un mur, entre la scène et le public, qui empêche toute émotion de passer. Et fatalement, s’il n’y a pas d’émotion, la place est entièrement disponible pour l’ennui. Le spectacle est à l’image du texte de présentation du programme.  » Faces porte un éclairage – tout de clair-obscur – sur la fragile condition capable d’ouvrir une échappée à l’emprise asphyxiante des algues vertes de l’homogénéité – emprise qui va de la vente cynique de ‘temps de cerveau disponible’ à Coca-Cola à d’autres adhésions plus directement meurtrières. Une condition qui ne passe pas par la tentation, illusoire, du repli sur un soi omnipotent et auto-suffisant, sorte d’équilavent en petit de la masse en fusion/confusion mais qui n’en sauvera pas, puisqu’il en reproduit à son échelle le tropisme totalitaire« . Tellement d’idées compliqués réunies en deux phrases que l’on se sent complexé-e, et honteux-se, de n’y rien comprendre.

En tant que spectatrice, je déteste être laissée sur le côté. J’aime quand un-e chorégraphe m’embarque dans son univers. Sera-t-il aimé ou pas ? Là n’est pas le problème. Mais Faces nous laisse délibérément à part, sans nous donner aucune possibilité de s’accrocher.

Faces, jusqu’au 21 octobre au Théâtre de la Ville.

Maguy Marin jusqu’au 15 décembre au Festival d’Automne.

Commentaires (4)

  • Estelle

    « Et fatalement, s’il n’y a pas d’émotion, la place est entièrement disponible pour l’ennui  » = tellement vrai pour un spectacle et je dirais surtout pour la vie en générale !

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  • @Estelle: Très juste 😉

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  • petitvoile

    Oh quelle déception partagée… super scéno super danseurs et le raté en pleine face ](*,) Maguy on t’aime encore quand même 😉

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  • Elo

    Rien à voir peut être mais j’avais ressenti ça quand j’ai vu …du Printemps de Thierry Thieû Niang au Théâtre de la Ville en septembre. J’ai passé une heure à me demander « mais quand vont-ils danser??? ». J’avais gagné la place et j’ai été émue par les danseurs âgés donc j’ai été assez bienveillante au final. Mais j’ai pas pris de plaisir à regarder le spectacle, j’ai l’impression qu’avec Faces c’est un peu les mêmes regrets…

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