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Soirée Balanchine : épisode 1

Lundi 24 septembre 2012. Soirée George Balanchine, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Défilé ; Sérénade : Ludmila Pagliero, Laëtitia Pujol, Eleonora Abbagnato, Hervé Moreau et Pierre-Arthur Raveau ; Agon : Mathieu Ganio, Nolwenn Daniel et Muriel Zusperreguy (1er pas de trois), Myriam Ould-Braham, Alessio Carbone et Christophe Duquenne (2e pas de trois), Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche (pas de deux) ; Le Fils prodigue : Jérémie Béilngard (le Fils) et Marie-Agnès Gillot (la Courtisane).

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Le Ballet de l’Opéra de Paris a fini sa saison dernière aux Etats-Unis, et c’est un peu là-bas qu’il redémarre la suivante. George Balanchine est bien né en Russie, mais c’est aux Etats-Unis qu’il s’est fait connaître en tant que chorégraphe, et qu’il a marqué véritablement de son empreinte le monde de la danse. La soirée a pioché dans trois de ses périodes créatrices, pour trois ambiance différentes, mais pas forcément pour trois totales réussites.

Mais avant tout, le plus important (ou presque), le Défilé. Sur Twitter, Klari s’étonne de l’engouement des habitué-e pour ce spectacle. « Y’aura d’autres occas’ de les voir défiler« , rétorque-t-elle à Elendae qui lâche une soirée à Pleyel pour ce cérémonial. Ahaha. C’est touchant cette naïveté.

Bien sûr, le Défilé, c’est toujours pareil chaque année. Alors que la Marche des Troyens retentit, le plus Petit Rat apparait en fond de scène, et descend solennellement le plateau, bientôt suivie par tous les élèves, puis le corps de ballets. Les femmes descendent en ligne, puis les hommes. Les Premiers danseurs et Premières danseuses sont par deux et ont droit à une révérence, tandis que les Étoiles défilent seule, et savourent un long salut.

L’on sait que le début est toujours émouvant, avec cette petite puce si fière d’ouvrir le Défilé, que le final est toujours grandiose avec le Foyer de la Danse illuminé derrière. Oui, chaque année c’est pareil, et pourtant chaque année, c’est différent. Car au-delà du cérémonial, et cette espèce de « Bonjour et bonne rentrée » lancée entre les artistes et le public, il s’agit aussi pour ce dernier de s’exprimer. Ligne de Premiers Danseurs – voir de sujets – ovationnées, alors que certaines Etoiles n’ont que des applaudissements polis. Inutile de prétendre le contraire, c’est aussi le jeu de l’applaudimètre.

Et en 2012, l’applaudimètre s’est fait plutôt sage. La salle était en fait assez tranquille, jusqu’à l’apparition de Myriam Ould-Braham, son premier défilé en tant qu’Étoile, qui a soulevé une ovation (en toute objectivité). Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche et Agnès Letestu ont aussi eu leur part, mais l’ensemble resta tout de même assez équilibré. Le rituel de rentrée s’est bien passé, le plat de résistance peut arriver.

Pour une fois, ne suivons pas l’ordre du spectacle pour se fier plutôt à la chronologie, qui est d’ailleurs parallèle à l’intérêt des pièces.

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Créé en 1929, Le Fils prodigue est la plus ancienne pièce de Balanchine de cette soirée. Le chorégraphe est encore avec les Ballets Russes, ce qui se laisse comprendre dès l’ouverture du rideau. Les décors tranchent dans le vif, les costumes sont marqués et le geste expressionniste… mais le tout reste malheureusement assez vieillot. Le ballet n’arrive pas à se sortir d’un intérêt historique, trop ancré dans son temps (même si parfois les costumes sont involontairement novateurs, ne manquez pas les perruques afros 70’s).

Le véritable intérêt réside en fait dans la confrontation toute en nuance du Fils et de la Courtisane. Jérémie Bélingard incarne un Fils Prodigue plein de fougue, mais aussi un peu crâneur, un peu pédant. Dans un taverne (mal famée, évidemment), il croise la route d’une Courtisane, la venimeuse Marie-Agnès Gillot. Cette dernière apparait d’abord comme la patronne pas très élégante, sûrement prostituée à ses heures. Puis elle se change, devient femme fatale, un peu sorcière, un peu étrange. Le Fils Jérémie Bélingard, d’abord plein d’assurance (et voulant sûrement se la jouer un peu auprès de ses amis), devient peu à peu timide face à cette image même de la féminité.

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Car sous ses airs crâneurs, le Fil prodigue semble être bien innocent au sujet des femmes. Le duo devient alors celui d’un adolescent timide mais curieux face à la représentation de ses fantasmes. Les murs de la taverne semblent s’estomper pour laisser place à un pas de deux un peu hors du temps, ou sous l’emprise d’un sortilège, quand on disait plus haut que la Courtisane était sûrement un peu sorcière.

Mais le charme se rompt, Marie-Agnès Gillot redevient humaine et dépouille le Fils. Commence pour lui le chemin du pardon, aussi long pour le personnage qu’il semble l’être pour le public. Passé ce duo, on peine à trouver un intérêt au ballet qui s’étire en longueur. Le Père pardonne, le Fils finit dans ses bras. C’est un peu muséal tout ça.

Puis faisons un bond en avant. Cinq ans se sont écoulés pour Balanchine entre Le Fils Prodigue et Sérénade, qui ouvre cette soirée. Et l’on a pourtant l’impression qu’il s’agit à peine du même chorégraphe. En 1934, il vient d’arriver aux Etats-Unis. Sérénade est un ballet hommage à son pays d’origine, la Russie, même s’il y a dedans tout ce qui fera sa renommée outre-Atlantique. Il n’y a pas vraiment d’histoire à saisir, seule compte, ou presque, la relation des pas avec la musique.

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Sérénade
est un joli mélange au début, entre ces tutus bleus vaporeux on ne peut plus romantiques et ses pose modernes, mains cassées et décalés. Le corps de ballet évolue harmonieusement, joliment, sagement. Un peu trop en fait. Pour cette première, les danseuses sont encore soucieuses de rester en ligne, de rester concentrées sur le fait de faire le même geste au même moment. L’œil se réjouit, les tableaux sont beaux, mais il manque ces envolées lyriques pour être tout à fait sous le charme.

En première soliste, Ludmila Pagliero règne avec une certaine autorité sur le corps de ballet, mêlée d’une grande précision technique. Mais la luminosité vient plutôt d’Eleonora Abbagnato. Même s’il n’y a pas d’histoire, la danseuse a décidé de jouer les passionnées. Elle s’invente une trame, un drame, un amour. A ses côtés, Hervé Moreau apparait peu, mais subjugue à chaque fois par sa science du geste et sa musicalité. Le voilà, le lyrisme, le vrai mélange de ce que l’on voit et de ce que l’on écoute.

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L’ensemble respire toutefois de mieux en mieux au fur et à mesure que le ballet déroule. Et le final, avec ce porté évanescent et impressionnant, laisse une bien jolie image.

Hop, de nouveau un bond en avant, direction 1957 et Agon, le moment phare de la soirée.

Balanchine et Stravinsky, c’est une histoire qui dure. Plus de trente ballets à leur actif et une modernité toujours bluffante. Pour suivre la chorégraphie, il faut d’ailleurs d’abord se pencher sur la partition. Qu’entend-on des notes de Stravinsky ? Quelque chose de moderne, pas encore contemporain, mais qui joue sur les dissonances. Et surtout une diabolique gymnastique rythmique. Les notes fusent, se décalent, semblent se disperser pour mieux se retrouver, à tel point que la partition apparait parfois bancale, sans mesure, alors qu’elle est totalement construite. Une note, et la surprise est là, avant qu’une autre parte sur tout autre chose.

La danse, c’est un peu ça. Les bases sont classiques, mais le tout est résolument néo. Un retiré parfaitement en-dehors succède à un pied flexe, des décalés à toute allure et des mains ironiques. Les pas jouent avec le rythme, cherchant toujours la limite du non-en-mesure sans jamais y tomber. C’est d’une inventivité totale, surprenante, d’une incroyable précision, et toujours en fusion avec la musique.

Les danseurs et danseuses sur scène ont visiblement compris le concept. Ils s’amusent avec les pas, en groupe, en duo ou en trio, ça s’envole. Le casting est de luxe, il faut le dire. Mathieu Ganio déploie toute son élégance, son style et sa musicalité dans le premier pas de trois. Myriam Ould-Braham est lumineuse dans le deuxième, ses castagnettes sont à la fois lyriques et poétiques. Les hommes se retrouvent pour un quatuor, enthousiasmant, tandis que la Princesse du dessus livre un savoureux jeu de regards avec Aurélie Dupont, qui revient pour un pas de deux avec Nicolas Le Riche.

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Dès qu’ils entrent sur scène, pas de doute, ce sont des stars. Ce duo est la partie la plus moderne d’Agon, jouant avec les extensions et s’amusant avec les possibilités physiques des danseurs. A croire que Wayne McGregor s’en est inspiré. Tout est parfaitement maîtrisé et lumineux, mais il manque un petit quelque chose pour que ce pas de deux domine vraiment le ballet. Une pointe de complicité peut-être.

Soirée Balanchine jusqu’au 18 octobre au Palais Garnier.

Commentaires (5)

  • jigara

    C’est vrai que le public était vraiment mou du genou pour le Défilé.
    A défaut d’avoir adoré tous les ballets de cette soirée, j’ai surtout apprécié la musique. Styles très différents mais reconnaissables immédiatement.
    Sinon, je suis à peu près d’accord avec toi, sauf que j’ai autant aimé Serenade que Agon, même si j’ai eu du mal à rentrer dans Agon (le premier pas de trois a été, pour moi, laborieux) au début, j’ai adoré le deuxième pas de trois (MOB quoi) et le pdd. Serenade, abstrait et léger, sympa de voir Abbagnato et Moreau! (J’ai d’ailleurs trouvé le partenariat Moreau/Pagliero intéressant).
    Mais alors Le Fils prodigue, quelle tarte à la crème ! Pourtant j’ai trouvé que ça commencait bien, mais alors ils m’ont perdue à l’arrivée dans la taverne, et MAG (impériale) n’y a rien fait. Le comble étant quand même le Fils se trainant sur des km et des km pour rentrer chez Papa. Mais j’ai trouvé Bélingard parfait dans le rôle.
    D’ailleurs tous les danseurs étaient superbes à mes yeux ce soir-là. Peut être parce que c’était la rentrée ^^
    En tout cas, j’ai bien envie d’y retourner pour voir d’autres distributions!

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  • Entièrement d’accord avec toi pour le défilé du ballet et le couple Le Riche Dupont!!

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  • Genoveva

    J’avoue !!!! j’ai un petit faible pour le défilé du corps de ballet !

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  • @ Jigara : C’est vrai, je n’ai rien dit sur la musique, et il y aruait eu de quoi. Ces trois partitions montrent parfaitement l’évolution de la musique au XXe siècle. Durant le Fils Prodigue, j’y faisais d’ailleurs beaucoup plus attention. Je me demande ce que donne ce dernier ballet avec un autre couple, je suis curieuse de le voir avec Agnès Letestu.

    @ Anne-Laure : Je n’ai de toute façon jamais trouvé que le couple Le Riche/Dupont fonctionnait merveilleusement.

    @ Genoveva : Mais tout le monde a un faible pour le Défilé. 😉

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  • alpha

    Eh oui, Amélie a tout dit, et bien. Oui, le public était un peu mollasson pour le défilé; Des pensées aussi très fortes pour les absents… en espérant les revoir sur scène très vite. Pour Balanchine, l’idée de voir l’évolution d’un créateur est très excellente. Une oeuvre, un artiste, ça bouge, ça évolue, c’est la vie !

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