Les documentaires de la danse – Au Ballet de l’Opéra de Paris
Nous continuons nos recommandations culture, pour patienter avant la reprise des spectacles ou tout simplement pour découvrir la danse autrement, avec cette fois-ci les documentaires sur la danse. Le choix est dense et fourni. Nous n’avons pas pu tous les retenir, mais avons sélectionné les indispensables, pour plonger au coeur des compagnies, vivre le quotidien des danseurs et danseuses, chorégraphes, professeur-e-s, directrices et directeurs de compagnies. Découvrir le temps d’un film ce qui se passe derrière le rideau. Pour cette première sélection, place aux documentaires sur le Ballet de l’Opéra de Paris. N’hésitez pas à compléter en commentaire !
Tout près des Étoiles de Nils Tavernier (1999)
Pendant une saison, Nils Tavernier a posé ses caméras dans le quotidien du Ballet de l’Opéra de Paris. Sans fard, sans faire de bruit, dévoilant les grands moments de joie sur scène et en coulisse, les confidences de loges, la sueur des répétitions, la passion intacte comme les moments de doute et les regards lucides sur les forces et faiblesses de l’institution. Le fameux « C’est un petit peu une machine à broyer les faibles » de Ghislaine Thesmar vient de là. Pas de langue de bois, mais beaucoup de passion toutefois, beaucoup d’amour de la danse et de moments suspendus (Nicolas Le Riche répétant Le Lac des cygnes). Les images en coulisse sont rythmées par les interviews, des Étoiles au sommet de leur art (Agnès Letestu ou Laurent Hilaire), des piliers de la compagnie (Wilfried Romoli aux paroles très justes), la jeune Marie-Agnès Gillot qui crève l’écran, des Petits rats, des surnuméraires tout sourire pour un remplacement, des danseuses anonymes du corps de ballet, des adolescentes, des futures mamans, des Étoiles tirant leur dernière révérence. Beaucoup de beaux moments de danse et de paroles lucides pour ce qui reste comme l’un des meilleur documentaires sur cette grande institution.
La danse, le Ballet de l’Opéra de Paris de Frederick Wiseman (2009)
Dix ans après Tout près des Étoiles, le cinéaste Frederick Wiseman retente l’expérience de suivre la troupe pendant trois mois. Mais le ton est ici radicalement différent. Et si Nils Tavernier mettait d’abord l’humain en avant, Frederick Wiseman reste fasciné par l’institution. Preuve par les dix premières minutes du film centrées sur… les escaliers du Palais Garnier. Pendant plus de 2h30, pas de commentaire, pas de sous-titre, pas d’explication. On bascule d’une répétition à un moment de scène, d’un couloir aux costumes. Un peu froid ? Peut-être. Mais le cinéaste convainc par sa magnifique façon de filmer la danse, au plus près des corps. Et l’on est ainsi captivé par Genius de Wayne McGregor comme par Paquita, hypnotisé par Le Songe de Médée d’Angelin Preljocaj comme par le tout jeune et débordant de talent Mathias Heymann. En prime, quelques dialogues de répétiteurs pris au vol et désormais mythique dans le monde de la Balletomanie. « C’est vrai qu’elle était un peu basse… Mais en même temps elle a fait trois tours« .
Aurélie Dupont l’espace d’un instant de Cédric Klapisch (2010, en DVD)
À la fin des années 2000, Aurélie Dupont est LA grande star de l’Opéra de Paris. Pendant quatre ans, le cinéaste Cédric Klapisch l’a suivie : son travail, ses confidences, les créations, et au centre sa maternité et son retour en scène. Et c’est un peu le documentaire de la démystification de la ballerine, où l’on voit Aurélie Dupont pas forcément tirée à quatre épingles, la clope au bec, téléphonant à sa baby-sitter entre deux actes ou prenant le métro. Une personne banale aux moments de vies extraordinaires lorsqu’il s’agit de monter en scène. Cédric Klapisch dresse le portrait de l’Étoile, en filigrane celle de l’institution, et nous laisse savourer quelques grands moments de danse, comme le pas de deux du baiser du Parc d’Angelin Preljocaj filmé pour l’occasion.
Relève de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (2015)
Relève partait d’abord de l’envie de suivre la création Clear, Loud, Bright, Forward de Benjamin Millepied, qui ouvrait sa toute première saison à la tête de l’Opéra de Paris. Mais deux mois après sa diffusion à la télévision, le Directeur de la Danse était parti à la surprise générale. On ne regarde donc plus ainsi Relève de la même façon, et avec le recul, le film sonne comme la chronique d’une rupture annoncée. Au coeur de deux mondes qui n’arrivent pas à se parler, la danse est là cependant, belle, vivante et palpitante. Et une magnifique génération de danseurs et danseuses est montrée en train d’éclore. L’on peut aimer ou pas Benjamin Millepied, avoir été d’accord ou non avec sa programmation ou ses idées. On ne peut cependant qu’être frappé par la justesse de certains de ses propos quant à la santé fragile de la troupe parisienne. Des questionnements qui, cinq ans après Relève, sont toujours là.
Les Adieux d’Arnaud Dreyfus (2012)
Le 13 mai 2012, Clairemarie Osta, l’une des Étoiles les plus singulières et attachantes des années 2000, tirait sa révérence. Les Adieux la suit, des premières répétitions sept semaines plus tôt jusqu’au jour J. Les répétitions et cours de danse sont entrecoupés d’interviews où la danseuse revient sur les temps forts de sa carrière, mais surtout sa passion de la danse, ce qui l’anime. Pendant tout le film, le mot « Adieux » n’est pas prononcé. L’on assiste ainsi bien plus à la construction d’un spectacle, à toute l’importance de la transmission dans la danse, à tout ce qui se crée dans l’intimité des studios. Il y a les quelques larmes lors du dernier cours. Et les adieux, les confettis, le discours. Voilà un film tout simple, tout en finesse et très touchant, qui en dit beaucoup sur la danse comme sur l’Étoile.
Rain de Gérard-Jan Claes et Olivia Rochette (2012)
Rain, comme la pièce d’Anne Teresa de Keersmaeker qui faisait à ce moment-là son entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris. Les deux réalisateurs ont suivi tout le processus de transmission entre deux mondes qui ont parfois un peu de mal à se comprendre. Est-ce que parce que Gérard-Jan Claes et Olivia Rochette connaissent d’abord la chorégraphe avant la compagnie ? Le ton est en tout cas différent des autres documentaires de l’époque, plus grinçant et moins admiratif face à l’institution, s’amusant des paradoxes de la grande maison. Rain, ce sont deux entités qui s’apprivoisent pour finir par plutôt bien s’entendre sur scène. Et en filigrane, un ange blond : la toute jeune Léonore Baulac qui a droit à son premier rôle de soliste. L’on y voit beaucoup de danse, on y entend toutefois trop peu les danseurs et danseuses, et c’est un peu dommage.
La série de portraits de Marlène Ionesco
Passionnée de danse, la réalisatrice Marlène Ionesco a consacré plusieurs films aux grandes Étoiles de ces vingt dernières années : Agnès Letestu pour ses adieux, Mathieu Ganio et Dominique Khalfouni, Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmar. La forme est en général assez convenue : des extraits de ballet ponctués d’interviews. Marlène Ionesco ne cache pas son admiration pour ses artistes, et l’on n’est pas là pour chercher les failles et les contradictions de l’institution. Mais ses films sont riches de confidences, de moment de coulisse, et prennent le temps de se poser sur leur sujet, ce qui n’est pas si fréquent.
Cordier
Bonjour,
Autopromo 😉
J’ai réalisé, avec Jean-Christophe Guerri à l’image, un documentaire intitulé «Les temps de la création – Le Rouge et le Noir de Pierre Lacotte » pour le Ballet de l’Opéra de Paris. Ce documentaire de 26 minutes, qui suit les étapes de la création de cette ultime œuvre de Monsieur Lacotte, est disponible sur la plateforme POP (Play Opéra Paris).