En cours d’histoire : La Fille mal gardée, de sa création en 1789 à la vision de Frederick Ashton
La Fille mal gardée, dans la version de Frederick Ashton, revient sur la scène du Palais Garnier dès le 18 juin. Ce ballet, créé en 1789, tient une place importance dans l’histoire de la danse. Sylvie Jacq-Mioche, historienne et professeure d’histoire de la danse à l’Ecole de Danse de l’Opéra, a donné une conférence au début du mois de juin sur l’évolution de La Fille mal gardée depuis sa création, et des particularités de la version de Frederick Ashton. Compte-rendu.
La Fille mal gardée est un sujet merveilleux. Avec ce petit ballet, qui dans la version d’Ashton est un véritable petit bijou de raffinement, on parcours deux siècles d’histoire de la danse à travers des perspectives différentes. Cela nous donne une espèce d’éventail de problèmes qui peuvent se poser dans la considération qu’on a des chefs-d’œuvre du passé.
Les débats théoriques
La Fille mal gardée est créé à Bordeaux, quelques jours avant la Révolution française, dans un contexte déjà houleux mais qui n’empêche pas un ballet sans aucun rapport avec la politique. Il est plutôt au cœur de débats esthétiques.
Recherche du naturel
Cela fait une cinquantaine d’années que l’on commence à s’interroger sur l’expressivité du corps dans le théâtre. Au milieu du XVIIIe siècle, on passe de ce qui faisait la valeur du théâtre du XVIIe siècle, le vraisemblable – qui est une notion rationnelle, intellectuelle -, au naturel, qui est plutôt une dimension intuitive. C’est sur ce basculement que va se construire l’histoire de la danse au cours du XVIIIe siècle.
On recherche à présent ce qui procure les émotions aux spectateurs. On se rend compte que les émotions peuvent naître du texte et de la manière dont il est dit, mais aussi arriver sans qu’il y ait de parole échangée. Cela nourrit des débats qui sont présents dans L’Encyclopédie. Diderot demande ainsi à Louis de Cahusac (1706-1759) d’y écrire les articles sur la danse. Il y défend cette vision sensible de la danse, et surtout cette vision expressive.
On passe d’un moment où la danse était chargée de transmettre des images esthétiques, de mettre la musique en mouvement, à une danse qui est chargée de raconter. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais c’est bien au XVIIIe siècle que la danse devient autonome, et va seule raconter une histoire. Plusieurs chorégraphes vont aller dans cette direction, dont Dauberval, qui va créer La Fille mal gardée.
L’importance de la pantomime
Dans cette recherche de naturel, on abandonne le masque. Les traits du visage doivent donc exprimer quelque chose. Riccobini écrit ainsi dans L’art du théâtre, paru en 1750 : « On appelle expression l’adresse par laquelle on fait sentir au spectateur tous les mouvements dont on veut paraître pénétré. Il faut connaître parfaitement quels sont les mouvements de la nature dans les autres, et demeurer toujours assez le maître de son âme pour la faire à son gré ressembler à celle des autres« . C’est ce que Diderot, 30 ans plus tard, appellera le fameux paradoxe du comédien : vous avez la possibilité de jouer une scène très émouvante tout en se récitant sa liste de course.
On trouve des spectacles qui racontent des histoires et qui demandant aux danseurs de s’exprimer avec le visage. Et c’est à ce moment que l’Ecole de Danse passe d’une l’école d’adulte, là où les danseurs s’entraînent tous les jours, à une école de formation pour les danseurs, à la fin du XVIIIe siècle.
On en profite pour introduire dans la formation une classe de pantomime. Selon le règlement de l’Ecole de Danse de l’Opéra de 1807, la méthode prônée se fonde sur une forme d’observation qui intègre psychologie et morale. Il faut « réunir souvent aux exercices » les deux sexes, tout « en y faisant scrupuleusement observer la décence convenable« . On choisit des élèves en âge de ressentir les premiers émois, afin que progressivement leurs émotions nourrissent leur art. Le maître « essaie un pas de deux, une scène d’action, et ces épreuves répétées le mettent à portée de pressentir ceux qui promettent d’avoir de l’expression, de l’âme, et conséquemment des dispositions pour la pantomime. Ensuite, une jeune fille jolie, bien faite, qui prend de la tournure, manifeste déjà de l’intention, doit nécessairement en communiquer à celui qui dansera avec elle« .
Cette idée de la sensibilité vient aussi du pré-romantisme, qui est en train d’apparaître.
La création de La Fille mal gardée
Un théâtre qui compte
Dauberval crée La Fille mal gardée à l’Opéra de Bordeaux. Bordeaux n’est pas Paris. Nous sommes à l’aube de la Révolution, et encore dans l’esthétisme de l’aristocratie, en tout cas à l’Opéra. Bordeaux est une ville plus bourgeoise, c’est un fort, une ville de négociants. La société y est très différente. Le Grand Théâtre de Bordeaux est une salle de spectacle qui compte, quand on lit les journaux de l’époque. Avec Bordeaux, Marseille et Lyon, elle fait partie des villes les plus fréquemment citées après Paris pour le théâtre. Il y a aussi une école de danse de qualité.
Dauberval
Dauberval a été formé à Paris, puis a travaillé comme danseur à l’Opéra. Il a cherché à s’y installer, mais n’a pas pu pour des jalousies internes. Il s’est donc installé à Bordeaux, avec sa femme Mlle Théodore, qui sera la première Lise, à l’époque Louison, la première Fille mal gardée.
Le livret
L’histoire de La Fille mal gardée est toute simple. Une fille est destinée par sa mère à un riche jeune homme. mais elle préfère un pauvre. Par un concours de circonstance, elle se retrouve enfermée dans sa chambre. Sa mère croit qu’elle est seule. Quand le riche fiancé ouvre la porte pour la chercher et signer le contrat de mariage, il la découvre dans les bras du fiancé désargenté. C’est donc lui qui doit épouser Lise, pour éviter tout scandale. C’est une histoire très simple, mais qui donne lieu à de multiples petits épisodes.
Le public de Bordeaux
Le sujet de ce ballet correspond au public de Bordeaux, plus bourgeois que celui de la capitale. Il est question de mariage d’amour, en lieu et place de mariage pour raisons financières. Ces histoires d’amour, qui remplacent les mariages d’argent, sont très présents dans le ballet à cette époque, surtout dans les scènes des théâtres de province.
Si on prend un certain nombre de ballets créés dans ces années-là, et jusque sous l’Empire, on voit ainsi ce thème apparaître très souvent. Les Noces de Gamache par exemple, c’est une histoire où le père aubergiste veut faire épouser à sa fille Quitterie un riche personnage, mais elle préfère épouser un jeune homme qui n’a pas le sou. Elle aura finalement raison et épousera qui elle voudra. Il y a aussi La Dansomanie, qui a été créé à Paris en 1800 par Gardel. C’est grosso modo l’histoire du Bourgeois Gentilhomme, sauf qu’au lieu d’être entiché de noblesse, le père de famille est entiché de danse, et ne veut donner en mari à sa fille qu’un danseur.
La partition
La partition était composée à la base d’un pot-pourri d’airs à la mode de l’époque. Ce n’est pas une grande partition d’une seule ligne, ce sont des petits morceaux successifs, ce qui explique la composition du ballet en suite de petits numéros. Même si le tout constitue une histoire.
Les costumes
Les costumes sont ceux du XVIIIe siècle, robes à panier pour les filles, costumes Mozart pour les garçons. Surtout, les chaussures sont à talon richelieu. La chorégraphie tient donc encore beaucoup de l’esthétisme de la contredanse. Le pas de deux est ainsi une contredanse aménagé. L’écart entre ce qui se danse dans les salons et ce qui se danse sur scène est minime à cette époque. On trouve des arrangements qui rappellent des danses populaires pour les bergers, et beaucoup de contredanse très élégantes.
Cette version de Dauberval aujourd’hui
C’est relativement récemment que des choses sur cette version ont été découvertes, en particulier grâce à un chorégraphe-chercheur suédois, disparu aujourd’hui, Ivo Cramér. Sa version de La Fille mal gardée a été montée en 1989, pour le bicentenaire de la Révolution, à Nantes. Il avait retrouvé à Bordeaux des éléments de la partition originale. Il y a en a eu un très joli film par Dominique Delouche. Cette version va être reprise par le Ballet du Capitole la saison prochaine. Elle se danse sur la partition originale, en costumes d’époque et chaussures richelieu.
Pour la transmission, il est en fait impossible de reprendre la chorégraphie de Dauberval. Si on regarde l’évolution du costume par exemple. 1789, la Révolution. L’un des premiers effets se fait sentir dans la mode. On ne peut plus s’habiller comme dans l’Ancien Régime. On va passer du petit richelieu à la chaussure à un tout petit talon d’un centimètre, très fin. A partir de ce moment-là, on ne va plus danser de la même façon, car on danse chaussé à la ville comme à la scène. On ne va pas poser le pied de la même manière. C’est ce qui amènera vingt ans plus tard l’arrivée de la pointe.
Le deuxième changement concerne la silhouette. On perd le costume gonflant, on va vers ces lignes plus fluides, qui suivent le corps. Là aussi, on s’habille à la scène comme à la ville, le costume change donc, ça libère le mouvement. Tout ce qu’on ne pouvait pas faire, lever la jambe à la hanche par exemple, parce que l’on était engoncé dans des grandes robes, on peut Le désormais le faire. On a donc une évolution de la technique importante sur cette période-là.
Le succès de La Fille mal gardée
Une œuvre populaire
Si la chorégraphie change, en revanche, on va trouver La Fille mal gardée reprise dans beaucoup d’endroits, mais avec une chorégraphie maison, faite par le chorégraphe du théâtre où est repris le ballet. il n’y a pas de droit d’auteur en ce qui concerne la danse. Donc on remonte les choses comme on en a envie, là où on en a envie.
Le succès de La Fille mal gardée vient de son caractère populaire. Vous pouvez avoir un éventail de représentations qui va du plus raffiné (style Marie-Antoinette au Trianon), aux choses les lus farcesques dans des théâtres de pantomime. Tout est possible. On va retrouver grosso-modo la même histoire, avec l’orage, le garçon dissimulé dans les ballots de paille…. Mais ça ne sera pas développé de la même manière.
Le thème de la nature
Outre une multiplication des ouvrages sur La Fille mal gardée, ce qui va faire le succès de ce ballet est le thème de la nature. Cette nature idéalisée, ce n’est plus la nature des pastorales du XVIIe siècle. On est désormais dans quelque chose qui veut donner l’image d’une campagne idyllique, où tout irait bien, avec la réalité de la vie campagnarde.
Dans La Fille mal gardée, on voit ainsi baratter le beurre, on voit nourrir les poules, des activité très triviales. Il faut penser aux règles de bienséances au XVIIe siècle, où l’on n’avait pas le droit de manger sur scène (sauf Don Juan, parce qu’il est mal élevé). On est donc dans quelque chose qui est plus le reflet de la vie, plus naturel. On qualifie d’ailleurs La Fille mal gardée de “Devin de village de la danse”, Le Devin de village étant un opéra composé par Jean-Jacques Rousseau.
Les prémices du romantisme
La postérité de La Fille mal gardée tient aussi à la métamorphose du ballet au début du premier tiers du XIXe siècle. On passe de ces ballets qui ressemblent aux bals à un spectacle radicalement différent. C’est la montée du romantisme. On a cette image d’un spectacle joyeux, raffiné, mais en même temps qui casse par rapport aux codes aristocratiques, les Dieux et Déesses. Les personnages de villageois et villageoises vont devenir de plus en plus fréquents. Il y a un changement dans les thèmes.
On a aussi un changement dans la structure du ballet. A ce moment-là, il y a des artistes spécialisés dans la danse, et d’autres dans la pantomime. Pendant un temps, ces deux genres étaient joués par des artistes différents. Dans les ballets, il y avait une partie virtuose, puis une autre racontant l’histoire, certes dansée, mais moins virtuose. Petit à petit, les deux aspects vont fusionner à la fin des années 1820. Quand le ballet romantique se met en place, forcément, ce sont les même artistes qui font tout. Le point culminant de ce changement sera le pas de deux. Il apparaît comme le moment principal du ballet, ce qu’il n‘était pas auparavant.
La Fille mal gardée : les modification du XIXe siècle
Le personnage d’Alain
Une modification apparaît par rapport au livret original. C’est l’un des attraits du ballet, c’est le personnage d’Alain, le riche prétendant. A l’origine, il n’a rien de particulier, si ce n’est qu’il n’est pas aimé. mais il n’a rien de désagréable. Puis le ballet est remonté dans toutes les villes, des compagnies familiales tournent avec. A paris, il n’est pas présenté à l’Opéra, parce que le sujet n’est pas assez élégant pour ce théâtre. Mais il est présenté avec succès sur la deuxième scène qui donne de la danse à Paris, le Théâtre de la Porte Saint-Martin.
En 1823, ce théâtre fait venir l’artiste Charles-François Mazurier, qui est un artiste comique, et qui se désosse dans tous les sens. C’est un danseur tout particulier. On dit de lui qu’il tient sa “jambe comme on le ferait d’un fusil”. Aujourd’hui, on voit des danseurs se désarticuler dans tous les sens, mais ça ne se faisait pas du tout à l’époque. Il a un talent très original, et un fort pouvoir comique. Il est d’ailleurs l’artiste de théâtre le mieux payé sous la Restauration, sur les théâtre de Boulevard.
Le Théâtre de la Porte Saint-Martin le fait venir pour redresser les finances. Quand il vient, on lui crée un ballet pour lui, puis on l’insère à une production maison. Comme on ne sait pas quoi reprendre, et que l’on n’a pas trop d’argent, on prend La Fille ma gardée. Ce ballet est très pratique. Pour les décors, il faut un intérieur de maison, une cour de ferme et un paysage champêtre, on a toujours ces trois toiles dans les théâtres. Pour les costumes, ce sont les artistes qui les payent à l’époque.
Il faut donc inclure Mazurier dans cette version de La Fille mal gardée, le public voulant le voir. Mais il n’y a pas de rôle pour lui dans la version originale. On adapte donc le personnage d’Alain. Mazurier en fait un personnage comique, qu’il va tirer d’un autre ballet qu’il a interprété un petit peu plus tôt, La Laitière suisse. dans cette œuvre, il « donne le spectacle d’un homme luttant avec un mauvais parapluie contre la plus effroyable des tempêtes, et enfin emporté par le vent comme l’objet le plus léger. (Courrier des théâtres, 24 septembre 1823). Le rôle d’Alain que l’on connaît aujourd’hui vient vraiment de cet artiste.
La Fille mal gardée à l’Opéra de Paris
Aumer remonte le ballet à l’Opéra d Paris en 1828, et ce n’est pas par hasard. C’est lui qui fait entrer sur la scène de l’Opéra de Paris les prémices du romantisme, avec plusieurs ouvrages. En particulier avec La Somnambule, ballet oublié aujourd’hui mais qui a inspiré l’opéra de Bellini. On y voyait pour la première fois un univers paysan assez réaliste.
L’année suivante, en 1828, Aumer remonte donc La Fille mal gardée. Il dispose d’une troupe dont ce ballet n’a jamais eu d’équivalent. Il a un corps de ballet nombreux, équilibré entre hommes et femmes, avec des artistes de grande qualité. Le chorégraphe étoffe donc le ballet, et a ainsi besoin d’une nouvelle partition. La partition de la version d’Ashton est celle-là, même si elle a été un peu remaniée.
Le ballet va avoir du succès. Il garde le personnage ridicule d’Alain, et on le fait danser par Elie, le rival de Mazurier. Même s’il n’était pas assez chic pour l’Opéra, le public en veut, il fallait donc quelqu’un qui ait son potentiel.
La première représentation est une représentation “à bénéfices”, c’est-à-dire de charité. La distribution indiquée qui reste ne doit cependant pas être la bonne. A cette époque, les rôles de jeunes garçons comme Colas sont souvent dansés par des filles, et le public aime bien ça. Marinette Launer, qui est réputée comme la première Lise de l’Opéra, était très connue pour ce genre de rôle travesti. Elle devait donc très probablement tenir le rôle de Colas, et non celui de Lise.
Mme Montessu reste la première vraie Lise. Elle a dansé le personnage partout sauf à l’Opéra de Paris. Avec son frère Paul, ils étaient tous les deux Étoiles, et étaient des gens de grand cœur. Ils participaient ainsi à toutes les représentations à bénéfices. Et comme le rôle de Lise allait très bien au talent de Mme Montessu, à chaque fois qu’ils donnaient une représentation à bénéfices, ils dansaient des extraits de La Fille mal gardée.
« Sa danse vive et capricieuse semble peindre son caractère. C’est un papillon que l’œil a peine à suivre et qui vous échappe au moment où l’on croit le saisir, ses pauses sont si vraies, si abandonnées, elle cabriole, saute tourbillonne avec tant de souplesse et de vivacité qu’elle ravit et nous charme avant qu’on ait songé à l’admirer« , écrit d’elle Léonard de Géréon, dans La rampe et les coulisses en 1832. C’est sensiblement l’impression que doit laisser Giselle, quelques années plus tard. On voit ainsi très bien naître ces deux stéréotypes de danseuses dans le premier tiers du XIXe siècle, et on voit très bien comment Lise représente idéalement ce type de personnages qui papillonne.
La version de Frederick Ashton
La transmission du ballet
La transition vers ce que nous connaissons aujourd’hui passe par différents chemins. La vie des danseurs est déjà très mondialisée à l’époque, même si l’Amérique est encore loin. En Europe, c’est un échange constant des différents maître de ballet.
Dauberval, le créateur de La Fille mal gardée, fait danser le rôle de Colas à Didelot. Lui même s’installe en Russie, à Saint-Pétersbourg, où il devient maître de ballet. Il remonte là-bas l’œuvre, avec la technique des années 1820 : sans talon, avec une troupe très différente… Il adapte le charme et l’esprit du ballet. Plus tard dans le siècle, La Fille mal gardée est régulièrement repris.
Didelot apprend le ballet à Ivanov. Ce dernier décide de remonter La Fille mal gardée avec Marius Petipa. Ils s’appuient sur des souvenirs de Didelot, et y mêlent d’autres souvenirs qui viennent de Paris, la version d’Aumer. Cette version a été dansée dans les années 1830 par Marie Taglioni et son frère Paul. Paul finira sa carrière en tant que maître de ballet à Berlin, où il remonte beaucoup de ballet, en particulier La Fille mal gardée. Cette version-là, qui est très inspirée de celle de Paris, est construite comme un ballet romantique, avec l’importance de la narration, de la pantomime, la place du corps de ballet.
Le ballet entre ainsi au répertoire russe, et connaît un grand succès, surtout à la transition entre le XIXe et XXe siècle. Il est donné tout particulièrement à Saint-Pétersbourg, où toutes les grandes danseuses russes l’interprètent. Ces ballerines viennent ensuite en Europe, avec les Ballets Russes. Certaines d’entre elles y restent après 1917, comme Tamara Karsavina.
Tamara Karsavina était l’une des partenaires de Nijinski, ce dernier a d’ailleurs fait ses premier pas sur scène dans La Fille mal gardée. C’est un ballet délicieux, dont elle a gardé le souvenir, et a le regret que ça ne se danse plus. Elle en parle donc à Frederick Ashton, qui fait des recherches à la bibliothèque nationale. Il y trouve tous les documents qu’il veut, le livret orignal de 1803, qui reprend tous les épisodes. dans son ballet.
Ashton a ainsi pu remonter La Fille mal gardée grâce à des documents d’archive, mais aussi grâce à une transmission orale, qui venaient des Ballets Russes, avec cette version de Petipa, inspirée d’Aumer et de Didelot.
Ashton, un créateur
On agite ainsi toutes ces transmissions, et l’on a la version dont va s’inspirer Ashton. Sauf qu’Ashton lui-même est un créateur, il ne se contente pas d’ouvrir une boîte de conserve. Il veut nourrir le passé du présent et de sa personnalité.
La création de la version d’Ashton
Les deux créateurs de cette version sont des artistes qui étaient rares. David Blair (1932-1976) était qualifié de “meilleur danseur noble de sa génération, brillant technicien, partenaire parfait, excellent mime”. (Mary Clarke, Dictionnaire du ballet moderne, 1957). D’où la virtuosité de la chorégraphie. La créatrice de Lise était Nadia Nerina, Sud-Africaine qui avait achevé sa formation à Londres, et dont la même critique disait qu’elle était “petite, vigoureuse, possédait un saut magnifique, de la rapidité, de la vigueur dans les attaques, et quelle possédait une virtuosité fabuleuse”.
Une ruralité rêvée
Ashton recherche dans cette version le goût d’une campagne paisible, qui s’oppose à la campagne bruyante de son temps. Il s’inspire des peintures de Gainsborough,, son peintre favoris. Il recherche ces paysages champêtres, cet esprit. Ashton s’inspire aussi des spectacles qu’il a vu, comme La Petite renarde rusée de Janacek.
Le monde de l’enfance
Il reprends tous les éléments du livrets. Les poules par exemple. Dans le livret original, elles ouvrent le ballet. Lise, qui devait donner à manger aux poules, s’imaginait qu’elle aurait un jour, tout comme la poule, tout pleins d’enfants. Il y avait une machinerie en bois à l’époque, comme des jouets d’enfants, avec la tête qui s’active avec un petit fil. Il y avait donc la poule et les poussins en bois, et un fil que l’on tirait des coulisse pour faire bouger les têtes.
Ashton garde cette idée, d’une jeune fille qui veut se marier et devenir maman, quelque chose d’à la fois banal et charmant. Il en fait autre chose, avec ses poules à taille humaine. On a l’impression de se trouver chez La Fontaine, dans une espère ce divertissement. Le charme de cette version d’Ashton, c’est en fait qu’elle nous transporte dans le monde des enfants. Finalement, Lise est à la charnière entre l’enfance et l’adulte, La Fille mal gardée d’avant n’a pas cette dimension psychologique.
Il y a encore beaucoup d’enfance en Lise, la mère lui donne une fessée au début, il y a beaucoup de jeux. Alain chez Ashton, tout comme la mère, sont des caricatures. Ce sont aussi le regard des enfants sur les adultes qui les entourent. Par la mise en scène d’Ashton, le public adopte le point de vue de Lise, gentiment rebelle.
L’inspiration anglaise
Ashton se nourrit aussi de danses traditionnelles anglaises. La clog-dance, par exemple, est ce qui est à l’origine des claquettes. Dans les danses de groupe des garçons au deuxième acte, on peut voir des choses qui font aujourd’hui penser à du Lord of the Dance, tout comme la danse avec les bâtons, issus d’une danse populaire traditionnelle.
Une variation particulière
La variation de Lise dans la scène aux champs est très intéressante. Elle mêle à un travail de bras très expressif, mais qui évoque pour nous la danse romantique, à un travail de jambes qui nous fait penser à la danse académique de Petipa. Le mélange des deux est particulièrement intéressant dans la construction de la variation, qui va jusqu’à mettre des fouettés, ce qui ne se faisait pas du tout dans la dans romantique.
Les rubans
L’un des fils conducteurs de cette version reste aussi le thème des rubans. C’est à la fois le lien social, c’est aussi le lien dans le premier pas de deux entre les deux personnages. Le ruban en soie au XVIIIe siècle est un bijou précieux, qui coûte très cher. On a ce leitmotiv tout au long du ballet.
genoveva
Mais si, ce ballet est très politique et révolutionnaire ! dans la lignée de Beaumarchais ! une fille qui arrive à ne pas épouser le promis choisi par les parents en 1789 !
Aymeric
Première approche du ballet, très interessante cette confèrence! J’aime beaucoup l’idée des poules! Un peu de naïveté niaise ca fait du bien
Amélie
@ Genoveva : Ce n’est pas révolutionnaire dans le sens où ça ne parle pas de lutte des classes et de royauté je pense. Mais c’est vrai, le thème est moderne pour l’époque !
@ Aymeric : Les poules, je les adore dans ce ballet, tu vas adorer 😉
Pink Lady
Je viens seulement de lire ta retranscription (3 jours après la dernière, il était temps), très intéressant !
Petite correction au sujet des Noces de Gamache : le nom de la jeune fille doit s’écrire Kitri, puisque ce ballet n’est autre que Don Quichotte…
Amélie
@Pink Lady: Quitterie est bien la bonne orthographe pour Les Noces de Gamache, la transformation en Kitri est venue après. J’avais fait la même erreur, et l’auteure de cette conférence m’a gentiment corrigée. Kitri n’est que la transcription phonétique du russe, lui-même transcription phonétique de Quitterie.
Angélica
Olá,
Je suis histoiriene brasiliene, donc, pardon pour mon mauvese français.
J’ai commencé a lire son text et j’aimée. Mais je suis d’accord avec Genoveva, qui peut-être ce ballet parle, oui, de revolution. J’ai lû ( lire) toujours, qui il y a beaucoup de simboles dans La Fille: On peut dire qui la mère serait l’etat vieille, les deux jeunes apassionees sont la jeunesse et le nouvelle état, la nouvelle civilisation, etc…
Je voudrais savoir si il y a une information, ou referènce bibliographique sur La fille Mal Gardée n’être pas conotation avec la revolution…. C’est important pour moi, car ça fait une grand difference pour l’étude d’historie. Si est comme vous a dit, c’est anacronic dire ce que je pense…?
Merci,
Angélica
J’ai lu tout son text, et, voilá! Est sûr, il y a eu otres ballets et théâtres avec cette thematic! Est une atittude revolutionaire, mais il faut prendre l’atenttion à le context de ce moment historique. C’est un procès en course. De chanchement des habitudes, de la societé, de la politique… je pense qu’est tout liée. La Fille Mal Gardée fait part de tout ça. Au revoir!