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Benjamin Millepied : ses projets pour le Ballet de l’Opéra de Paris

Benjamin Millepied a été nommé nouveau directeur du Ballet de l’Opéra de Paris. Il prendra ses fonctions le 15 octobre 2014, succédant ainsi à Brigitte Lefèvre. Le jour-même de l’annonce, l’ancien danseur a effectué un petit marathon médiatique, entre interviews, conférences de presse et plateau TV. 

Le Figaro, Les Echos, Le Monde, Culture Box ou Danser Mag ont ainsi pu recueillir ses premières impressions et son projet artistique pour sa nouvelle compagnie. « J’ai les idées claires« , dit-il, même s’il reste encore très flou. Normal après tout, Benjamin Millepied a encore une saison pour se faire à l’institution. Mais il a laissé entrevoir quelques pistes.

Benjamin-Millepied.jpg– Travailler avec des chorégraphes classiques d’aujourd’hui 

Benjamin Millepied semble à la fois avoir un certain respect pour le répertoire classique et une admiration pour tous les chorégraphes du XXe siècle passé-e-s par Paris, comme Pina Bausch ou Mats Ek, qu’il n’a pas pu danser au NYCB. Mais il veut amener de nouveaux talents. Il parle de « chorégraphes de sa génération« , et plutôt dans une veine classique, pour se servir de la virtuosité des danseurs et danseuses. Il cite ainsi « Alexeï Ratmansky ou Alexander Ekman« . Ce qui me fait faire un peu la moue. Toutes les compagnies s’arrachent le premier, mais j’avoue ne pas être vraiment sensible à ses chorégraphie,-s, le trouvant d’un incroyable conformisme. Sa création Psyché pour le Ballet de l’Opéra de Paris n’était pas une franche réussite, et ne démontrait pas que Ratmansky convenait parfaitement à la compagnie parisienne.

Benjamin Millepied semble en tout cas être dans une veine plus conventionnelle que pouvait l’être Brigitte Lefèvre. Il n’est pas de toute façon, au vu de ses chorégraphies, un rebelle de la danse. Mais il a envie de faire souffler un vent nouveau sur le répertoire. Il a ainsi encore un an pour se familiariser avec la compagnie et découvrir qui est jean-Guillaume Bart. Tous les espoirs sont permis.

– Rester diplomate sur l’héritage Noureev

C’est la première question que lui a posé Stéphane Lissner lors de son entretien : « Que pensez-vous de Rudolf Noureev ?« . Et Benjamin Millepied a eu une réponse des plus évasives. Bien sûr que l’on continuera à les danser… pour l’instant. Mais dans quelques années, il faudra voir. Entre les lignes, on ne le sent pas vraiment fan des grands ballets de Rudolf Noureev, il n’est pas en tout cas un grand connaisseur, mais déclarer d’office vouloir jeter ce répertoire serait se mettre à dos toute la compagnie. Tact et doigté, Benjamin Millepied fait preuve, en tout cas pour l’instant, d’une certaine diplomatie.

– Organiser un pôle chorégraphique

Tout droit piquée au New York City Ballet, voici l’idée de Benjamin Millepied qui semble pour l’instant la plus aboutie, ou qui lui tient le plus à coeur. Il voudrait faire émerger une nouvelle génération de chorégraphes propre à la compagnie. Et pour ça, il souhaiterait mettre en place une structure chorégraphique, du temps dédié aux danseurs et danseuses qui ont envie de se lancer dans la chorégraphie. Ce serait « presque comme une mini-école, un  workshop régulier pour développer leur travail« , avec pourquoi pas la participation des chorégraphes invité-e-s.

Il existe de temps en temps des soirées Danseurs et danseuses/chorégraphes, mais cela ne permet pas forcément aux artistes de développer des projets sur le long terme. D’autres danseurs, comme Bruno Bouché ou Samuel Murez, ont créé leur propre groupe de travail pour monter leur chorégraphies. Même si, je pense, ils apprécient cette liberté, ils devraient plutôt être séduits par cette idée d’avoir du temps dédié pour leurs créations. Et pourquoi pas la possibilité de les donner sur la grande scène du Palais Garnier, ce qui n’a été pour l’instant que le privilège des Étoiles (Nicolas Paul excepté).


– Ne pas abreuver la compagnie de ses chorégraphies

Si Benjamin Millepied est aussi chorégraphe, il ne compte pas abreuver la compagnie de ses nouvelles créations… tout du moins au début. « A mon arrivée, je prendrais le temps de mieux connaitre les danseurs et danseuses. Je recommencerais à chorégraphier un peu plus tard. Je veux renouer avec la tradition du maître de ballet-chorégraphe« . Pour ma part, même si je regarde certaines de ses pièces avec beaucoup de plaisir, je ne suis pas forcément sa première fan. Du Millepied à petite dose, ça me va. Mais point trop n’en faut, et d’avance, merci de nous épargner la création annuelle.

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– Faire rayonner les danseurs et danseuses à l’international

Voilà une idée glissée à l’oreille du Figaro et qui me semble intéressante : faire rayonner les Étoiles de l’Opéra de Paris à l’étranger. On sait que la génération actuelle brille peut-être moins que la précédente à l’internationale, en tout cas n’est pas forcément souvent invitée à danser à l’étranger. La politique actuelle de l’institution va aussi dans ce sens, en considérant que ce qui est important, c’est le nom de l’Opéra de Paris, pas celui des danseurs et des danseuses.

Benjamin Millepied irait donc dans l’autre sens. « Je crois au rayonneemnt des danseurs et danseuses à l’extérieur. Si certains ont envie d’aller danser à l’ABT, s’ils ont le désir d’aller danser ailleurs, dans le respect de leur engagement à l’Opéra de Paris, je leur apporterais mon soutien« . Une phrase qui devrait être accueillie à bras ouvert par les Étoiles… et aussi par le public, car cela fonctionne en général dans les deux sens, ce qui voudrait peut-être dire plus d’artistes invité-e-s.

– Organiser des rencontres avec le public

Tout nouveau-nouvelle directeur-directrice d’une compagnie se doit de sortir quelques phrases toute faites de ce genre : J’aime le public et je veux aller vers lui. Benjamin Millepied ne déroge pas à la règle. « Je viendrai faire moi-même des présentations au public avant le spectacle, pour expliquer le programme à suivre, décortiquer la chorégraphie avec des extraits dansés,développer l’histoire chorégraphique« , assure-t-il. Ça ne changera pas la face de sa ligne artistique, mais c’est sympa d’y penser. La relation compagnie/public ne pourra de toute façon pas être pire que ce qu’elle est aujourd’hui.


– Danser hors les murs

C’est là encore un grand classiques des petits nouveaux, l’envie d’aller chercher un nouveau public et d’investir des lieux inédits. Ce n’est pas forcément évident à l’Opéra de Paris, par manque de temps, et ce genre de belles idées se retrouvent en général réduites à portion congrue. Benjamin Millepied se retrouve en tout cas dans le projet de Stéphane Lissner, qui est de faire repartir le Ballet sur les routes de France.

– Lancer des projets Opéra/Danse

Voilà le point peut-être le plus flou de son début de projet. En accord avec Stéphane Lissner, il aimerait « rapprocher le chorégraphique et le lyrique, créer des passerelles plus ténues entre ces deux univers« . Seraient-ce des spectacles à la Roméo et Juliette de Sasha Waltz ? Des soirées variées ? Il faut attendre.

– Garder la même équipe de travail

Benjamin Millepied ne vient avec personne et n’impose personne dans son équipe de travail. Les maîtres et maîtresses de ballet, les répétiteurs et répétitrices resteront les mêmes. Sous-entendu, le numéro deux de la compagnie, à savoir Laurent Hilaire qui était en course pour le trône, reste aussi en place. La réussite de Benjamin Millepied repose de toute façon sur son entente avec l’ancien danseur de la génération Noureev. Et le duo pourrait vraiment être intéressant.

– S’installer à Paris et laisser tomber son L.A. Dance Projet

Benjamin Millepied sera bien sûr un direteur à plein temps. Il laissera sa compagnie L.A. Dance Projet à quelqu’un d’autre, même s’il compte garder un oeil dessus. Et il emménage avec sa femme Natalie Portman et son fils à Paris. Comme ça, tout le monde est content (sous-entendu, dans le public), #Benji&Nat étant encore plus cool que #Will&Kate. Cela risque bien d’occuper pendant six mois les danse-addict, ce qui permettra à Benjamin Millepied d’avoir au moins six mois tranquille à la tête de la compagnie, le public se contentant de petits cris de ravissement face à la tenue de ladite Natalie, et comment sont-ils tellement glamour tous les deux.

Ceci-dit, que Benjamin Millepied ne se fasse pas d’illusion. Au bout de six mois, aussi sexy et sympa soit-il, le public recommencera à râler, à donner son avis sur tout et sur rien sur Twitter, à prouver combien tout ça était mieux avant, et pourquoi c’est un scandale qu’il ne nomme pas telle danseuse. Mais qu’il soit rassuré, toutes ces attaques ne seront pas personnelles. C’est juste que, sinon, ce n’est pas drôle.

Commentaires (5)

  • a.

    j’adore votre conclusion « sinon ce n’est pas drôle »!

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  • petitvoile

    Le projet Opéra/Danse bienaimé de Lissner vise à renouer avec la tradition du ballet dans les opéras. Et en gros de ne plus employer de danseurs externes pour cette tâche comme cela se fait actuellement. Le hic des ballets d’opéras tient fréquemment à la mauvaise qualité chorégraphique et de la danse à la limite de la figuration. Et le fait est que les danseurs du corps de ballet se tapent déjà bon nombre de danses-figuration d’un intérêt tout relatif dans les ballets du xixème… leur accueil de la proposition dépendra donc probablement de la qualité chorégraphique offerte ! Comme cela se passe dans les compagnies de ballet qui le pratiquent, le risque est de voir la compagnie scindée en deux, avec d’un côté les danseurs distribués dans les opéras et de l’autre ceux distribués dans les ballets… Ce peut être aussi parfois la chance pour un corps de ballet d’un solo dans un ballet d’opéra… Ou d’expérience scénique avec des chorégraphes contemporains.

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  • Estelle

    « C’est juste que, sinon, ce n’est pas drôle. »
    Tellement drôle, tellement vrai !

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  • @ A. et Estelle : Il faut bien l’avouer 😉

    @ PetitVoile : Le corps de ballet a déjà tellement de représentations à assurer, vont-ils avoir le temps d’être en même temps sur les opéras ? La valse des blessures et remplacements de décembre n’est pas forcément encourageant… même si c’est vrai que cela pourrait être une chance pour certain-e-s, si la chorégraphie est intéressante.   
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  • petitvoile

    @Amélie, les blessures et remplacements auxquels vous faites références touchent surtout les solistes ou les corps de ballets mis tous les fronts, pas sûr (sauf super chorégraphe!) que ce soit ceux-là qui soient mis dans des opéras…. Où ça se pratique, c’est plutôt aux très jeunes et aux moins distribués que reviennent les opéras car dans les très grosses boîtes que sont les cies d’opéras, certains danseurs sont beaucoup distribués et d’autres moins. On ne sait pas ce qu’il adviendra ici mais peut se supposer que ça y ressemblera comme ailleurs.

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