Wilfride Piollet : « Chez Merce Cunningham, c’est le corps qui est le temps »
Alors que la soirée Gillot/Cunningham a démarré le 31 octobre à l’Opéra de Paris, la presse ne parle que du premier ballet. Sous Apparence, la création de Marie-Agnès Gillot, est en effet un événement. Ce qui ne veut pas dire que la deuxième pièce n’en est pas un non plus.
Un jour ou deux a été créé tout spécialement pour le Ballet de l’Opéra de Paris, et Merce Cunningham n’a pas souvent inventé une pièce pour une autre compagnie que la sienne. Cette chorégraphie date de 1973, et n’a depuis été redonnée qu’une seule fois, dans les années 1980.
A l’occasion de cette nouvelle reprise en 2012, l’Opéra de Paris a organisé à la fin du mois du mois de septembre une rencontre publique autour de deux Danseurs et une Danseuse Etoile qui avaient participé à la création d’Un jour ou deux en 1973 : Michaël Denard, Wilfride Piollet et Jean Guizerix. S’étaient joint à eux Bénédicte Pesle, « muse, mais aussi militante du talent de Cunningham » et Robert Swinston, l’une des personnalités les plus proches du chorégraphe et nouveau directeur du Centre National de danse contemporaine d’Angers. Brigitte Lefèvre a aussi participé à cette rencontre. Fervente admiratrice du travail de Merce Cunningham, elle a pu danser quelques pièces du chorégraphe alors qu’elle dirigeait le Théâtre du Silence, avant de prendre la tête du Ballet de l’Opéra de Paris.
A-t-il été difficile de faire venir Merce Cunningham à l’Opéra de Paris en 1973 ?
Bénédicte Pesle : Pas vraiment. Merce a toujours trouvé qu’il se devait à ses danseurs. Par principe, il n’aimait donc pas chorégraphier pour d’autres compagnies. Mais ce qui était tentant, c’était de pouvoir travailler avec une plus large troupe, il n’en avait que six interprètes dans la sienne. Quand on lui a proposé l’Opéra de Paris, il a eu seize danseurs et danseuses. Un jour ou deux a été son premier ballet pour une autre compagnie que la sienne.
Son problème était en fait de chorégraphier pour des gens qui n’avaient pas choisi de travailler avec lui. L’Opéra de Paris s’était arrangé avec le Festival d’Automne, qui a tout payé pour ce spectacle. C’était difficile pour lui de refuser, c’était à la fois tentant et inquiétant.
En tant que danseurs et danseuses, comment avez-vous accueilli la nouvelle que vous alliez danser avec Merce Cunningham ?
Wilfride Piollet : C’est Igor Eisner qui nous a demandé si ça nous intéressait de travailler avec Cunningham. Nous étions allés voir Brigitte Lefèvre et Jacques Garnier à La Rochelle, qui dansaient quelques pièces du chorégraphe avec leur Théâtre du Silence. Au détour d’une rue, Eisner nous glisse que Cunningham va venir à l’Opéra, et nous demande ce que nous en pensons. On était fou de joie ! C’est nous qui l’avons choisi.
Michaël Denard : Pour ma part, je dansais beaucoup à New York à l’époque, avec l’ABT. Je prenais de temps en temps le cours chez Merce Cunningham, car je trouvais qu’ils étaient extraordinaires pour la danse classique. C’était la base classique, avec quelque chose en plus, moins la béquille de la barre. C’était un travail très difficile, mais qui m’apportait beaucoup, parce que l’on était livré à soi-même. Il fallait en plus trouver les intentions supplémentaires au classique, que Merce Cunningham apportait : beaucoup plus de directions, le centre de gravité qui bougeait beaucoup plus… Quand Merce est venu à l’Opéra, j’avais très envie de travailler avec lui, et de pousser ce travail avec un ballet, surtout dans une chorégraphie originale. Il n’en faisait pas pour d’autres compagnies. j’ai sauté sur l’occasion, et ça a été très concluant.
Jean Guizerix : Dès que j’ai su que Merce venait à Paris, on s’est empressé d’aller à New York. On a pris les cours au mois d’août avec sa compagnie, on était ainsi un peu plus armé.
Wilfride Piollet : On avait donc déjà travaillé un mois 1/2 avec lui. Nous le connaissions déjà en tant que professeur, et on avait très hâte de commencer les répétitions. A Paris, Il avait imposé de pouvoir donner les cours pendant deux heures, avant les cinq heures de séance de travail.
Quel type d’homme et de chorégraphe était-il ?
Wilfride Piollet : On a très vite eu une relation très amicale. On a commencé par travailler la première entrée, et il a tout de suite été très chaleureux, très plaisant. A l’époque, je changeais de loge, je me baladait donc beaucoup dans les couloirs pour aller chercher mes affaires, et j’en profitais pour lui poser des questions que je ne demandais pas en répétition. On se demandait ainsi pourquoi il y avait si peu de passages au sol, à genoux. Merce nous avait dit : « Parce que ça abîme les genoux« .
Michaël Denard : Il n’élevait jamais la voix, il parlait toujours très doucement.
L’une des grandes particularités de Merce Cunningham est son rapport différent à la musique. Pouvez-vous nous en parler ?
Brigitte Lefèvre : Les répétitions se font dans le silence complet. C’est comme ça que travaillait Merce Cunningham, les interprètes ne découvrent la musique que le jour de la Première, ou de la Générale. Lorsque j’avais dansé Summer Space avec le Théâtre du Silence, c’était la même chose. Lors de la création d’Un jour ou deux, il y avait trois chef d’orchestre, il n’y en aura plus qu’un pour cette reprise en 2012.
Michaël Denard : Le rapport avec la musique est vraiment intéressant. Merce travaillait toujours avec un chronomètre. Il construisait sa chorégraphie avec. Il vous réglait une phrase chorégraphique. On lui demandait à quelle vitesse il fallait la faire. « Vous faites comme vous voulez« . On pouvait la faire une fois très lentement ou trois fois rapide, ça lui était égal du moment que le temps, et bien sur sa chorégraphie, étaient respecté-e-s. Et le sens que ça pouvait apporter, non pas à l’argument parce qu’il n’y avait pas tellement de livret, mais à sa construction dan l’espace.
Wilfride Piollet : Il y a des passages, des pas, où le temps est absolument incontournable et où l’on répète jusqu’à ce que ce soit exactement ce temps-là et pas un autre. C’est le corps qui est le temps lui-même, c’est extraordinaire. Il vous responsabilise encore plus.
Brigitte Lefèvre : Cette technique est excellente pour l’humilité ! En répétition, je m’étais presque défoncée la cage thoracique sur un passage. Merce avait son chrono, il m’a regardé : « Non, vous avez fait trois secondes de trop« . Tout ce que j’avais fait, ce n’était pas bien du tout parce que je n’étais pas dans le temps. Le temps, c’était aussi l’espace, la manière de faire.
Comment se construisaient la musique et la danse entre elles ?
Bénédicte Pesle : Merce Cunningham et John Cage, qui a composé la musique d’Un jour ou deux, se donnaient la durée, et ils se donnaient des plots où ils se retrouvaient. A l’intérieur de ces limites de durée, chacun travaillait de son côté.
En tant que danseur et danseuses, comment avez-vous réagi lorsque vous avez découvert la musique ?
Michaël Denard : On l’a donc découvert la veille, à la générale. On avait vaguement entendu parler que la musique serait un peu étrange. J’avais un trajet pour venir me placer côté cour, à l’avant-scène. Je jette un œil dans la fosse, et je vois des musiciens avec un carton d’emballage, un autre soufflant dans un tuyau d’arrosage. On avait trois chef d’orchestre, un au milieu, un de chaque côté. Les musiciens pouvaient choisir le chef avec qui il voulait travailler. Et même en cours de route, changer de chef. Ce qu fait que parfois, on voyait des cartons se promener dans la fosse !
Après, la générale, l’une des cheffes d’orchestre vient me voir et me dit : « Vous avez vu, je vous ai bien suivi pour votre solo« . Mais nous, on ne s’occupait absolument pas de la musique, on avait notre rythme que Merce nous avait soumis pendant toute la période de répétition. Le lendemain, à la fin du spectacle, elle revient : « Je n’ai pas pu vous suivre, je n’avais pas de musiciens !« .
Que vous évoque cette musique de John Cage ?
Jean Guizerix : Nous l’avons écouté pour la première fois le soir de la générale. Dans la bande que l’on entendait parallèlement à l’orchestre, il y avait le bruit d’un avion. Évidemment, cet avion ne passait jamais au même moment. Cela me figure une très belle image, qui illustre bien mon travail avec Merce. Tout à coup, dans cette salle de l’opéra, j’avais l’impression que le plafond s’ouvrait. Pour nous, c’était un moment extraordinaire, les toits s’ouvraient et notre vision était différente. Un jour, sur le plateau, John Cage est venu vers Wilfride et lui a dt : « Quand vous dansez, j’entends une musique« . Cela voulait dire que la danse qu’avait créée Merce pour Wilfried figurait un chant, un ruisseau, un bruit aimé…
Comment cette musique a-t-elle été accueillie par les musiciens ?
Bénédicte Pesle : Les musiciens avaient toute une partie qu’ils pouvaient décider par eux-même, et ça a posé problème. Ils disaient qu’ils n’étaient plus des musiciens normaux, ils ont discuté des conditions.
Comment se repérer en scène s’il n’y a plus la musique pour cela ?
Robert Swinston : Les danseurs et danseuses doivent nécessairement prendre des décisions. Habituellement, ils-elles sont habitué-e-ss à danser sur de la musique. Sans la musique, ils-elles sont obligé-e-s de suivre en eux-même leur propre temps. Le temps peut être totalement flexible et évolutif, et non pas figé, noté. Ils-elles ne sont pas habitué-e-s à cette forme de découpe et de forme du temps, qui peut s’accélérer et changer. C’est quelque chose de très différent pour des interprètes qui ont des formations classique où l’on s’appuie sur la musique. Merce disait : » Vous devez savoir où vous êtes« . Les danseurs et danseuses d’aujourd’hui à l’Opéra sont très ouvert-e-s à ces nouvelles expériences. C’est à la fois sérieux et ludique.Pour moi, c’est un défi incroyable d’être responsable de ça.
Jean Guizerix : Les repères entre les danseurs et danseuses ne sont que visuels. C’est après avoir sauté trois fois avec le bras d’une telle façon qu’un autre danseur rentre. Quand il y a des ensemble, c’est une observation mutuelle de tous les interprètes entre eux. Ce n’est pas exactement classique, avec la même arabesque, le même bras. C’est légèrement différent, mais ça n’en n’est pas moins une observation entre nous.
Robert Swinston : Habituellement, les danseurs et danseuses sont habitué-e-s à préparer leur entrée par rapport à la musique. Là, ils sont obligés de regarder les autres, de se regarder entre eux, pour savoir quand entrer en scène et danser. Vous êtes tellement concentrés sur votre danse et sur celle des autres que vous ne faites plus attention à la musique. Souvent les gens se demandent comment on fait pour danser sur cette musique. Mais ce qui est le plus difficile, c’est la lumière. Parce que la lumière, comme la musique, est indépendante de la danse. C’est ça la danse de Merce Cunningham, cette indépendance des éléments entre eux.
Dans Un jour ou deux, comment sont les rapports entre solistes et corps de ballet ?
Wilfride Piollet : On était habitué, même dans les grands ballets, à avoir cette espèce de puzzle où l’on finit par être l’Étoile. Chez Merce, tout est important, le moindre petit mouvement dans un coin. Pour l’anecdote, un jour, on dansait dans le jardin du poète René Char. Jean était dans son coin, il ne faisait rien. Moi, je dansais des choses que je trouvais très intéressantes (rire). Et René n’a regardé que l’immobilité de Jean.
Merce était là, et il aimait l’immobilité, qui est très importante, tout comme les silences. Déjà, elle irradie de ce qu’elle est. On était juste tous très importants, tous les danseurs et danseuses. A tel point que l’on avait signé un manifeste où l’on avait accepté que nos noms soient avec ceux des artistes du corps de ballet, notés comme tout le monde. On dansait beaucoup plus qu’eux, mais on avait tous la même importance. C’est ça aussi la philosophie de Merce.
Jean Guizerix : La régie de la danse avait eu peur des représailles éventuelles des autres Étoiles, qui par la suite risquait d’avoir leur nom de la même grosseur que ceux du corps de ballet (rire).
Quel importance a le hasard dans Un jour ou deux ?
Wilfride Piollet : Merce a beaucoup introduit l’idée du hasard. Malgré la rigueur du temps à respecter, on pouvait aussi avoir une grande liberté, avec les costumes par exemple. Cela ne se fait pas pour cette reprise, mais à la fin du ballet, au moment de sa création, il y avait des grandes bannière en coulisse, et on pouvait choisir des accessoires : une fois des guêtres, une fois un chapeau… Cette liberté et le hasard, c’était quelque chose, il y a 40 ans, de très difficile à accepter, pour les ateliers couture par exemple.
Jean Guizerix : Nous avions un collant dessiné par Jasper Johns. Il y avait aussi la puissance du graphisme. A un moment du ballet, on avait des survêtements en coulisse, on pouvait mettre le bas ou le haut. On avait parfois cette liberté de choix.
Y a-t-il une anecdote liée à Un jour ou deux que vous aimeriez évoquer ?
Michaël Denard : Personnellement, c’était un ballet très pratique. Je commençais à entrer en scène au bout de 45 minutes. Quand on nous appelait en scène avant le levée du rideau, je commençais ma barre, et quand je l’avais fini, j’étais fin prêt pour y aller (rire).
Jean Guizerix : A un moment, il y avait un porté assez impressionnant. Pour le public, Wilfride se retrouvait tout à coup là-haut, très vite. Mais quel sur-homme pouvait la porter de cette façon ? En fait, elle donnait évidemment un appel du pied pour permettre que je la projette si haut, et comme j’étais de dos, cela ne se voyait pas. Mais légendairement, dans la compagnie, on s’est dit : « Jean est un sur-homme » (rire général).
Avez-vous dansé d’autres pièces de Merce Cunningham après l’expérience Un jour ou deux ?
Jean Guizerix : Nous étions frustrés de ne plus danser cette pièce. Nous avons donc demandé à Merce de nous offrir, ce qu’il a fait, un duo, qui s’est appelé Suite, extrait de Un jour ou deux. Wilfride et moi dansons toutes les parties qu’il nous avait créées pour ce ballet : le duo d’entrée, nos deux solos, et le duo de la fin. On l’a dansé au Venezuela, en Australie… J’ai eu aussi la chance de danser avant mon départ à l’Opéra Points in Space.
J’ai enfin demandé à Merce si l’on pouvait danser cette Suite pour mes adieux, en 1990. Il nous a dit : « Venez à New York, j’ai quelque chose d’autre à vous offrir« . Il nous a permis de danser deux duos d’August Space, ballet qu’il avait créé par la suite, une pièce pour des danseurs dans sa compagnie qui à l’époque vivait en couple.
Au-delà de la danse, que représente pour vous les chorégraphies de Merce Cunningham ?
Brigitte Lefèvre : Merce, c’est aussi lié à une pensée presque philosophique. Ce n’est pas juste bouger comme on le sent.
Michaël Denard : Mais c’est exactement ce qu’il nous disait !
Brigitte Lefèvre : Moi, je pense que Merce Cunningham, ce n’était pas que ça.
Michaël Denard : Pour ma part, je considérais ça beaucoup plus sur le plan du spectacle, comme quelque chose de ludique.
Brigitte Lefèvre : Il y a un côté ludique, mais il y a aussi le danger. C’est difficile à danser, ça demande beaucoup d’intelligence. Ce n’est pas par hasard que quelqu’un comme Merce a fait ce qu’il a fait. Nous, interprètes, nous avons une autre façon de l’appréhender. Il disait que ce qui l’intéressait, c’était que tout ce qu’il voulait mette en scène puisse se faire dans de bonnes conditions. Il avait cette technique classique, ce travail formidable des jambes et de l’en dehors, et en même temps il m’a parlé de Martha Graham… On rentre dans cette espèce de philosophie presque orientale. Il a révolutionné le regard du public. J’aime beaucoup la nature, les paysages, grâce à Merce.
On peut penser que Merce se situait dans un mouvement dadaïste. Il y avait une pensée, une démarche… Ce n’est pas par hasard s’il nous a choisis, et ce n’est pas par hasard si l’on a envie de travailler avec lui. Il y aussi quelque chose qui se passe, quand vous prenez une classe, quand vous dansez une de ses œuvres… Ce n’est quand même pas rien.
Wilfride Piollet : Merce adorait le Japon. Il aimait aussi Maître Eckhart, un mystique du XIVe siècle. Il disait que le cœur est partout dans le corps. Pour Merce, c’était la même chose, le cœur pouvait être partout dans le corps, du moment qu’il était vivant.
Michaël Denard : Pour ma part, je me suis basé sur le fait que je sois un danseur confronté à la technique que Merce apportait. Oui, j’ai travaillé avec, mais en tant qu’interprète, je me suis pas posé la question de savoir d’où ça venait ou ce que cela voulait représenter. J’étais vraiment un danseur qui essayait d’assimiler une technique que Merce nous transmettait. Et je trouvais ça formidable. Je ne suis pas entré en religion avec lui, je suis un simple danseur, j’essayais de transmettre la technique qu’un maître nous donnait, pour qu’on puisse la transmettre à notre tour au public.
Plus généralement, que vous a appris Merce Cunningham ?
Brigitte Lefèvre : Il m’a appris la liberté de la danse, il m’a appris l’espace. C’est une considération particulière de Merce, qui avait accepté qu’une jeune troupe comme celle du Théâtre du Silence danse ses chef d’œuvres. Il y a une pensée derrière tout ça.
Wilfride Piollet : Avec Merce, on avait une impression incroyable de responsabilité. Il nous responsabilisait complètement, dès l’échauffement. Pour nous, ça a été un grand choc. Par son échauffement, il nous mettait responsable de l’espace, de l’autre, ce qui est très différent de la barre où l’on est dans son coin, accroché à quelque chose. Merce vous responsabilisait comme dans une pièce, chaque personne était profondément responsable de son espace et de son temps. C’est complètement fondamental. A partir de là, avec Jean, on a quitté la barre. C’était tellement plus riche de vivre tout de suite l’espace (ndlr : Wilfride Piollet est maintenant pédagogue avec la particularité de donner des cours sans barre, avec un échauffement au milieu très différent des exercices traditionnels).
Pourquoi avoir voulu reprendre Un jour ou deux en 2012 ?
Brigitte Lefèvre : Ce n’est pas dans un état esprit de Bondieuserie, et dire : « Cela a toujours été comme ça« . Si on regardait Le Lac des Cygnes à sa création, on serait surpris. Je pense que c’est intéressant qu’une pièce moderne, qui fait partie d’un répertoire, puisse être dans cette évolution. Elle n’aurait pas eu exister sans ces interprètes-là. Il ne s’agit pas de changer, mais de continuer à la faire bouger. C’est dans cet esprit-là que l’on a souhaité reprendre cette pièce. Je voulais aussi que l’on puisse s’interroger : qu’est-ce-que cela veut dire 40 ans après ?
Comment remonte-t-on une pièce de Merce Cunningham ? Est-ce que c’est possible de les remonter à l’identique ?
Robert Swinston : On avait déjà remonté Un jour ou deux en 1986. Normalement, le ballet durait 90 minutes, et on l’avais réduit à une heure. Merce faisait lui-même évoluer ces pièces. C’est la même pièce, mais c’est différent, par l’échange qui s’y fait.
Bénédicte Pesle : On a étudié les bandes de la première pour les noter. Merce était convaincu que c’était des trésors chorégraphiques, qu’il avait été très inventif. Sa compagnie ne pouvait pas danser cette pièce, parce qu’il n’y avait pas assez de danseurs, mais elle pourrait l’utiliser dans des events.
Robert Swinston : D’ailleurs, après 1985, Merce donna à New York des extraits d’Un jour ou deux par sa compagnie. On continue de danser cette pièce aujourd’hui, mais elle n’est pas la même chose pour nous que pour l’Opéra de Paris.
Brigitte Lefèvre : Merce avait fait cette première version, qui avait provoqué le débat. Après, il y a une évolution, ce n’est pas toujours les mêmes artistes qui dansent. Michaël Denard n’était pas là pour cette reprise, c’est Laurent Hilaire qui a repris ce rôle. Il y a aussi eu des changements dans les évents. Il y a eu des extraits d’Un jour ou deux interprétés donc par la compagnie de Merce. On est toujours dans le changement.
Que pourriez-vous dire au public qui va découvrir Un jour ou deux en 2012 ?
Jean Guizerix : Ce que nous disait Merce Cunningham avant un spectacle : « Have a good time« .
elendae
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de retranscrire tout ça, c’est passionnant ! Je regrettais justement de ne pas y être allée…